22 octobre 2025
Haiti en crise : discours du chef du BINUH devant le Conseil de Sécurité
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Haiti en crise : discours du chef du BINUH devant le Conseil de Sécurité

RÉUNION D’INFORMATION DU CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L’ONU – DISCOURS DU REPRÉSENTANT SPÉCIAL DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL (SRSG)
NEW YORK, 22 octobre 2025 (Traduction)


Monsieur le Président, Honorables membres du Conseil, Excellences,

C’est un honneur de m’adresser à vous pour la première fois en tant que Représentant spécial du Secrétaire général en Haïti.

Au cours des deux mois et demi qui ont suivi mon arrivée en Haïti, j’ai rencontré divers acteurs — autorités nationales, société civile, organisations de défense des droits humains et des femmes, partis politiques, ainsi que les partenaires internationaux du pays. Durant cette période, j’ai pu constater de mes propres yeux la dure réalité du quotidien, surtout à Port-au-Prince. Les conditions sont extrêmement difficiles, mais le peuple haïtien n’a pas renoncé. Sa résilience nous inspire l’espoir.

Comme le sait ce Conseil, les forces de sécurité nationales, appuyées depuis seize mois par la Mission multinationale d’appui à la sécurité dirigée par le Kenya, ont affronté les gangs avec courage et détermination. Malgré leurs efforts valeureux, les groupes armés maintiennent leur emprise sur la capitale et étendent leur influence dans l’Artibonite, le Centre et, plus récemment, le département du Nord-Ouest, semant la terreur et paralysant les institutions de l’État.

Entre juillet et août, les gangs ont intensifié leurs attaques contre des communes agricoles en périphérie de Port-au-Prince et dans d’autres régions, tout en multipliant les assauts contre la police nationale. Dans le département de l’Ouest, les 11 et 12 septembre, une attaque contre le village de Labodrie, à Cabaret, a fait plus de 42 morts, dont six enfants. Dans l’Artibonite, des attaques menées à la même période ont causé la mort de 42 habitants et blessé 29 autres, tandis que deux commissariats ont été incendiés.


Monsieur le Président,

L’ampleur et l’impact du déplacement interne en Haïti sont sans précédent : plus de 1,4 million de personnes sont déplacées. La santé, l’éducation et la sécurité alimentaire dans les communautés touchées demeurent des préoccupations majeures. Mobiliser des ressources adéquates est crucial pour répondre aux besoins urgents, prévenir toute aggravation et mettre en place des solutions durables.

La situation des droits humains demeure également très préoccupante, avec de graves violations liées aux attaques de gangs, aux violences de groupes d’autodéfense et, parfois, à certaines opérations de sécurité.

Les violences sexuelles continuent d’être utilisées de manière systématique par les gangs comme outil de domination et de terreur contre les femmes et les filles, affectant non seulement les victimes et survivantes, mais aussi leurs familles. Parallèlement, l’effritement des structures familiales et communautaires de protection, combiné au manque de protection sociale et aux faibles alternatives économiques, favorise l’exploitation et le recrutement des enfants par les gangs.

Ces groupes armés sapent gravement la jouissance des droits sociaux, économiques et culturels fondamentaux. Ils extorquent les entreprises et les transports publics, pillent les biens privés et publics, et s’en prennent aux agriculteurs et producteurs locaux. Leur contrôle des routes entrave aussi l’accès aux services essentiels, notamment les soins de santé et l’éducation.


Dans ce contexte, je salue l’adoption de la résolution 2793, autorisant la transition vers la Force de répression des gangs et la création du Bureau d’appui des Nations Unies en Haïti (UNSOH). Cette décision illustre l’engagement constant du Conseil de sécurité à soutenir le rétablissement de la sécurité en Haïti. Plus encore, elle redonne espoir au peuple haïtien et marque une étape essentielle pour renforcer le soutien international aux forces de sécurité nationales, en s’appuyant sur les acquis de la Mission d’appui à la sécurité (MSS).

