22 octobre 2025
Prof. Wilson Laleau : Comment  sortir durablement des transitions politiques en Haïti ? 
Actualités Politique

Prof. Wilson Laleau : Comment  sortir durablement des transitions politiques en Haïti ? 

Transitions politiques et changement de la Constitution : nous avons tout faux. Comment  sortir durablement des transitions politiques en Haïti ? 

Ce que l’expérience et l’histoire nous enseignent, c’est que peuples et gouvernements n’ont jamais  rien appris de l’histoire. 

Hegel, Lectures on the Philosophy of History, 1837, p.19 

Wilson Laleau, 15 octobre 2025 

Sommaire exécutif 

Depuis plus de deux siècles, Haïti demeure piégée dans un cycle de transitions politiques sans issue. Chaque  crise débouche sur un nouveau projet constitutionnel censé “refonder la République”, mais les mêmes causes — faiblesse institutionnelle, hypercentralisation, capture oligarchique, société civile désorganisée, faiblesse des  partis politiques et dépendance externe — reproduisent les mêmes effets : instabilité, méfiance et fragmentation.  La littérature empiriquement fondée (Fatton, Trouillot, Acemoglu et al., Evans, North & Weingast, World Bank  2023) montre que la faiblesse institutionnelle, la centralisation excessive, la capture oligarchique et la  dépendance externe forment un cercle vicieux de prédation. La Constitution devient alors un simple instrument  de conquête du pouvoir, non un cadre de légitimation partagée. Le pays a « tout faux » lorsqu’il croit qu’un  nouveau texte peut, à lui seul, produire le changement. Aucune Constitution n’a échoué par son contenu, mais  par l’absence de préparation, d’expérimentation et de légitimité de son environnement politique. Pour rompre  cette spirale, l’article propose de concevoir la transition comme un laboratoire constitutionnel d’une durée  limitée (cinq ans). Une Constitution transitoire organiserait une phase de stabilisation (président custode non  polarisant, au-dessus de la mêlée, gouvernement de coalition), une phase d’expérimentation (gouverneurs  départementaux, assemblées de maires, comité de suivi) et, enfin, une conférence nationale constitutionnelle chargée d’élaborer la Constitution définitive fondée sur les leçons de la pratique. Cette refondation politique  doit s’accompagner d’une mutation économique : passer d’un État prédateur à un capitalisme coopératif, ancré  dans les communes, la diaspora et les coopératives départementales. L’objectif est de bâtir une économie  solidaire et un État décentralisé, capable de produire des biens publics et de réduire les inégalités. La sortie  durable des transitions ne viendra pas d’une rupture, mais d’une méthode graduelle fondée sur l’apprentissage,  la participation et l’évaluation. Ce n’est pas une nouvelle Constitution qu’il faut rédiger, mais un processus  constitutionnel qu’il faut instituer. 

Introduction 

La formule précédente qu’on retrouve dans ce livre posthume édité par un étudiant d’Hegel  éclaire sur les raisons de la répétition insupportable de ces schémas déjà extrêmement coûteux pour Haïti, accentuant l’instabilité institutionnelle, la capture de l’état, la dépendance des  interventions extérieures, les processus de destruction du tissu productif national et de  massification de la pauvreté, etc. Elle suggère que les sociétés n’apprennent pas par simple  remémoration des faits historiques, mais par leur traduction institutionnelle en règles, contre pouvoirs, routines administratives, systèmes de veille stratégique et d’incitations actualisés. Pour se souvenir mais aussi pour se donner les moyens de résister contre la répétition de ces épisodes fâcheux. Pour éviter que les coalitions dominantes qui tirent profit  des combinaisons de court terme ne continuent à bloquer les réformes et l’accumulation  patiente et réfléchie de capacités. 

C’est pour ne pas avoir intégré de garde-fous suffisants, à l’exception des contraintes à son  amendement, que malgré tous les mérites de la Constitution de 1987, sa mise en œuvre  effective n’a jamais vraiment été défendue par aucun groupe politique. Les discussions ont  toujours porté sur la forme, jamais sur le fonds. Il suffit de se référer aux agendas législatifs  des différents gouvernements depuis presque quatre décennies et la production de normes  législatives résultant des différentes sessions parlementaires pour s’en convaincre. 

L’application des dispositions en matière de droits sociaux (éducation, santé, travail), sur les  collectivités territoriales, sur la manière d’organiser la société productive, aurait déjà dû nous  faire faire un bond qualitatif appréciable en matière de développement économique et social,  depuis l’adoption de cette Constitution à la durée de vie la plus longue de l’histoire du pays.  La création ou la consolidation des organes qui devraient les faire vivre (cour  constitutionnelle, conseil électoral permanent, fonction publique professionnelle et  méritocratique, pouvoir local compétent et redevable, système fiscal efficace et transparent) a  été négligée. Nous adoptons les textes pour réparer la façade pas pour renforcer la charpente.  Malgré nos proclamations cambrées, nous nous accommodons avec désinvolture à une  manière de dépendance de l’aide et de l’extérieur qui court-circuite et infantilise les  administrations nationales, ne renforce pas forcément l’économie tant elle affaiblit  l’apprentissage local. Sans stratégie d’absorption graduelle, sans appropriation  institutionnelle, chaque cycle d’aide comme chaque nouvelle administration repart de zéro.  Notre contrat social improbable peine à institutionnaliser les processus capables de garantir  l’inclusion économique et le progrès social. Il échoue à éduquer sur la responsabilité de tous contre le désordre et la barbarie. Cela nous enferme dans une logique de répétition des formes  (états d’exception) où les promesses constitutionnelles (thèses) et les réalités du pouvoir  (antithèses) ne débouchent pas sur une synthèse institutionnelle stable, faute d’avoir  intériorisé et transformé les peines infligées par les crises en moteurs de changement. 

Ce texte prétend que notre refus d’un « diagnostic impartial et partagé » est la principale  raison qui nous fait répéter les mêmes schémas qui détissent les liens sociaux, affaiblissent la  nation, et délégitiment l’Etat. Il estime que le débat actuel entre ceux qui revendiquent  l’application stricte de la Constitution de 1987 et ceux qui en réclament une nouvelle est vicié.  Parce qu’il ne met pas suffisamment en évidence ce qui fonde la véritable mission de l’état et  justifie son existence, dans le sens aristotélicien du terme, c’est-à-dire celle d’assurer le bien être général des citoyens (vie bonne, heureuse et vertueuse). Après une mise en perspective  des angles morts de nos diagnostics qui limitent la qualité et la pertinence de nos politiques  publiques, ce document propose une alternative qui permet de sortir durablement de la  transition dans un contexte de démocratie véritable et de progrès pour tous. 

I. Comment expliquer l’échec de la transition démocratique post-1986 ? 

La thèse centrale de Pierre-Raymond Dumas dans sa chronique politique au long cours sur  l’Haïti post-1986 (cette transition qui n’en finit pas, lancée en mars 1990, dans le quotidien  « Le Nouvelliste »), rassemblée en ouvrages distribués en plusieurs volumes, est que « la  transition est devenue un état permanent, un régime en soi » articulé dans une alternance de  pouvoirs provisoires. Il l’analyse par ses manifestations : instabilité institutionnelle, élite  politique divisée, cycles électoraux inachevés et dépendances externes. Son approche est  différente de celle de l’ancien président Prosper Avril. En tant que témoin et acteur de la  culture politique haïtienne des transitions, Avril (2021) dans son livre : L’histoire des  transitions politiques en Haïti, 1806-2020, propose une théorie implicite de « la crise  chronique. » Même si cette théorie n’est pas formalisée, son récit montre qu’en Haïti les  transitions, coups d’État et gouvernements provisoires ne sont pas des anomalies, mais les  modalités habituelles de transfert du pouvoir. En cela, les deux auteurs se rejoignent.  Cependant, la thèse d’Avril est plus conservatrice. Elle suggère que la succession de crises est le symptôme d’un État sans légitimité de succession, donc sans règle de renouvellement du  pouvoir autre que la force ou la ruse. Le problème n’est donc pas l’absence de démocratie,  mais la perte du sens de l’ordre et de la hiérarchie. Cette thèse néglige la dimension  symbolique du pouvoir et présente les crises comme le résultat d’un problème de discipline  politique, de l’absence d’un État fort. Pour Dumas, en revanche, la « crise devient permanente » à cause de la difficulté de la société haïtienne à faire advenir la modernité  politique. Son analyse cependant évoque un sentiment de fatalité culturelle, sans mécanisme  institutionnel concret pour y remédier.  

