Port-au-Prince, 16 octobre 2025
À un moment où notre pays traverse une crise morale, politique et existentielle sans précédent, il devient urgent de parler avec vérité, courage et amour d’Haïti. En tant que fils de cette terre et témoin de son histoire, je livre ici une réflexion et un appel à la conscience nationale.
Pour le redressement de la barque nationale
Haïti traverse l’une des périodes les plus sombres de son histoire contemporaine. Sa souveraineté, conquise au prix du sang et de la dignité de ses ancêtres, est aujourd’hui en otage entre les mains de forces internes et externes qui marchandent son avenir. Le peuple, héritier d’une révolution unique au monde, se retrouve trahi par des élites corrompues, abandonné par des institutions sans âme et piégé dans un système qui l’appauvrit et le dépossède de son pouvoir.
Mais au cœur de cette nuit, une lumière persiste : celle de la conscience nationale. Elle s’allume à nouveau dans l’esprit de ceux qui refusent de courber l’échine et qui croient encore en la mission originelle de 1804, la mission de bâtir un État libre, juste et souverain.
Ce texte n’est pas une simple dénonciation. C’est un appel à la reconstruction morale, politique et économique du pays. Un cri de résistance contre la résignation. Un plan de réhabilitation du rêve Dessalinien, adapté à notre époque. Il trace la voie vers une nouvelle Constitution, une nouvelle gouvernance et une nouvelle conscience collective.
La souveraineté d’Haïti n’est pas à négocier : elle est à reconquérir. Et cette reconquête ne se fera ni dans la peur ni dans la division, mais dans l’unité d’un peuple qui choisit enfin de se remettre debout.
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Réhabiliter la vérité nationale face à la manipulation politique
Des élections en Haïti dans ce chaos ? Je m’interroge : quel est l’intérêt réel de la communauté internationale dans ces élections ? Est-ce véritablement la démocratie ou une démocratie corrompue et instrumentalisée ?
On pourrait en dire long, mais restons concis : pourquoi, aujourd’hui, dans une situation aussi chaotique, veut-on organiser des élections ? La première raison semble être de pousser le peuple haïtien à signer l’acte de décès du Président Jovenel Moïse. Toutes les oligarchies ont participé à cet assassinat : l’oligarchie religieuse en lui apportant sa caution, l’oligarchie politique en travaillant à l’exécution du plan, l’oligarchie économique en finançant l’opération et l’oligarchie internationale en validant et en coordonnant le coup.
Et le peuple ? Où est-il dans cet imbroglio ? Le calcul paraît mal ficelé. Le peuple haïtien d’aujourd’hui est plus lucide, plus mûr, il n’est plus celui des années 1990.
Malgré la multiplication des gangs dans des départements stratégiques du pays, notamment l’Ouest, le Centre et l’Artibonite, malgré la destruction du pouvoir d’achat de la classe moyenne, la prédation bancaire, le kidnapping, les assassinats crapuleux, les crimes odieux et l’exode des quartiers populaires, les oligarques ont réussi à placer leurs plus fidèles collaborateurs dans toutes les sphères de l’État. Pourtant, la « marchandise » ne peut pas encore être livrée : il leur manque l’aval populaire.
J’adresse donc une question aux candidats et aux électeurs des prochaines élections fixées par le CPT : si le plan derrière la destruction du pays, y compris l’assassinat du Président Jovenel Moïse, piétine la souveraineté nationale et va contre l’avis des citoyens, pourquoi persévérer ?
Le projet que porte ce « syndicat diplomatique » baptisé « Amis d’Haïti » a d’ailleurs été dévoilé par les oligarques eux-mêmes. Leur logique est claire : « Nap ba yo lajan, nap fè yo youn manje lòt, nap fè yo retounen lakay yo an Afrik », dénoncé par des candidats à l’émission Ranmase de Jean Monard Métellus. Ces candidats au Sénat rapportaient le contenu d’une réunion tenue avec d’autres candidats à travers le pays. Et derrière cela plane encore le plan de l’équipe Clinton sur les richesses du sous-sol haïtien.
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Si l’assassinat du Président Jovenel Moïse a été la réponse à ses prises de position contre des oligarques nationaux et internationaux, rappelons qu’il avait affirmé aux premiers : « Ti rès la se pou pèp la. » Aux seconds, il avait martelé : « L’aide externe ne fonctionne pas en Haïti. » Ce jour-là, au Palais, j’ai vu la gêne rougir le visage de ceux qui se sentaient visés.