De même, je salue la décision du Conseil de renouveler, le 17 octobre, le mandat du Comité des sanctions et de son Groupe d’experts. Les sanctions demeurent un outil crucial pour dissuader et mettre fin aux actions criminelles des déstabilisateurs. Des efforts soutenus et coordonnés sont désormais nécessaires pour mettre en œuvre la résolution 2793 et doter la nouvelle Force de répression des gangs des ressources indispensables à sa mission — condition essentielle pour améliorer la sécurité et appuyer les initiatives haïtiennes visant à faire avancer le processus politique.


Monsieur le Président, Distingués membres du Conseil,

Malgré les défis sécuritaires persistants, le processus politique entre dans les derniers mois de l’actuelle période de transition, qui prévoit le transfert du pouvoir à des responsables élus d’ici le 7 février 2026.

L’horloge de la transition tourne. Je suis préoccupé par l’absence d’une trajectoire claire vers la restauration de la gouvernance démocratique. Toutefois, je salue les démarches entreprises par les autorités nationales pour consulter les acteurs politiques, définir les conditions nécessaires à la tenue d’élections et éviter un vide institutionnel au-delà du 7 février 2026.

Dans cette optique, la décision du Conseil des ministres du 9 octobre de retirer la révision constitutionnelle de l’agenda de la transition et de renoncer au référendum constitutionnel marque un recentrage bienvenu sur la préparation électorale. Dans ce contexte, un dialogue interhaïtien soutenu reste indispensable pour forger un consensus renouvelé sur la voie à suivre.

Le BINUH continue de favoriser les échanges entre parties prenantes, d’encourager un dialogue constructif et inclusif pour renforcer la stabilité, la cohésion nationale et mener à terme la transition.

Sous la direction stratégique du BINUH, les Nations Unies en Haïti poursuivent leur appui technique et logistique au Conseil électoral provisoire, afin d’accélérer les préparatifs des élections.


Monsieur le Président, Excellences,

En attendant le déploiement complet de la Force de répression des gangs, j’encourage les autorités nationales à prendre toutes les mesures appropriées pour renforcer la sécurité, tout en assurant la protection des communautés les plus touchées par la violence, en particulier les enfants.

Une attention particulière doit être accordée aux mesures complémentaires visant à prévenir le recrutement et favoriser la réinsertion des enfants associés aux gangs, conformément aux normes relatives aux droits de l’enfant.

Tout en saluant le travail du Groupe de travail interinstitutionnel sur la réduction de la violence communautaire – soutenu par le BINUH –, j’invite les autorités de transition à rétablir une institution nationale dédiée au désarmement, démantèlement et à la réintégration durables.

Des efforts continus sont également nécessaires pour garantir l’accès à la justice pour les victimes de violences des gangs. Le soutien international aux unités judiciaires spécialisées est essentiel pour aider Haïti à combattre l’impunité, notamment en matière de crimes financiers, de corruption, de crimes de masse et de violences sexuelles.

Le BINUH et ses partenaires internationaux collaborent étroitement avec la nouvelle direction de la police nationale pour renforcer les institutions et améliorer l’efficacité et la redevabilité des opérations de sécurité.

Malgré les défis institutionnels persistants, l’élaboration du nouveau Plan stratégique de développement de la police et la formation de 884 recrues, dont 160 femmes, constituent des étapes importantes vers le renforcement des capacités et du professionnalisme de la PNH.


Monsieur le Président,

L’autorisation donnée par le Conseil de sécurité d’établir la Force de répression des gangs et le Bureau d’appui des Nations Unies en Haïti marque une étape clé dans les efforts visant à accroître la capacité opérationnelle des forces de sécurité nationales pour restaurer la sécurité.

Le BINUH continuera à favoriser la coordination entre acteurs nationaux et internationaux, à renforcer les capacités à long terme et à promouvoir des approches inclusives et respectueuses des droits humains en matière de maintien de l’ordre.

Malgré un environnement sécuritaire hostile affectant la présence des partenaires internationaux à Port-au-Prince, y compris celle de l’ONU, je dirige les efforts pour ramener rapidement l’ensemble du personnel international du BINUH dans la capitale, afin d’atteindre une présence complète et opérationnelle dans les plus brefs délais.