L’idée de Dumas inspire l’analyse de Robert Fatton (Haiti’s Predatory Republic : The  Unending Transition to Democracy, 2002) : institutions capturées, clientélisme, impunité et  cycles d’instabilité. Elle pointe le semi-présidentialisme conflictuel, la faiblesse du Parlement,  la montée des gangs comme facteur structurant de la crise et la porosité insécurité-politique handicapant à chaque changement de régime le retour à la normalité électorale. Le livre de  Fatton fait un récit sur la coexistence de ce qu’il appelle trappings of democracypour  désigner les apparences formelles de la démocratie – les rituels et institutions visibles  (élections, Constitution, partis, discours officiels) qui existent sans que les pratiques  démocratiques réelles soient effectives – et des luttes violentes pour s’approprier l’État et ses  institutions. Il souligne l’entrelacement des hiérarchies socio-économiques et de couleurs dans  la formation des coalitions et dénonce les « transitions imbriquées » dans des injonctions  extérieures (conditionnalités, interventions) qui ne renforcent pas durablement les institutions  nationales. Là où Dumas insiste sur une culture de l’affrontement à dépasser par le  compromis, Fatton privilégie une explication structurelle (rentes, classes, coloration sociale,  tutelles). Cependant, les deux lectures se complètent davantage qu’elles ne se contredisent. Fatton remarque que la transition démocratique entamée dans les années 1980–1990 a échoué  non seulement à cause de contraintes externes, mais surtout parce que les structures de l’État  Haïtien sont elles-mêmes conçues pour servir la prédation plutôt que le bien commun. Pour  lui, les élections, souvent encouragées par la communauté internationale, n’ont été que des «  vitrines démocratiques » incapables de transformer les logiques de captation et de corruption.  Ainsi, le pays reste enfermé dans une transition sans consolidation, un processus circulaire où  les crises politiques et institutionnelles se succèdent sans aboutir à une stabilisation durable. Il conclut son travail sur la nécessité de réformes constitutionnelles et institutionnelles pour  briser le cycle de prédation et orienter l’État vers le bien commun.  

Un diagnostic incomplet 

Avril, Dumas et Fatton ne sont pas les seuls à étudier la transition politique en Haïti. Ils doivent être lus en dialogue avec des perspectives d’auteurs comme Sprague (2012), Kivland  (2016), Maguire et Freeman (2018), Dubois (2021) qui ont prolongé leur analyse en la  nuançant. Sprague par exemple, confirme que l’Etat haïtien est un appareil capturé par les  élites et instrumentalisé par des intérêts extérieurs. Il met l’accent sur la violence extra étatique comme instrument du système prédateur. Kivland. dans une étude ethnographique du quartier du Bel-Air à Port-au-Prince, nuance Fatton en montrant que l’état prédateur est  concurrencé par des micro-pouvoirs locaux. Maguire et Freeman pointent la déconnection de  la classe politique et notent l’émergence d’initiatives locales et de coalitions citoyennes  cherchant à imposer un agenda plus inclusif, même dans un système vicié. Dubois pense que  la grille d’analyse mettant l’emphase sur la République prédatrice est utile mais trop statique  parce qu’elle néglige la dialectique entre domination et résistance sociale. Le rapport de la  Banque Mondiale de 2022 – Haïti, Social Resilience and Institutional fragility – fait écho à la  thèse de Maguire en expliquant la pauvreté et l’instabilité en Haïti davantage par la fragilité  des institutions étatiques que par un manque de ressources sociales. Le problème avec cette  thèse c’est qu’elle néglige la question des causes premières. Elle ne dit pas pourquoi plus de  quatre ans après que le pays est entré dans cette actuelle transition, aucune voix locale  d’aucune sorte n’est parvenue à s’imposer pour proposer une sortie de crise crédible et acceptée. Et le pays survit dans la souffrance et l’attente passive de ce que « la communauté  internationale » décidera. 

Une société civile faible et dispersée 

Tous ces diagnostics, pour intéressants qu’ils sont, laissent d’importants angles morts. Ils  n’expliquent pas pourquoi les revendications populaires arrivent difficilement à influencer les  décisions de politiques publiques ou pourquoi elles finissent toujours dans la violence ou dans  la résignation. Ces travaux insistent assez peu sur le niveau intermédiaire d’organisation de la  société (partis, associations, syndicats) qui est pourtant central pour stabiliser la démocratie  représentative, comme l’avait remarqué De Tocqueville (1835) dans son analyse de la  démocratie américaine. Tocqueville écrit : « En Amérique, le peuple règne sur le monde  politique comme Dieu sur l’univers.» Pour l’auteur de « De la Démocratie en Amérique, » si  le peuple peut régner sans provoquer le chaos, c’est parce que les institutions locales  (assemblées communales, comtés, jurys) habituent les citoyens à gérer ensemble leurs  affaires. Ainsi, les associations libres et diversifiées s’occupant des problèmes divers et variés  de la communauté jouent un rôle clef « d’écoles de liberté » pour enseigner la coopération,  l’art de défendre des intérêts collectifs et de résister aux abus du pouvoir. Il souligne que la souveraineté du peuple américain s’exerce à travers les corps intermédiaires qui la rendent  viable et stabilisent le régime démocratique. On peut donc en déduire que, dans le cas d’Haïti, sans société civile organisée, pour contraindre l’État et imposer le bien commun, les accords  politiques de transition ne trouvent pas d’ancrage social et territorial et sont voués à  reproduire la prédation qu’ils se promettent de combattre.  

La Constitution de 1987 a proclamé la souveraineté du peuple, mais faute de garde-fous  institutionnels (structures de médiations solides) – partis ancrés, société civile représentative et fédérée, communes dotées de ressources suffisantes – celle-ci est restée largement  symbolique. Cette idée de la faiblesse de la société civile n’est pas forcément partagée par le US Institute of Peace (USIP, 2024)1. Dans son analyse des conditions de succès de la  transition en Haïti, l’institution note que la société civile s’est reconstruite plus vite que les  partis après 1986, même si elle reconnait que son fonctionnement dépend largement des financements extérieurs. Ce point de vue est aussi celui de CIVICUS (2022)2 qui rapporte que  « selon une perception partagée par des citoyens haïtiens, la société civile doit prendre le  relais » car les partis politiques ne proposent aucune solution. Il reconnait néanmoins que la proposition se heurte à un défi majeur, celui de la représentativité : qui parle au nom de la  société civile ? C’est le principal handicap à l’émergence d’une force structurée de médiation  entre l’État et les citoyens. Louis Naud Pierre (Haïti : les recherches en sciences sociales et les  mutations sociopolitiques et économiques, 2007) est l’un des rares à avoir explicitement  intégré que les citoyens ont structurellement besoin d’institutions intermédiaires fortes,  diversifiées et représentatives pour forcer l’État à agir dans le sens du bien-être collectif et  résister contre les intérêts particuliers. Dans ce livre collectif qu’il a dirigé, l’auteur explique  que la démocratie échoue en Haïti non seulement parce que l’État est prédateur (Fatton) ou  fragile/faible (Banque mondiale, 2022 ; Corten, 2011), mais aussi parce que « la société civile  reste juridiquement et politiquement désorganisée. » Les textes et institutions importés ne  suffisent pas sans une base socio-économique et organisationnelle enracinée. Il propose une  sortie de crise par la ré-institutionnalisation de la recherche et du débat public à travers une  politique scientifique nationale et la constitution d’espaces autonomes de réflexion pour nourrir et éclairer la décision publique. Cette analyse est tout à fait pertinente car elle met le  doigt sur un des déterminants majeurs de la récurrence des crises. Elle n’est cependant pas  complète. Elle ne dit pas quel mode d’organisation cette société civile peut se donner pour défendre et promouvoir les intérêts collectifs sans se faire phagocyter par les intérêts  particuliers.  

Partis politiques : sans convictions idéologiques, sans représentativité 

Le deuxième problème qui reste en marge de la littérature sur la transition est la faiblesse des  partis et les risques que pose leur financement sur la stabilisation politique du pays. Le  ministère de la Justice et de la Sécurité Publique a publié une liste de 267 partis politiques  enregistrés et reconnus en 2021. Ces partis politiques qui structurent le paysage politique sont  sans enracinement territorial ou idéologique et sans base de financement pérenne, i.e., sans  appareil structuré, sans système de cotisation des membres. Le pullulement des partis rend  l’offre politique illisible, confine au marchandage post-électoral et génère des cabinets  ingouvernables. C’est la thèse défendue dans les publications d’institutions comme  International IDEA (2018),3 CSIS (2022)4et Crisis Group (2025).5 Les partis politiques sont donc incapables de canaliser les conflits sociaux, ou d’engendrer des coalitions  programmatiques stables et durables. Ils sont presqu’exclusivement des véhicules électoraux  centrés sur des individus incapables de structurer durablement la compétition politique. Cette  situation engendre des coalitions opportunistes et des réseaux clientélistes qui réduisent les  élus à défendre les intérêts de ceux qui financent leurs campagnes au détriment de l’agenda  sur lequel ils ont reçu le vote de la population. Elle offre un terreau fécond pour la  reproduction du système de prédation. Malheureusement, la littérature sur les transitions  politiques en Haïti insiste davantage sur les disfonctionnements de l’État. Elle n’intègre pas  assez les relations entre partis politiques et organisations de la société civile ; elle traite soit  l’un, soit l’autre. Elle fournit donc une documentation lacunaire des mécanismes internes de  représentativité territoriale (communes, associations locales). Les travaux de Sauveur Pierre  Etienne s’en démarquent de manière opportune. Dans deux ouvrages (L’énigme haïtienne :  échec de l’État moderne en Haïti, 2018 ; Haïti, invasion des ONG, 2008), il combine des  références en sciences politiques (institutionnalisme, transition démocratique, analyse des  partis politiques) avec une lecture enracinée dans l’histoire haïtienne. Il y développe la thèse  que la crise haïtienne est avant tout « une double crise d’institutionnalisation de l’Etat et des  partis politiques. » Elle se caractérise par l’absence de l’état de droit, la faiblesse chronique  des partis politiques, la personnalisation du pouvoir, la capture des institutions par des réseaux  clientélistes et claniques, et la forte dépendance de la société civile et des ONG de  financement extérieur. Changer les élites dirigeantes seul ne change rien à l’affaire, car les  crises émergent de l’incapacité de l’État à remplir ses fonctions modernes (monopole de la  violence légitime, appareil administratif neutre et compétent, système fiscal stable) ; chaque  nouvelle élite placée dans les mêmes conditions reproduit les mêmes logiques de capture et  d’exclusion. Si ses analyses ne fournissent pas une « boite à outils » institutionnelle détaillée,  étant lui-même dirigeant de l’un des partis les plus stables et les mieux structurés, l’auteur fournit un socle théorique qui devrait inspirer tout vrai projet de transition. 