Alors, candidates et candidats, quels sont vos véritables projets pour Haïti ? S’agit-il de préparer un nouveau massacre ?
Avez-vous entendu Ibrahim Traoré, du Burkina Faso, qui nous rappelle : « Les oligarques brandissent l’assassinat de Jovenel Moïse comme un éventail pour lui faire pression. »
Savez-vous que ceux que vous voulez représenter réclament à cor et à cri le changement de ce système corrompu, responsable de toutes leurs misères ? Ces élections, vont-elles changer ce système ou le consolider ? Vous devez me convaincre.
Peuple haïtien, ouvrez grand les yeux. Le changement, c’est maintenant.
De la résistance à la reconstruction: Manifeste pour une refondation nationale
Après tant de blessures et de trahisons, Haïti doit redevenir un projet collectif. Ce Manifeste pour une refondation nationale se veut une boussole morale et politique pour reconstruire la patrie sur les valeurs de dignité, de justice et de souveraineté.
A. Les fondements de la refondation
1. Refonder la République sous le nom de République Dessalinienne d’Haïti (RDH).
Ce changement symbolise la renaissance d’un État fondé sur la justice, l’honneur et la dignité nationale. Il marque la volonté de renouer avec l’esprit originel de 1804 et d’assumer pleinement l’héritage révolutionnaire de Dessalines.
2. Reconquérir et garantir la souveraineté nationale.
Haïti doit redevenir maître de ses choix politiques, économiques et culturels. Cela implique de réduire la dépendance extérieure et de reconstruire la confiance dans les institutions nationales.
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3. Confier la renaissance du pays à la jeunesse et à ses forces vives.
La jeunesse haïtienne doit devenir le moteur du renouveau national grâce à son énergie, sa créativité et son patriotisme. En l’impliquant dans les décisions et la reconstruction, la nation assure la continuité et l’avenir de son idéal de liberté.
4. Créer une école de pensée patriotique et nationaliste.
Ce lieu d’enseignement civique et historique visera à restaurer l’amour du pays, le respect des symboles et la conscience citoyenne. Il contribuera à refonder la culture politique haïtienne sur les valeurs de solidarité, de discipline et de responsabilité.
5. Élaborer une nouvelle Constitution inspirée des idéaux de Dessalines.
Cette Constitution devra rompre avec les modèles importés et placer la souveraineté populaire au cœur du pouvoir. Elle consacrera la justice sociale, l’unité nationale et la primauté de l’intérêt collectif, en rendant au peuple la pleine maîtrise de son destin.
B. Les institutions du renouveau
6. Repenser le fonctionnement des pouvoirs publics.
L’État doit être au service du peuple et non d’intérêts partisans. Une nouvelle architecture institutionnelle garantira la séparation réelle des pouvoirs et la reddition de comptes à la nation.
7. Instaurer un service militaire obligatoire au sein d’une force armée professionnelle.
Ce service, orienté vers la défense nationale et le développement, permettra de former une génération disciplinée et utile à la société. L’armée deviendra ainsi un outil de cohésion, de travail et de développement.
8. Mettre en place un Service national d’intelligence patriotique.
Ce service, animé par des jeunes formés aux valeurs de loyauté et d’intégrité, aura pour mission de protéger les intérêts fondamentaux de la nation et de prévenir toute menace à sa souveraineté.
Identifiés dès leur plus jeune âge dans les écoles, les jeunes les plus prometteurs seront accompagnés dans un parcours civique et stratégique, afin de constituer une élite consciente, disciplinée et dévouée à la patrie.
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9. Établir une nouvelle diplomatie Dessalinienne.
Elle reposera sur la compétence, la souveraineté et le respect mutuel entre les nations. Haïti doit redevenir une voix forte du Sud, porteuse de justice et de fraternité universelle.
10. Réformer la gestion des douanes et des frontières.
En confiant ce contrôle aux Forces Armées, l’État garantira la sécurité économique et territoriale du pays. Les recettes douanières redeviendront une source majeure de financement pour le développement national.
11. Assurer une gestion saine et responsable des finances publiques.
Chaque ressource nationale doit être utilisée au bénéfice du peuple. La transparence, la lutte contre la corruption et une fiscalité équitable seront les piliers de cette réforme.
12. Refonder le système judiciaire.
L’épuration du corps judiciaire est essentielle pour restaurer la confiance du peuple en la justice. Les magistrats devront être intègres, compétents et indépendants de toute influence politique.
C. La reconstruction sociale et morale
13. Réparer les injustices sociales.
Des politiques équitables doivent être mises en œuvre pour réduire les inégalités et redonner espoir aux plus vulnérables. La justice sociale sera la mesure du progrès national.