À cette étape critique de la transition politique, cela nous permettra de renforcer notre appui aux efforts dirigés par les Haïtiens pour restaurer la sécurité, promouvoir le dialogue, réduire la violence communautaire, lutter contre l’impunité et rétablir la gouvernance démocratique.

Comme l’a demandé ce Conseil, avec le déploiement attendu de l’UNSOH, les Nations Unies sont prêtes à coordonner les actions avec tous les partenaires présents sur le terrain, y compris les organisations régionales et la Force de répression des gangs, tout en encourageant la coopération de toutes les parties haïtiennes avec cette dernière dans l’exécution de son mandat.


Monsieur le Président, distingués membres du Conseil,

Des progrès simultanés dans les domaines de la sécurité, du processus politique et de l’application des sanctions contre les déstabilisateurs demeurent essentiels pour renforcer la stabilité, restaurer la gouvernance démocratique, mettre fin à l’impunité et construire une Haïti plus prospère.

L’action récente de ce Conseil a envoyé un message fort au peuple haïtien : il n’est pas seul, et la communauté internationale se tient à ses côtés en ce moment crucial.

Le moment est venu de transformer ce message en progrès concrets et d’inverser la marée de la violence.

Le moment est venu pour tous les secteurs haïtiens de s’unir et de placer l’intérêt de la nation au-dessus de tout.

Notre engagement collectif et constant demeure essentiel.

Je vous remercie de votre attention.

UNSC BRIEFING – SPEECH OF THE SRSG

NEW YORK, 22 October 2025

Monsieur le Président, Honorables membres du Conseil, Excellences,

C’est un honneur de m’adresser à vous pour la première fois en tant que Représentant spécial du Secrétaire général en Haiti.

Over the past two and a half months since I arrived in Haiti, I have met with different stakeholders, from national authorities to civil society, human rights and women platforms, political parties, as well as Haiti’s international partners. During this time, I have been able to witness firsthand the brutal reality of everyday life in the country, especially in Port-au-Prince. There is no doubt that the circumstances are dire, but the Haitian people have not given up. Their fortitude gives us hope.

As this Council is aware, the national security forces, supported by the Kenyan-led Multinational Security Support Mission over the past sixteen months, have faced the gangs with courage and determination. Despite their valiant efforts, armed gangs have maintained their grip on the capital and continued to expand into the Artibonite, the Centre, and most recently the Northwest department, spreading terror among the Haitian population and hindering the functioning of State institutions.

Between July and August, gangs increasingly targeted farming communes on the outskirts of Port-au-Prince and in other areas of the country and staged multiple attacks against the national police. In the West Department, from 11 to 12 September, a gang assault on the village of Labodrie in Cabaret resulted in more than 42 deaths, including six children. In the Artibonite, attacks during the same period left 42 residents dead and 29 injured, with two police stations set on fire.

Mr. President,

The scale and impact of internal displacement in Haiti is unprecedented, with more than 1.4 million people displaced. Health, education and food security in affected communities continue to be of major concern. Securing adequate resources is critical to meeting urgent needs, preventing further deterioration, and designing durable solutions.

The human rights situation also remains deeply concerning, with widespread abuses linked to gang attacks, violence involving self-defense groups, and even some security operations.

Sexual violence continues to be systematically used by gangs as a tool of domination and terror against women and girls, impacting not only the victims and survivors but also their families. At the same time, the erosion of family and community protective structures, combined with the lack of social protection, and limited economic alternatives, creates fertile ground for the exploitation and recruitment of children by gangs.

Armed gangs continue to gravely undermine the enjoyment of fundamental social, economic, and cultural rights. They extort businesses and public transportation, ransack both private and public property, and attack farmers and local producers in rural areas. Their control of roads also restricts access to essential services, including healthcare and education.

Against this backdrop, I welcome the adoption of Resolution 2793 authorising the transition to the Gang Suppression Force and the establishment of the United Nations Support Office in Haiti. This decision reflects the continued engagement of the Security Council in supporting the restoration of security in Haiti. More importantly, it has generated a renewed sense of hope among Haitians, marking a necessary step towards strengthening international support for national security forces by building on the achievements of the MSS.