Sans une analyse approfondie qui tienne compte de ces dynamiques des rapports entre l’Etat,  les partis politiques et la société civile, la thèse de l’État prédateur, reprise de manière  récurrente dans la littérature, fournit un diagnostic incomplet et est donc peu opératoire.  Contrairement aux pratiques régionales – particulièrement en République Dominicaine dominée par trois formations principales : PRD, PLD, PRM ou des pays de l’Amérique du  Sud tels que le Chili, l’Uruguay, le Brésil, où les partis reposent sur des clivages  idéologiques : gauche/droite, libéralisme/social-démocratie – Haïti n’a jamais consolidé de  grands partis de masse ; c’est ce qui explique que, depuis 1986, toutes les transitions échouent  à trouver des solutions nationales satisfaisantes. Elles ont toutes été résolues par desinterventions étrangères qui n’ont fait que déplacer les problèmes. Faute de légitimité sociale  et politique suffisante, pour se maintenir au pouvoir, les élites politiques, prises en étau, sont  souvent amenées à favoriser les groupes d’intérêts organisés au détriment du bien-être  collectif.  

L’autre nom du mal 

Le concept d’État prédateur est toujours associé à celui d’oligarchie dans la littérature pour  dire le mal qui ronge Haïti. Ces deux facteurs en général sont considérés comme déterminants principaux du système de corruption théorisé suivant la logique : faiblesse institutionnelle →  capture par l’oligarchie → prédation → affaiblissement de la légitimité étatique →  reproduction de la domination oligarchique. Michel-Rolph Trouillot (1990) décrit très bien ce  mécanisme dans son livre : Haiti: State Against Nation. Cette idée est reprise par Acemoglu,  Johnson & Robinson (2001, 2012), Corten (Haïti, la République Dominicaine, l’État faible,  1989, 2011) et Robert Fatton (précédemment cité) qui tous présentent l’État prédateur comme l’expression institutionnelle de la domination oligarchique. L’État prédateur est arrimé aux  stratégies de l’oligarchie qui l’utilise comme bras coercitif et outil de redistribution sélective.  Ces travaux adaptent en contexte haïtien une réalité décrite par Cardoso et Faletto (1979) qui  expliquent comment les oligarchies en Amérique Latine utilisent l’État comme relais de  dépendance externe et interne, renforçant les structures d’exclusion. Dans une démarche  d’analyse d’une rare profondeur sur les connexions entre l’État prédateur, l’oligarchie  économique et la dépendance internationale. Leslie Péan, dans sa série Haïti : Économie  politique de la corruption (publiée en quatre tomes entre 2000 et 2007) prolonge cette thèse de « l’État comme bras armé de l’oligarchie. » Péan ne propose pas de refondation  institutionnelle, il soutient cependant que le pouvoir économique n’est pas né en dehors du  pouvoir politique mais en son sein (Péan, tome II, p.132). De manière empirique, cette  corrélation a été établie dans deux rapports de la Banque Mondiale pour le compte du  gouvernement haïtien traitant des mécanismes de concentration de richesse dans le cadre d’un  travail préparatoire à l’élaboration d’un projet de loi sur la concurrence par la Commission  Présidentielle sur la Réforme du Droit des Affaires, en 2015. Le deuxième rapport intitulé  « Let’s talk competition », publié en 2016, donne une image saisissante de la manière dont ce  mécanisme opère dans le pays au bénéfice de quelques groupes ou entreprises dominants, tous  concentrés à Port-au-Prince. Il établit que : 1) pour certains produits d’importation, une seule  compagnie peut détenir jusqu’à 60% des parts de marchés ; 2) pour la plupart des produits  essentiels importés, les prix au consommateur peuvent être de 35 à 77% plus élevés que la  moyenne latino-américaine et caribéenne ; 3) certains de ces groupes bénéficient d’une  réduction de droits de douane en moyenne 13% inférieurs à ceux imposés à la concurrence. Cette forte intrication entre État prédateur et oligarchie favorise une faible pression fiscale, renforce le clientélisme (financement des leaders ou partis en échange d’accès aux ressources  publiques), entraine le blocage des réformes, la faible compétitivité de l’économie, et le  chômage massif des jeunes, etc. L’État haïtien, au lieu d’être arbitre et moteur du  développement, devient outil de rente au service d’une minorité. Il est donc évident que sans  réformes institutionnelles profondes (État autonome porté par une société civile organisée,  coalitions politiques cohérentes, inclusion sociale) et sans alternatives économiques qui  valorisent « les actifs réels de la population, » le cercle vicieux oligarchie–prédation  continuera à se perpétuer. Mais quelles réformes ? 

Ne pas se tromper de bataille, l’oligarchie est la même partout

L’argument politique consistant à dénoncer la collusion entre l’État prédateur et l’oligarchie est juste. Il conduit souvent à la conclusion qu’il faut en finir avec cette combinaison pour  remettre le pays à l’endroit. Mais, il ne nous dit pas comment. Depuis 1986, nous  reproduisons des discours performatifs sur les lendemains qui chantent comme si les  changements adviendront par le seul fait de les énoncer, sans nos engagements personnels,  sans volontarisme politique. Quatre décennies après, nos décisions cumulées ne sont pas  seulement mal inspirées, elles nous font brutalement régresser, parce que, à cause de nos  diagnostics insuffisants, nous continuons de nous tromper de bataille. Ce que ces discours  reproduits même dans la littérature scientifique oublient, c’est que l’oligarchie est consubstantielle à toutes les sociétés (en particulier capitalistes). Autrement dit, l’oligarchie  haïtienne n’est pas différente de celle des Etats-Unis, de la France, du Sénégal ou de la  République Dominicaine. Elle existe et remplit les mêmes fonctions de la même manière  partout. Ce qui fait la différence entre les pays, c’est la capacité des autres acteurs collectifs  (Etat, partis politiques, société civile) à limiter ou à contrebalancer son pouvoir. C’est ce  qu’avait démontré Wilfredo Pareto (1917-1919) dans son ouvrage publié en deux volumes : « Traité de Sociologie Générale. » Il y développe la thèse que toutes les sociétés sont  gouvernées par une minorité d’élites organisées qui peuvent être des renards, manipulateurs et innovateurs ou des lions, brutaux et autoritaires. Elles ne sont pas accidentelles, elles ne  disparaissent pas, elles se renouvellent – pacifiquement ou violemment ; c’est une loi  sociologique universelle. Mancur Olson (1965) explique que leur avantage vient de leur  capacité à s’imposer plus facilement parce qu’elles surmontent plus aisément les problèmes de coordination et d’action collective, étant composées d’un nombre très limité d’individus aux intérêts bien définis. En revanche, la société civile dispersée (citoyens, consommateurs)  souffre de ce que ses membres, en passagers clandestins, attendent que les choses changent à  leur avantage mais refusent de contribuer leur part à l’effort collectif pour forcer le destin.  Elle peine donc à s’organiser pour imposer une position cohérente et s’en remet aux autres et  au hasard. La multiplication des interventions étrangères humiliantes au cours des trente  dernières années et l’asphyxie de l’économie nationale sur fonds de désarroi de la population  laissée sans défense ne s’expliquent pas autrement. Olson confirme avec Pareto que le  problème n’est pas l’existence des oligarchies, mais la faiblesse des mécanismes de contre pouvoir collectif. 

II. Comment ce diagnostic a-t-il influencé la mise en place de nos institutions a) Les politiques anti-capture 

Comme la plupart des pays qui ont beaucoup progressé en ces matières, aujourd’hui, Haïti dispose de l’arsenal légal et réglementaire adéquat pour renforcer les politiques anti-capture et  limiter l’État prédateur. Il comprend l’Office de Protection du Citoyen (OPC), la Cour  Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratifs (CSCCA), le Parlement (Sénat,  Chambre des Députés), le Système Judiciaire, l’Inspection Générale des Finances (IGF, arrêté  du 17 Février 2006), la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP, décret du 3  décembre 2004), l’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC, décret du 8 Septembre 2004),  les Tables Sectorielles au sein des Ministères. Les quatre premiers organismes sont inscrits  dans la Constitution et font partie intégrante de l’organigramme général de l’État. En  revanche, l’IGF, l’ULCC, la CNMP ont été créés par décret entre 2004 et 2006 et sont  intégrés dans la loi organique du Ministère de l’Economie et des Finances ; ils jouissent de  l’autonomie administrative. Cependant, le décret du 26 octobre 2009, en son article 76, change la tutelle de la CNMP du ministère de l’Économie et des Finances au Bureau du  Premier ministre. Ces trois derniers organismes, avec la CSCCA, exercent des fonctions qui se recoupent (audit, contrôle, investigation). Il serait avisé de renforcer leur coordination  stratégique pour éliminer les zones d’ombre qui peuvent être malencontreusement exploitées. Avec des noms parfois différents, ces institutions ou mécanismes institutionnels constituent le  cadre utilisé par la plupart des États du monde pour institutionnaliser la transparence, la  concertation et la régulation morale de la décision publique, sans fragiliser la capacité  administrative. Pour des raisons d’espace et parce que la plupart des institutions signalées ici  sont bien connues du public, cette partie s’occupera de développer un peu plus sur les tables  sectorielles comme outil stratégique d’anti-capture de l’État.  