14. Reconstruire la famille haïtienne.
La famille, cellule de base de la société, doit redevenir un espace d’éducation morale et de stabilité. Repenser la parentalité, c’est réhabiliter les valeurs éthiques qui soutiennent la nation.
15. Promouvoir une nouvelle conception de la foi et de la religion.
La spiritualité doit redevenir un moteur d’unité nationale et non un instrument de division ou d’exploitation. Les institutions religieuses seront appelées à accompagner la transformation morale du pays.
16. Réorienter la jeunesse vers l’éducation, le travail et le sport.
Ces trois piliers renforceront la discipline, la créativité et le patriotisme. Former des jeunes compétents et actifs, c’est investir dans la stabilité et la prospérité future d’Haïti.
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17. Conscientiser et moraliser la population.
Par l’éducation civique, la culture et les médias, il faut éveiller un nouveau sens du devoir collectif. Un peuple conscient de sa valeur devient invincible.
18. Intégrer pleinement la diaspora dans la vie nationale.
La diaspora constitue une force économique, intellectuelle et diplomatique indispensable. Sa participation directe renforcera les liens entre Haïtiens du dedans et du dehors et favorisera une gouvernance ouverte et inclusive.
D. La vérité, la justice et la mémoire
19. Créer un Tribunal spécial de 13 juges.
Ce tribunal sera chargé de juger les grands dossiers de corruption et de trahison nationale : l’assassinat du Président Jovenel Moïse, l’affaire CIRH et l’affaire PetroCaribe. Il s’agira d’un acte de justice historique pour rétablir la vérité et la dignité.
20. Exiger réparation pour la dette française.
La France doit rendre compte du pillage institutionnalisé qui a freiné notre développement. Cette réparation est une question de justice, de mémoire et de souveraineté.
21. Faire la lumière sur le pillage de la Banque de la République d’Haïti en 1915.
Une commission d’enquête indépendante mettra en évidence la responsabilité des forces étrangères dans cette spoliation. L’histoire doit être écrite et revendiquée par les Haïtiens eux-mêmes.
22. Évaluer et exploiter les richesses du sous-sol haïtien.
Sept ingénieurs haïtiens qualifiés et intègres seront chargés de cette mission stratégique. Ces ressources doivent enfin servir au développement collectif et non à l’enrichissement d’une minorité.
23. Rendre justice à Dessalines et à Jovenel Moïse.
Ces deux figures, tombées pour la liberté, la dignité et le bien-être des masses populaires incarnent la continuité du combat pour la souveraineté. Leur mémoire doit inspirer le redressement moral, politique et historique du pays.
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Pour une aube nouvelle
L’histoire d’Haïti ne s’arrête pas aux blessures du passé ni aux trahisons du présent. Elle s’écrit encore, à chaque génération, par celles et ceux qui refusent de renoncer. La souveraineté n’est pas un héritage figé, c’est un combat quotidien, une responsabilité partagée, une promesse à honorer.
Aujourd’hui, la nation se tient à la croisée des chemins : entre la soumission et la résistance, entre l’oubli et la mémoire, entre la peur et la dignité. Le choix appartient au peuple, à cette jeunesse qui porte encore dans son sang le courage de Dessalines.
Mais pour transformer cette espérance en réalité, il nous faut un homme ou une femme habité(e) par ces valeurs nationalistes et patriotiques, capable de rallier les consciences et de porter ce projet de refondation avec courage, intégrité et amour du pays. Haïti a besoin d’un(e) bâtisseur(se) de destin, à la fois ferme et juste, enraciné(e) dans le rêve de 1804 et tourné(e) vers l’avenir.
Puissions-nous nous relever, non pas contre les autres, mais pour nous-mêmes.
Puissions-nous bâtir un pays qui n’ait plus honte de son nom, ni peur de son avenir. Et qu’au-delà des crises, des manipulations et des échecs, se lève enfin une génération déterminée à faire d’Haïti non pas un souvenir glorieux, mais un projet vivant.
Haïti ne mourra pas. Elle renaîtra du cœur de ses enfants.
Pierre Simon GEORGES, D.H.C.
Docteur honoris causa en environnement, ancien ministre de l’Environnement d’Haïti, ancien Conseiller électoral, ancien Député de la 45elégislature, enseignant et analyste des politiques publiques. Il milite pour une refondation nationale fondée sur la justice, la souveraineté et la dignité. 7 | P a g e