Similarly, I welcome the Security Council’s decision to renew the mandate of the Sanctions Committee and its Panel of Experts on 17 October. Sanctions remain a critical instrument to deter and put an end to the nefarious and criminal actions of spoilers. Moving forward, sustained and coordinated efforts to implement Resolution 2793 and to provide the newly authorized Gang Suppression Force with the necessary resources and means to fulfill its mandate are essential to improving the security situation. This is also vital to support and safeguard Haitian-led efforts to advance the political process.

Mr. President, Distinguished Members of the Council,

Amid persistent security challenges, the political process has entered the final months of the current transitional governance arrangements, which foresee the transfer of authority to elected officials by 7 February 2026.  

The transition clock is ticking. I am concerned that a steady path towards the restoration of democratic governance is yet to emerge.  However, I welcome the steps taken by national authorities to consult with political stakeholders, to reach agreement on the necessary conditions under which elections should be held and to avoid a political vacuum beyond 7 February 2026. 

In this vein, the 9 October decision by the Council of Ministers to remove constitutional review from the agenda of the transition and forgo the organization of a constitutional referendum, marks a reorientation, prioritising electoral preparations. Within this context, sustained inter-Haitian dialogue remains crucial to forging renewed consensus on the way forward.

BINUH is helping to bring stakeholders together, promote constructive and inclusive dialogue in order to strengthen stability and national cohesion, and bring the transition to a close.

Under BINUH’s strategic guidance, the United Nations in Haiti continues to provide technical and logistical support to the Provisional Electoral Council to accelerate preparations for the holding of elections.

Mr. President, Distinguished Members of the Council, Excellencies,

In anticipation of the full deployment of the Gang Suppression Force, I encourage national authorities to take all appropriate measures to increase security, while ensuring the protection of communities most affected by violence, particularly children. 

Adequate focus needs to be given to complementary measures to prevent recruitment and support the reintegration of children associated with gangs in line with child rights standards. 

While commending the work of the Inter-Institutional Task Force on community violence reduction –supported by BINUH– I urge transitional authorities to re-establish a national institution to lead sustainable disarmament, dismantlement and reintegration.

In the same vein, continued national efforts are needed to ensure access to justice for victims of gang violence. International support to the specialized judicial units is critical to help Haiti combat impunity, notably regarding financial crimes, corruption, mass crimes and sexual violence.

BINUH and international partners have continued to engage closely with new police leadership to advance institutional strengthening and reinforce the effectiveness and accountability of security operations.

Despite persistent institutional challenges, preparations to elaborate the new police Strategic Development Plan and the launch of the training of 884 cadets, including 160 women, are important steps to strengthen the capacity and professionalism of the police.

Mr. President,

The authorization by the Security Council to establish the Gang Suppression Force and the United Nations Support Office in Haiti represents a key milestone in efforts to enhance the operational capacity of national security forces to help restore security. On our part, BINUH will continue fostering coordination among national and international actors in building long-term capacity, and promoting inclusive, rights-based approaches to policing.

The hostile security environment continues to impact the presence of Haiti’s international partners in Port-au-Prince, including the United Nations. Nevertheless, I am leading efforts to swiftly complete the return of all BINUH international personnel to Port-au-Prince, with the goal of achieving 100 per cent staff presence in the capital as a matter of urgency. At this critical stage of the political transition, this will enable us to maintain and further strengthen our support to Haitian-led efforts to restore security, promote dialogue, reduce community violence, combat impunity and reestablish democratic governance.

As requested by this Council, with the expected deployment of UNSOH, the United Nations stands ready to coordinate with all partners on the ground –including regional organizations and the Gang Suppression Force– while encouraging all Haitian parties to cooperate with the latter in the execution of its mandate.

Mr. President, distinguished members of the Council,

Simultaneous progress on the security front, the political process, and the application of sanctions against spoilers remain key to fostering stability, restoring democratic governance, ending impunity and building a more prosperous Haiti.

The recent action by this Council was a signal of reassurance to the Haitian people that they are not alone – that the international community stands with them during this critical moment.

Now is the time to swiftly translate this signal into real progress and turn the tide of violence.

Now is the time for all Haitian sectors to come together and place the interest of their nation above all else.

Notre engagement collectif et continu reste essentiel. 

Je vous remercie de votre attention.

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