Les tables sectorielles (ou tables de concertation sectorielle) ont été créées à partir des années  2000 dans le cadre de la réforme de la coordination de l’aide internationale et du Cadre de  coopération intérimaire (CCI, 2004–2006), puis du Cadre de développement durable d’Haïti  (CDH, 2010) et du Plan Stratégique de Développement d’Haïti (PSDH, 2012). Une table  sectorielle en général regroupe le Ministre ou son représentant, les directions techniques et  unités d’exécution du ministère, les principaux partenaires techniques et financiers concernés,  les ONG et associations nationales actives dans le secteur, et parfois des universitaires ou  consultants spécialisés. Elles sont conçues sur le modèle des « Comités de Délibération »  japonais, les « shingikai » créés dans l’immédiat après-guerre pour briser la logique  bureaucratique fermée héritée de l’ère impériale (OECD, Public Procurement in Japan:  Country Report 2021). Ils constituent aujourd’hui un réseau de plus de 200 conseils  consultatifs répartis dans les ministères japonais. Un shingikai est composé : d’experts  indépendants (universitaires, ingénieurs, économistes), des représentants des syndicats et du  secteur privé, des membres de la société civile et des ONG et des fonctionnaires de haut  niveau. Il délibère publiquement sur les projets de règlements, les grandes orientations de  politique publique, et les attributions des marchés stratégiques ; il publie les débats et les  rapports pour garantir la transparence. Malgré le fait que les tables sectorielles sont conçues sur le même principe que celui des « Conseils de délibération » Japonais, leur mandat n’est  encore inscrit dans aucune loi organique. Elles fonctionnent pour l’instant largement comme  des espaces de coordination technique à l’initiative des bailleurs, mais non comme véritables  forums publics de délibération. Leurs délibérations ne sont pas traçables et elles ne sont pas  représentées dans les collectivités territoriales – pour impliquer les universités, les  communes/département et les syndicats – où sont mises en œuvre les politiques publiques – et  pour organiser la vigilance locale.  

b) Les droits sociaux en Haïti : entre promesse constitutionnelle et capture  institutionnelle 

L’une des sources de crises sociales récurrentes génératrices d’instabilité politique en Haïti est  l’incapacité de l’État à satisfaire les besoins sociaux de bases de la population tels que  prescrits dans toutes nos constitutions depuis 1946. Cette constitution de 1946 fait des droits  socioéconomiques (travail, syndicat, éducation, assistance sociale) une obligation de l’État.  Elle a été identifiée comme la première « constitution sociale » d’Haïti. Ces droits ont été  confirmés dans les constitutions de 1950, 1957 et 1964, et étendus et consolidés dans la  constitution de 1987. Cependant, contrairement à d’autres pays, la plupart de ces droits  demeurent aspirationnels. L’article 19 de la Constitution de 1987 impose à l’État l’«  impérieuse obligation » de garantir le droit à la vie, à la santé, à l’alimentation, à l’éducation,  à la sécurité sociale et au travail. Or, comme le montre Louis Naud Pierre (2007), ces droits «  n’ont jamais été intégrés à un système de régulation politique capable de produire des  obligations effectives ». Le constat est alarmant : plus de 80% de l’offre scolaire est privée pour un taux net de scolarisation de 60% (UNESCO, 2023), le plus bas de tout l’hémisphère, alors que la Constitution proclame que l’éducation est gratuite et obligatoire (art.32) ; moins  de 10% de la population est couverte par une assurance santé (OMS, 2022), alors que le  prescrit constitutionnel dispose que la santé est accessible à tous (art. 23) ; l’article 35 garantit  le droit au travail et à un salaire équitable, pourtant plus de 40% de la population est au  chômage et plus de 80% des emplois dans l’économie sont considérés informels (Banque  Mondiale, 2022), et la liste continue. Ces dispositions constitutionnelles placent les droits  sociaux au même rang que les droits civils et politiques, anticipant une constitution sociale.  Pourtant, aucune de ces dispositions n’est directement justiciable, ni n’est accompagnée de  mécanismes de financement ou de calendrier d’exécution. 

Dans les sociétés à faible coordination collective comme la nôtre, comme l’a remarqué  Mancur Olson, il est facile pour les minorités puissantes de capturer les bénéfices tandis que  les majorités désorganisées supportent les coûts (Banque Mondiale, 2016). Ces minorités verrouillent l’accès aux marchés publics et neutralisent les réformes redistributives. Elles  bloquent la transformation des droits formels en droits effectifs, faute de coalition dominante  favorable aux réformes. Ainsi, les droits sociaux en Haïti incarnent une promesse sans  contrainte : proclamés comme horizon moral, ils manquent de justiciabilité, de financement et  d’institutions capables de les défendre. L’État Haïtien, centralisé à l’extrême mais peu présent  sur le territoire reste incapable d’exercer sa fonction redistributive. Dans la pratique, toutes  nos institutions sont orientées vers la maximisation des rentes (commerciale, financière,  foncière, douanière) au bénéfice de quelques-uns et non vers la redistribution. Toute tentative  de réforme fiscale ou sociale allant dans ce sens est combattue avec la dernière rigueur. Les  politiques publiques sont discontinues, souvent dictées par des initiatives d’aide externe, donc  sans planification institutionnalisée. La Constitution de 1987 a produit un idéalisme juridique  sans loi organique d’application, donc sans bras administratif et technique, où la morale  supplée à la loi mais sans emprise sur le réel. 

Le traitement constitutionnel de ces droits dans le cas du Brésil (santé, éducation, pension,  travail) et de l’Afrique du Sud (logement, santé, eau, sécurité sociale) est intéressant, en ce  sens que, contrairement à Haïti, leur non-respect est passible de poursuites judiciaires.  Cependant, dans la pratique, comme Ferraz (The Right to Health in the Courts of Brazil:  Worsening Health Inequities, 2021) le signale, en appliquant une logique de cas par cas, la  judiciarisation fragmentée renforce les inégalités en favorisant ceux qui avaient le plus la  capacité à les faire valoir, c’est-à-dire, les classes moyennes et supérieures. Il calcule qu’en  2016, les décisions judiciaires ont couté près de 1.3 milliards de dollars en dépenses  imprévues pour le budget public. Elles bénéficiaient à moins de 2% des patients concernés  (Ferraz, 2021, p.163). C’est ce qu’Amartya Sen (2009), dans « The Idea of Justice, » qualifie  d’injustice structurelle pour rendre compte du fait que l’égalité juridique ne garantit pas  toujours la capacité réelle d’en bénéficier.  

c) Les modèles constitutionnels haïtiens et la quête de stabilité institutionnelle  (1987–2025) 

Depuis 1987, la question de la stabilité institutionnelle demeure le talon d’Achille du régime  haïtien. Le président René Préval, qui a été le premier à expérimenter les blocages du semi présidentialisme haïtien en 1997, estimait que ce système engendrait un « immobilisme  permanent » : le président n’a pas le droit d’agir, le Premier ministre n’a pas les moyens  d’agir et le Parlement n’a pas la responsabilité d’agir. Il reformulait cette critique dans son  allocution lors de la clôture de la Conférence Nationale sur la Réforme de l’État en 1999, où il  évoque « le conflit permanent entre le président, le Premier ministre et le Parlement » comme cause de « la lenteur de l’action publique ». Dans un entretien avec la journaliste Nancy Roc en 2010, il répétait que « La Constitution a été écrite contre le président, non pour le pays » et  « il faut cesser de confondre méfiance et équilibre des pouvoirs. » Une analyse des contraintes  institutionnelles qui rendaient le président incapable de gouverner pleinement est proposée par  Robert Fatton (The roots of Haitian Despotism, 2007, chap.7). Il y décrit le système haïtien  comme une dialectique de la peur réciproque qui empêche toute confiance horizontale et  bloque la construction d’institutions stables. Cependant, Louis Naud Pierre (Haïti : entre  refondation et recomposition institutionnelle, 2020) replace la critique de Préval dans ce qu’il  appelle « la tradition haïtienne du révisionnisme pragmatique. » Il est clair que René Préval  n’était pas un théoricien du pouvoir. C’était un homme de compromis. Sa critique de la  Constitution ne relevait pas d’un rejet du pluralisme, mais d’une volonté d’efficacité. Il  cherchait une gouvernance faisable dans un pays où les institutions formelles cohabitent avec  des pratiques informelles. Il est significatif que ces discours proviennent du seul homme  politique à avoir complété deux mandats présidentiels sous l’égide de cette constitution et à  avoir transmis régulièrement le pouvoir à son successeur élu, à chaque fois. Ses remarques ont un poids qu’il serait mal avisé d’ignorer dans les débats sur la nécessité de réformer la  constitution ou d’en produire une nouvelle.  

Les crises récurrentes à la tête de l’exécutif – vingt-six Premiers ministres en trente-huit ans – témoignent de l’épuisement du semi-présidentialisme hérité de la Constitution de 1987. Pour  y remédier, plusieurs initiatives constitutionnelles se sont succédé : l’amendement  constitutionnel de 2011, le projet du Comité Consultatif Indépendant (CCI, 2021), créé par le  décret du 28 octobre 2020, puis l’avant-projet remis au Conseil présidentiel de transition  (CPT) en mai-juin 2025 par le Comité de Pilotage de la Conférence Nationale Souveraine.1 

Les deux projets proposent de créer un poste de Vice-président et de supprimer celui de  Premier ministre pour régler le problème de l’instabilité politique permanente. De plus, une  incitation financière est introduite pour encourager les multiple petits partis à former des  coalitions préélectorales stables en prévoyant le remboursement des campagnes électorales  des partis ayant réalisé au moins 10% des suffrages exprimés dans les élections nationales.  Dans le cadre du développement local et territorial, le CCI reprend le même agencement  contenu dans la constitution 1987 avec un conseil départemental sans moyens qui fait pendant  à un délégué départemental sans capacité institutionnelle réelle. Le projet de 2025 va plus loin  en proposant de créer un poste de gouverneur par département et en supprimant le poste de  délégué départemental. Cette rationalisation, pour intéressante qu’elle parait, souffre d’avoir  défini des compétences multiples sans moyens autonomes clairs en décrétant que le « budget  national sera divisé de moitié » avec les départements, sans plus. Il n’envisage pas non plus  les garde-fous nécessaires pour maintenir l’unité du pays et le prémunir contre le risque de « balkanisation ».  

Ensuite, les questions relatives à l’efficacité de l’action publique, au développement  économique et social et aux moyens de limiter les actions des groupes d’intérêt sur le service  public ne sont pas considérées avec l’importance qu’elles méritent. Par exemple, si ces  nouveaux projets confirment l’obligation faite à l’État de garantir les droits socioéconomiques dans les mêmes termes prévus dans la Constitution de 1987, ils continuent de ne les assortir d’aucun garde-fou institutionnel.  

1 Au moment où cet article allait être publié, un arrêté du CPT rapporte l’arrêté qui avait créé le Comité de  Pilotage de la Conférence Nationale Souveraine. Cela signifie que ce comité du point de vue institutionnel est  considéré inexistant et ses travaux aussi. Cependant, cette action n’invalide pas les réflexions conduites dans  cet article. Les travaux de ce comité reflètent une manière de voir d’une partie importante des élites  haïtiennes. 

Les mots et la chose  

Un dernier point mérite qu’on s’y attarde un peu plus. Les qualificatifs de « coopératiste » et  « sociale » qui ont été utilisés à l’article premier de la Constitution de 1987 pour caractériser la République ont été remplacés par « solidaire » depuis l’amendement de 2011 et repris à  l’identique dans les deux projets de réforme de 2021 et 2025. Ce changement n’est pas anodin ou banal. Il dénote une régression conceptuelle dé-responsabilisante.6 Le mot « solidaire »  renvoie à une forme spécifique de coopérative qui, si elle promeut aussi la propriété collective  et démocratique, s’occupe davantage de sa mission sociale ou communautaire financée par  des dons particuliers ou des transferts publics. Elle prend le pari de la dépendance en ne  reconnaissant pas que les valeurs de liberté et de prospérité que la démocratie charrie et que  promeut la coopérative n’ont aucune chance de se réaliser si elles ne sont pas articulées avec l’ambition de la communauté à devenir autonome. Cette ambition exprimée par les  constitutionnalistes de 1987 proposait une voie médiane entre l’économie de marché libérale  et le dirigisme étatique, où le capital est mis au service du collectif sans être étatisé. Cette  modalité d’organisation du système productif national (surtout au sein des secteurs les plus  fragiles ou les moins bien financés – santé, éducation, agriculture, agro-industrie, logement,  énergie, etc.) – devrait favoriser le développement socioéconomique en traitant les problèmes  d’inégalité et de pauvreté de masse à la racine. Les constitutionnalistes de 1987 voulaient  inscrire Haïti dans une mouvance commencée dans les années 1930 sous le président Vincent  dans un effort de reconstruction d’une économie paysanne autonome après le départ des  Américains. Le sous-secteur coopératif s’est diversifié à travers le temps et est aujourd’hui  régi par la loi de 2002. Il regroupe plus d’un million de membres et plus de 25 milliards de  gourdes d’actifs (ANACAPP, Statistiques du réseau coopératif Haïtien, 2023 ; BRH, Rapport  sur les institutions financières non bancaires, 2022). Cependant son potentiel en matière de  valorisation des territoires, de renforcement de la société civile, de modernisation économique  et de création d’emplois durables, reste à exploiter.  

A travers le monde, le mouvement coopératif a transformé structurellement positivement les  économies de régions ou de pays entiers. On peut citer les exemples de Mondragon, dans le  Pays Basque Espagnol (industrie, finance, distribution, éducation), de la coopérative de la  région Emilie-Romagne en Italie (construction, agriculture, services, crédit mutualiste), du 

Mouvement Desjardins, Québec (rôle clef dans le développement des régions rurales), de la  Corée du Sud (énergies renouvelables, soins, alimentation), de la Norvège, du Danemark, et  de la Suède, où la coopération est partie intégrante de leur modèle social (coopératives  agricoles, énergétiques, de logement). Pour ces trois derniers pays, ces coopératives  fonctionnent en synergie avec l’Etat-providence, ce qui leur permet d’avoir les systèmes de  protection sociale les plus développés du monde, une croissance économique saine et  soutenue tout en ayant une dette publique parmi les plus faibles de la planète. Ce modèle, basé  sur une alliance entre État, société civile, et entreprises, forme un écosystème performant où  personne n’est laissé sur le bord du chemin et où la démocratie est vivace et ancrée dans les  pratiques économiques aussi. Williamson (The Economic Institutions of Capitalism, 1985) théorise que “les structures coopératives réduisent les coûts de transaction dans les  environnements de confiance et de proximité » tandis que Buchanan (The Domain of  Constitutional Economics, 1990) soutient l’idée que les coopératives peuvent être considérées  comme « institutions constitutionnelles économiques. » Il montre que la stabilité des  institutions dépend de la capacité des citoyens à participer aux décisions économiques  collectives. Cet argument est supporté par Restakis (Humanizing the Economy : Cooperatives  in the Age of Capital, 2010) qui développe l’idée que « les coopératives sont la meilleure  alternative contre le capitalisme spéculatif. » Il montre que les sociétés à forte densité coopérative (Italie, Canada, Finlande) sont aussi celles où la démocratie sociale est la plus  stable. 

Il est significatif que les débats quotidiens dans la presse nationale ou les positions des  plateformes politiques des partis ne mettent jamais l’accent sur les problèmes de coordination démocratique posés par un modèle économique débridé dans un pays où plus de 90% des  emplois privés et environ 60% du PIB proviendraient du secteur informel (IFC/World Bank,  Haïti Country Private Sector Diagnostic, 2021). Dans ce contexte, les citoyens sont isolés, incapables de valoriser leur capitaux (lopins de terre, patrimoine bâti, force de travail, savoir faire). Le pays semble prendre acte de l’impotence réelle ou fantasmée de l’action politique pour garder à distance les questions relatives aux finalités et au contenu des réformes au profit  des procédures et des arrangements d’appareils ou même de ce que décide la communauté internationale, dans ses différentes déclinaisons.  

d) Les cadres internationaux et nationaux de sortie de crise en Haïti (2022–2025

Le Conseil Présidentiel de transition (CPT) est le produit d’un compromis de court terme  entre des acteurs (partis, certains groupes de la société civile, communauté internationale)  dénommé « Accord du 4 Avril ». Cet accord fixe la légitimité provisoire du CPT et du  gouvernement de transition qui ont pour mandat exclusif de renforcer la sécurité publique par  la neutralisation des gangs, rédiger une nouvelle constitution, organiser les élections générales  pour rendre le pouvoir à un gouvernement démocratiquement élu le 7 février 2026. Ces  efforts semblent une fois de plus voués à l’échec comme les précédents accords. On serait mal  avisé d’imputer toute la responsabilité à ceux qui occupent les postes au sein du pouvoir  exécutif. Le montage politique et le contexte institutionnel dans lequel ce mandat est exercé  ne sont surtout pas à négliger. Beaucoup de voix s’étaient levées pour les dénoncer. Elles  n’ont pas été entendues. Le diagnostic que nous avons dressé plus haut est clair : reprendre le  même modèle dans les mêmes conditions reproduira nécessairement le même résultat. Il faut  donc faire autre chose. Oui, mais quoi ? Deux documents publiés à peu près au même moment cette semaine confirment cette sombre inquiétude de la société en présentant deux modalités  différentes pour une sortie de crise : 

a) La note publique intitulée « Réflexions du Dr. Menard » de la « Force  Louverturienne Réformiste (FLR) » ; 

b) Le pladoyer pour l’adoption d’une nouvelle Constitution soumis au CPT par le  « Rassemblement pour une Entente Nationale (REN) – Société Civile Organisée ». 

Ces deux documents ont reçu une large publicité et leurs contenus représentent un échantillon  assez représentatif de multiples vues exprimées par la plupart des groupes d’initiative sur la  question. La note de la FLR, publiée le 12, fait trois constats : 1) le CPT ne peut plus réaliser  les objectifs de son mandat ; 2) une nouvelle transition doit être envisagée pour reconstruire  l’État avant les élections ; 3) cette dernière doit élaborer un plan de développement qui devra  être financé par des « investissements massifs de la communauté internationale. » Cette  nouvelle transition qui serait le résultat d’une « convention nationale » conduite par le  Protecteur du Citoyen ou un « Comité National de Facilitation » serait dirigée soit par un  membre de la Cour de Cassation, soit un triumvirat présidé un juge de la Cour de Cassation,  soit par un président issu des « parties prenantes ». Dans chacun des cas, il est prévu un  Premier ministre pour diriger le gouvernement. Le REN, dans sa note publiée le jour d’après,partage l’idée que les défis actuels en matière de stabilité et de prospérité ne peuvent pas être  relevés sans « une réforme constitutionnelle radicale ». Cette réforme doit permettre de régler  la question de déséquilibre des pouvoirs, d’éradiquer la corruption systémique et poser les  bases du développement durable pour un « renouveau démocratique ». Il recommande que le  CPT : 1) désigne la Fédération des Barreaux d’Haïti pour élaborer un avant-projet de nouvelle  constitution dans un délai d’un mois ; 2) mette en place une Assemblée Constituante qui aura  deux mois pour évaluer la proposition ; 3) organise le référendum populaire d’adoption de  cet avant-projet de constitution le 29 mars 2026 ; 4) organiser les élections générales à partir  du mois d’octobre 2026.  

Le principal mérite de ces deux propositions est d’avoir globalement systématisé les multiples  réflexions produites par divers groupes de la société ces jours derniers au sujet de la  transition. Elles s’entendent sur un point : l’idée qu’il faut modifier la constitution avant les  élections. Elles ne partagent ni le même diagnostic, ni les mêmes méthodes pour réaliser leurs  objectifs. La FLR insiste sur la mise en place d’une nouvelle transition après avoir établi le  constat de l’auto-révocation du CPT du fait par ce dernier d’avoir « inconsciemment »  rapporté le décret créant le Comité de Pilotage de la Conférence Nationale Souveraine  (CPCNS) et du Groupe de Travail sur la Constitution, rendant leurs mandats et le sien propre  également inexistants. C’étaient, rappelle-t-elle, avec le rétablissement de la sécurité,  l’éradication des gangs et l’organisation des élections générales, les principales missions qui  justifiaient son existence. Contrairement à la proposition du REN, la FLR ne fixe pas de limite  dans le temps pour sa nouvelle transition. La position du REN est plus pondérée et plus  conservatrice. Sans le dire, cependant, elle suggère que le mandat du CPT soit renouvelé pour  mettre en œuvre la feuille de route actualisée. Elle ne nous dit pas ce qui adviendra du CPT si  pour de multiples raisons, il n’arrive pas à satisfaire une fois de plus, les nouveaux objectifs  qui lui seraient assignés. Il faut rappeler ici que la rédaction et surtout l’adoption d’une  nouvelle constitution ne sont jamais des exercices faciles. Le Chili tente depuis 2019 de  changer sa Constitution de 1980, héritée de l’ère Pinochet. Le travail de la Constituante réunie  pour élaborer le projet a été rejeté par référendum populaire à deux reprises en 2022 et 2024  sur des motifs que le rendu a été jugé tantôt trop à droite, tantôt trop à gauche. De plus, cette  proposition du REN ne prévoit pas la convocation d’un référendum d’opportunité pour  légitimer la démarche par le souverain, ce qui pourra être considéré comme un irritant. 

La note du REN, à juste titre, réclame une redéfinition des relations entre l’État, la société  civile et les partis politiques. En ligne avec les complaintes du président Préval, elle reconnait  le caractère conflictogène du régime semi-présidentiel – coexistence d’un Président fort et  d’un Premier ministre issu du Parlement – générateur de crises récurrentes à la tête de  l’exécutif, bloquant l’action publique. Comme celle de la FLR, cette note semble sous-estimer  le rôle négatif que le pullulement des partis politiques faibles ayant libre accès au jeu électoral  et l’absence d’une véritable société civile organisée – qui favorisent la capture de l’État – font  peser sur la stabilité politique et le bien-être des citoyens.  

III. Une constitution transitoire pour changer l’histoire 

Les expériences du Burkina Faso, avec un jeune et dynamique président qui semble ériger  l’amour de son pays et le respect de ses compatriotes en principe de vie, et du Salvador sont  citées par certains comme exemples à suivre pour lutter contre les gangs et restaurer la dignité  du pays. Il est bon que le pays se donne des références, mais ces deux modèles ne sont pas  reproductibles en contexte haïtien actuel ; il nous manque les conditions institutionnelles pour  rendre cela possible. En démantelant les forces armées d’Haïti, nous avons dénaturé la 

République en ouvrant ses flancs à toutes les attaques. En fait nous avons condamné le pays à  l’inexistence – imaginez les Etats-Unis d’Amérique, sans leurs forces armées. Nous avons en  commun avec eux que notre pays ait été fondé par l’armée indigène. Les actions irréfléchies  de nos « leaders politiques » leur ont fait préférer qu’on impose au pays un embargo  commercial brutal au lieu de se mettre d’accord sur une manière responsable et républicaine d’envisager l’avenir en commun. Dans le même temps, en 1994, de l’autre côté de la  frontière, nos voisins Dominicains confrontés à des problèmes similaires, nous ont donné une  leçon de maturité politique. Leurs leaders ont compris qu’il leur fallait enterrer leurs egos  pour signer l’accord politique qui allait durablement transformer leur pays et leur permettre de  tirer le maximum de profit de l’effondrement du nôtre. C’est une année charnière dans  l’histoire politique et économique moderne de la République Dominicaine, une année qui a  changé positivement le statut du pays. Les engagements politiques qu’ils ont pris cette année là leur ont permis de réaliser au cours des trois décennies qui suivent la croissance  économique la plus forte de l’Amérique Centrale et des Caraïbes. Leur PIB per capita en  parité pouvoir d’achat en 2024 vaut plus de 6 fois sa valeur de 1994, alors que le nôtre n’a  même pas doublé entre les deux dates (1.7 fois) [FMI, World Economic Outloook, 2025,  avril]. Cet exemple nous montre, s’il en était besoin, que ce qui est vrai d’un individu l’est  aussi d’une société : on peut en changer la trajectoire.  

Les modèles politiques ne sont pas facilement transposables. On peut toutefois s’en inspirer.  L’exemple d’Haïti est la preuve qu’un pays ne peut pas s’en sortir si ses élites ne parviennent  pas à se mettre d’accord sur un modèle qui tienne compte de ses réalités intrinsèques.  C’était l’ambition de la proposition préparée par un groupe d’intellectuels haïtiens en 1993.  Sous la direction de Philippe Rouzier, de regrettée mémoire, ils ont préparé et publié un  manifeste politique pour « sortir le pays du cycle autoritaire et fonder une démocratie  véritablement nationale » intitulé « Mandat pour changer l’histoire : des positions de principe  pour une concertation. » Ce travail a reçu un accueil assez tiède et n’a pas beaucoup été  discuté ni dans la société (université, presse, partis politiques), encore moins dans les  instances de décision. Pourtant les orientations qu’il essayait de tracer restent toujours  d’actualité. Déjà, à l’époque, ce livre avait diagnostiqué que 1) la crise née du coup d’Etat  contre le président Aristide était une crise morale et institutionnelle ; 2) la concertation  nationale ne peut pas être un compromis mou, mais une condition de souveraineté nationale ;  3) le changement durable suppose de relier la morale publique à la gouvernance économique ;  4) l’État doit passer d’une logique d’arbitraire à une logique de médiation ; 5) la société civile  doit se structurer autour d’organisations durables notamment les coopératives et associations  professionnelles. Dans la ligne de la constitution de 1987, cet ouvrage est l’un des premiers  textes à avoir conceptualisé la refondation comme processus collectif et moral, pas seulement  juridique comme on l’a vu.  

Cette réflexion qui complète les thèses de Fatton, Etienne et Pierre inspire notre proposition pour un autre modèle de refondation. Fatton (2007), par exemple, permet de comprendre  pourquoi l’État haïtien échoue continuellement à se moderniser, pourquoi les transitions  reproduisent l’autoritarisme (pouvoir concentré entre les mains d’un seul homme ou d’un petit  groupe), pourquoi la réforme doit être structurelle et graduelle, non textuelle. Ce modèle  proposé plus bas partage cette réflexion. Il part du principe que l’accord du 4 avril 2024 peut  être considéré comme une « petite constitution » ou « constitution de transition ». C’est cet  accord qui organise la source du pouvoir exécutif (CPT) et détermine la procédure de  nomination du gouvernement. Il institue un organe de contrôle (OCAG), fixe un horizon  temporel (deux ans) et proclame des principes de transparence et d’inclusion. C’est ce qui fait  sa force comme instrument pragmatique pour sortir du vide institutionnel immédiat. C’est un texte normatif qui structure l’ordre politique de transition – sans prétendre à l’architecture  complète d’une constitution définitive. Ses faiblesses sont celles d’un texte qui se contente de  gérer la surface de la crise sans traiter ses racines profondes. Il crée des organes (CPT,  OCAG) sans mécanismes solides de contrôle et de redevabilité ; il institue un exécutif  collégial paralysant ; il n’établit pas de mécanisme anti-capture ou pour contrer le clientélisme  électoral ; il ne contraint pas les partis à s’organiser en coalitions stables autour de lignes  idéologiques claires pour renforcer la gouvernabilité du pays ; il n’arrime pas la sécurité au  calendrier électoral, ce qui rend l’organisation des élections hypothétique si l’espace public  reste sous contrôle des gangs. Pour transformer cette « petite constitution » en un levier de  transition efficace, il faut la compléter par des mécanismes clairs de méritocratie, de  transparence, de décentralisation et de bonne gouvernance, seuls capables de réorienter  durablement l’État haïtien vers l’inclusion et la stabilité. 

Ce texte soutient que nous ne pouvons pas revenir au « business as usual », comme s’il ne  s’était rien passé, après toutes les douleurs et les atrocités que ces crises récurrentes ont fait  souffrir au pays. Nous devons prendre le temps de bien planifier afin de gagner du temps dans  la reconstruction de l’État et la restauration de notre dignité nationale. Il s’articule autour de  l’idée que la véritable innovation constitutionnelle pour Haïti consistera à rendre le président fort non parce qu’il est partout et s’implique dans tout mais parce qu’il est au-dessus de la  mêlée. Parce qu’il joue le rôle d’arbitre constitutionnel en combinant légitimité démocratique  et neutralité exécutive en vue de protéger les intérêts les plus divers de l’ensemble du corps  social et prémunir l’État contre la capture. Le projet de transition préconisé appelle désormais  une stabilité non par un présidentialisme renforcé comme beaucoup le réclament mais par un  réagencement des compétences à la tête de l’exécutif (président custode ou gardien/garant,  chargé d’assurer la continuité, la modération et la légalité du système politique), mais aussi  une restructuration de la société productive autour d’un réseau coopératif dense. Ces  structures, fondées sur la solidarité et la responsabilité partagée, permettront d’intégrer les  citoyens dans un cadre où leurs préoccupations locales seraient entendues, traduites et suivies  d’effets dans les décisions publiques. En reliant la stabilité institutionnelle, la représentativité  politique et la participation économique, le « modèle de capitalisme coopératif » devient la clé  de voûte d’un projet de développement réellement inclusif et durable pour Haïti. Il vise à  formaliser la coopération entre les citoyens, les territoires et les institutions en promouvant la  coopérative comme un mécanisme structurant de la société civile. Elle est appelée à  transformer le mode d’organisation de la participation citoyenne et de la production en  redistribuant le capital. Les coopératives – agricoles, financières, éducatives, artisanales, technologiques ou du logement – sont appelées à devenir des instruments de gouvernance  démocratique c’est-à-dire des espaces où les citoyens apprennent à gérer collectivement des  biens communs, à rendre des comptes, à articuler leurs besoins avec les politiques publiques et à défendre leurs intérêts de manière apaisée. 

Une constitution transitoire longue pour en finir avec les transitions 

Les raisons qui justifient un changement de constitution sont nombreuses. Certaines parmi les  plus importantes sont présentées dans ce texte. Le mandat du CPT arrive à son terme dans  quatre mois et il serait plus qu’irresponsable de ne pas préparer la passation du pouvoir à un  gouvernement élu. L’adoption d’une constitution définitive peut être un processus long  comme on l’a vu avec le cas du Chili. Les coûts économiques, sociaux, politiques de ces  périodes de confusion politique répétées sont difficilement imaginables – imaginez les effets des retards accumulés par plusieurs générations d’enfants et d’adolescents exposés à toutes les  violences et interdits de se former comme ils le méritent. C’est toute la société qui en subit les conséquences. La période que nous vivons actuellement appelle au réveil citoyen pour faire  autre chose et surtout pour le faire autrement. 

Ce document prétend qu’il est possible de réaliser de belles et bonnes élections  présidentielles, législatives et locales au cours des dix prochains mois dans le cadre de  l’accompagnement de l’OEA tel que décrit dans sa « Feuille de Route de Juin dernier ».  L’adoption d’une constitution de transition sur le modèle de l’accord du 4 avril permettra de  gagner du temps et éviter de continuer à faire n’importe quoi. L’idée est de le transformer en  y insérant des garde-fous : un président-custode au-dessus de la mêlée (garant de la stabilité  institutionnelle), des coalitions obligatoires des partis, remboursement des dépenses  d’élections pour toute coalition qui réalise au moins 10% des suffrages exprimés au niveau  national, option préférentielle pour articuler le développement économique et social avec  celui des coopératives, mettre l’école et les enfants au cœur du projet avec un vaste  programme de cantines scolaires subventionnées, élection des gouverneurs de département à  partir d’un système de verrous, reddition des comptes trois fois par année, etc. 

Le concept de constitution de transition n’est pas nouveau et est bien documenté dans la  littérature comparée sur les transitions politiques, les processus constituants et les régimes  intérimaires post-crise. Des expériences similaires ont été faites en Pologne (1992-1997),  Afrique du Sud (1993-1996), mais également au Kenya, au Soudan, en Afghanistan. A chaque  fois, les constitutions transitoires ont permis d’éviter la rupture brutale et de tester des  arrangements institutionnels avant consolidation (Garlicki, L., The So-Called “Small  Constitution” of 1992 in Poland, 1994 ; Klug, H., Constituting Democracy: Law, Globalism,  and South Africa’s Political Reconstruction., 2000 ; Widner, J., Constitution Writing in Post Conflict Settings: An Overview, 2008).  

De manière spécifique la proposition de refondation implique une démarche graduelle  commençant par l’adoption d’une constitution transitoire qui permettra de tester le modèle  pendant cinq ans avant d’élaborer une constitution définitive. Cette proposition s’articule  autour de six idées-forces :  

1 Réagencer le pouvoir exécutif autour d’un « Président custode » et un Premier  ministre et un gouvernement de coalition, responsables devant le parlement en vue  d’institutionnaliser la stabilité politique. Cela implique que la censure doit être constructive, c’est-à-dire que le Cabinet ne tombera que si le Parlement élise le même  jour un successeur (culture de coalition). Les membres du parlement seront élus sur  la base d’élections nationales. Le président serait élu par un « collège électoral (CE) » large (735 membres) représentant l’ensemble des communes de la République à  raison de quatre chacune (2 femmes + 2 hommes), les représentants de la diaspora, les  corps organisés de la société civile telles que les institutions religieuses, les  universités, les associations socioprofessionnelles, de jeunesse, de femmes, de  paysans, les syndicats, etc. Les représentants locaux du CE seront choisis dans le  cadre d’élections locales décentralisées qui peuvent être organisées plus facilement et  à coûts réduits en même temps que les élections législatives et communales.  L’élection présidentielle coutera presque rien ni à la société ni aux candidats, ce qui  permettra au président élu de s’affranchir des influences de groupes d’intérêts particuliers. Il peut être un homme/femme politique, capitaine d’industrie,  responsable d’université, juge de la Cour de cassation, représentant de la société  civile. Il n’est pas représentant de partis politiques. Il est âgé de 45 ans révolus et est  choisi uniquement sur la base de critères méritocratiques forts (éducation, expérience professionnelle de haut niveau, probité, service à la communauté, etc.). Il est élu une  seule fois et n’est pas rééligible. Il n’est pas chef de gouvernement : il incarne l’unité nationale, veille au respect de la Constitution ; il saisit la Cour Constitutionnelle,  adresse un message annuel à la nation ; assure la médiation entre les pouvoirs en cas  de crise ; il ratifie les nominations issues des procédures pluralistes (Premier ministre issu de la majorité parlementaire, gouverneurs, juges, autorités de régulation), mais ne  nomme pas. Il s’assure seulement de la conformité avec la Constitution. Son élection  par un collège agrégatif (territoires, secteurs socio-professionnels, milieux  académiques/cultuels, diaspora) dé-plébiscite la fonction et recherche le consensus. Il  est un arbitre symbolique, non un acteur partisan, le gardien de la continuité  constitutionnelle. Il dispose de pouvoirs de veto mais ces derniers doivent être  exceptionnels, encadrés et motivés, afin d’éviter tout retour au présidentialisme  autoritaire. Il ne peut les opposer qu’en cas de : 1) violation manifeste de la  Constitution ; 2) atteinte grave à la séparation des pouvoirs ou à l’État de droit ; 3)  menace grave à la sécurité nationale ou à la stabilité du régime. Le renvoi du  gouvernement ne peut-être qu’un ultime recours et réservé à des situations de crise  institutionnelle majeure. C’est un arbitre de la légalité, non un acteur de la politique — inspiré du modèle portugais mais adapté à la fragilité institutionnelle haïtienne. Il  est la clef de voute morale du système capable de contenir les passions sans diriger le  gouvernement. Comme l’écrit Daniel Elazar (1991) : « la stabilité constitutionnelle ne  vient pas de la neutralisation du politique, mais de la ritualisation de ses conflits dans  un cadre institutionnel prévisible. » Le Président custode, élu par les corps  intermédiaires, incarne précisément ce rituel : un point de convergence civique au dessus de la mêlée. 

2 Décentraliser la compétence et la transparence par la mise en place d’un triple verrou  (assemblées départementales→ Premier ministre → Président custode) pour les  nominations des gouverneurs départementaux, et constitutionnaliser le bloc  d’intégrité publique (Cour des Comptes, ULCC, CNMP, Protecteur du Citoyen,  Tables Sectorielles). L’assemblée des maires d’un département pourra être considérée  comme assemblée parlementaire locale, pour exercer le contrôle politique et  budgétaire sur le gouverneur, tandis les maires sont contrôlés par l’assemblée  municipale. Cette démarche d’institutionnaliser la décentralisation permet aux  gouverneurs départementaux et leurs adjoints (qu’ils nomment au niveau des  arrondissements en consultation avec les élus locaux) de jouer un rôle clef dans la  gouvernance sécuritaire et économique nationale. Cela renforcerait la légitimité  démocratique, la transparence, et la cohérence du développement territorial. Une  Commission d’économistes et de fiscalistes expérimentés pourra être mise en place  pour revisiter les lois fiscales et la mobilisation des moyens pour financer le budget  national dont la structure sera complètement repensée. Les gouverneurs sont  responsables de piloter le développement de leur département en cohérence avec un plan de développement national de trente ans (révisable chaque cinq ans), c’est-à-dire  sans créer de concurrence anarchique avec le pouvoir central (subsidiarité). Le  système doit être conçu de sorte qu’aucun gouverneur ne puisse devenir un « baron  régional incontrôlable ». Il est ancré localement mais responsable devant l’ensemble  institutionnel (équilibre vertical) ». En aucun cas, il ne peut se retrouver en rivalité  frontale avec le président (figure garantissant la stabilité nationale). Il sera désigné sur  une liste courte de trois candidats choisis par les assemblées départementales et les organisations économiques et sociales locales sur la base de critères méritocratiques  forts (éducation, expérience professionnelle, probité, service à la communauté). Les  dossiers des candidats seront publics comme pour le président et le Premier ministre. 

3 Décréter l’éducation comme la locomotive du développement national en inscrivant la primauté éducative dans la Constitution. Ce faisant l’éducation de qualité ne sera  plus un slogan politique mais un engagement citoyen à la transformer en pilier  essentiel de la prospérité, de la paix et de la justice. Cela impliquera de revisiter les  curricula, les infrastructures, le statut enseignant, l’assurance médicale pour  l’ensemble des élèves et de lancer un vaste programme national de cantines scolaires  appuyé essentiellement sur les productions locales. Un modèle de financement  approprié devra accompagner ce programme.  

4 Promouvoir un « capitalisme coopératif » en désignant les coopératives économiques  locales comme acteurs stratégiques de développement. Ce modèle peut agir comme  un levier puissant pour articuler les grandes orientations constitutionnelles (droits  sociaux, plan de développement, institutions technocratiques) et les réalités  économiques et sociales du pays (morcellement foncier, pauvreté rurale,  fragmentation des acteurs). Dans l’agriculture par exemple, cela pourra impliquer de  faire du remembrement foncier par capitalisation : les paysans regroupent leurs petits  lopins dans un « fonds commun » (coopérative, société agricole) autour d’association  tripartite : Etat + paysans + investisseurs privés qui permet de faire la mise en valeur  collective (irrigation, infrastructure, mécanisation, agro-industrie). Cette politique  peut être un gage de stabilité et d’inclusion par l’introduction de l’emploi formel dans  la paysannerie, ce qui sera de nature à favoriser un ancrage territorial stable où la  richesse est partagée et non concentrée. Quand les paysans sont intégrés dans des  initiatives qui valorisent leurs actifs fonciers et leur garantissent des emplois stables et  durables, ils seront moins vulnérables au recrutement dans les gangs et mouvements  violents. Cela impliquera la mise en place d’un certain nombre de mécanismes  institutionnels comme : un Conseil national de développement et de l’Innovation pour étudier, valider et accompagner les projets pilotes ; un Conseil Fiscal Indépendant pour s’assurer que les subventions et les crédits sont soutenables. Ils ‘s’ajouteront à  l’Office de Management et de Ressources Humaines (OMRH) qui relève du Bureau  du Premier Ministre et qui veille à ce que les critères de compétences soient  strictement respectés dans le recrutement du personnel de l’Etat sur l’ensemble du  territoire. Des projets de Zones Franches Commerciales et Agroindustrielles et des  Micro-parcs Industriels peuvent être promus dans les différents départements en  fonction de leur vocation propre pour faciliter la remontée des filières par la réduction  du coût des intrants (engrais, machines, semences, emballages à tarif préférentiels) et  des coûts de transaction divers qui plombent l’initiative privée locale. Ces initiatives visent à faciliter les transformations locales, et les exportations compétitives :  certification qualité, logistique facilitée pour les exportations des produits agricoles et  agroindustriels, et à réduire la dépendance locale des produits importés pour la  satisfaction des besoins de base les plus divers.

5 Renforcer la culture civique et la recherche scientifique en soutenant la création d’un  réseau d’instituts interuniversitaires de recherche sur le développement économique et  social, la gouvernance et les transitions, etc., en vue de faciliter le suivi compétent et  citoyen des réformes. Des moyens incitatifs devront être mobilisés pour intéresser un  pourcentage significatif de nos chercheurs universitaires expatriés et des étrangers qui  le souhaitent à travailler directement avec nos institutions d’enseignement supérieur orientées vers la recherche.  

6 A la fin de la troisième année de transition, convoquer une Assemblée constituante  pour travailler sur le projet de la nouvelle Constitution définitive. Cette démarche  graduelle permet que la Constitution transitoire devienne l’école de la République  refondée en renforçant la confiance publique et évitant les erreurs du passé. Ainsi, les  réformes sont testées avant d’être inscrites dans le texte final. Elle crée une culture  constitutionnelle où les citoyens apprennent durant la transition à débattre et à  contrôler leurs institutions. Elle transforme une phase de crise en processus  d’apprentissage collectif, au terme duquel la Constitution définitive émerge non d’un  compromis de sommet, mais d’une expérience vécue et consolidée par la société  entière. 

Conclusion 

Nous sommes en plein dans une transition qui dure depuis 51 mois – presque l’équivalent  d’un mandat présidentiel régulier. Elle s’est donnée, de fait, sa propre “constitution, sous la  forme d’un document d’accord entre groupes politiques. Une abondante littérature est  produite par des auteurs haïtiens et étrangers pour tenter d’en établir les déterminants  structurels. Cette littérature recense comme principaux facteurs : le semi-présidentialisme  conflictuel, la collusion entre l’état prédateur et l’oligarchie, les ingérences étrangères, le  clientélisme et construction électorale personnalisée, la faiblesse des partis politiques,  l’inégalité et la pauvreté massive et la faiblesse de la société civile. Il existe peu d’études  quantitatives robustes pour tester les hypothèses causales de cette instabilité haïtienne. Les  données sur Haïti sont fragmentaires et lacunaires et ne permettent pas d’établir le poids  relatif de ces différents facteurs. En tout état de cause, certains facteurs reviennent souvent et  sont rarement pris en compte dans les stratégies de sorties de crise à l’exception de celui  relatif à l’agencement du pouvoir à la tête de l’exécutif. Ce texte soutient que pour sortir  durablement des transitions politiques récurrentes il faut concevoir un modèle d’agencement  de l’ensemble institutionnel qui neutralise les effets de tous ces déterminants identifiés dans la  littérature simultanément. Il recommande de remplacer la logique de rupture par une logique  d’apprentissage, la compétition anarchique par la coopération encadrée, la capture  oligarchique et le capitalisme spéculatif par un capitalisme coopératif et inclusif  territorialement. Il postule que Haïti ne sortira pas du cycle des transitions en écrivant une  Constitution de plus, mais en instituant une méthode : celle du changement graduel, du  contrôle citoyen et de la construction par expérimentation. Le défi n’est pas de rédiger un  texte parfait, mais de construire un contexte durable où la Constitution devient le reflet d’une  société qui apprend, s’organise et se gouverne. Dans cet esprit, la démarche que nous  proposons n’est pas une incantation ; c’est une pédagogie de la responsabilité. Elle organise  notre capacité à voir loin et à agir maintenant : un Président-custode provenant d’élections  non polarisantes qui élève la conscience publique et inspire l’ensemble de la nation, un  gouvernement responsable qui rend des comptes, des partis qui s’agrègent avant le vote pour bâtir des majorités stables, un plan national à 30 ans dont l’animation sur le territoire est  assurée par des gouverneurs départementaux autonomes mais en lien constant avec le  gouvernement central et le peuple. Sans cela, l’histoire, au lieu d’être une méthode qui nous  aide à réfléchir de manière critique sur les problèmes de notre temps comme Hegel  l’entendait, continuera d’être une cascade d’évènements malheureux qui se répèteront encore  et encore. 

Pour aller plus loin

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1 USIP (2024), What a Transitional Government in Haiti Will Require to Succeed, à usip.org 2Interview donnée par des acteurs de la société civile haïtienne intitulée « Haiti : Civil society must get involved  because political actors cannot find a solution to our problems » (2002), disponible sur la plateforme de  CIVICUS à civicus.org 

3 The International Institute for Democracy and Electoral Assistance: idea.org 

4 Center for Strategic and International Studies, csis.org 

5International Crisis Group, crisisgroup.org 6 Le président Manigat a été le seul à avoir considéré ce dossier avec l’importance qu’il mérite. Il avait créé un  ministère des coopératives et du développement communautaire. Son mandat de trois mois ne lui avait pas laissé  le temps de montrer ce qui était possible de faire avec une telle institution.

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