Réponse au Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé

Monsieur le Premier ministre,
Tout en reconnaissant les efforts entrepris par votre Gouvernement pour relancer le processus démocratique et soutenir le Conseil Électoral Provisoire (CEP) dans l’exercice de sa mission républicaine, il importe de replacer cette initiative dans le contexte d’une crise institutionnelle, sécuritaire et sociale sans précédent.
La question fondamentale demeure : comment envisager la tenue d’élections crédibles et inclusives dans un environnement marqué par la désagrégation du tissu social et l’effondrement des structures étatiques ? Le département de l’Ouest, épicentre démographique et politique du pays, concentre aujourd’hui plus d’un million cinq cent mille (1 500 000) personnes déplacées internes. Cette même région, qui compte près de quatre millions (4 000 000) d’électeurs inscrits — soit environ 65 % du corps électoral national —, se trouve fragmentée et sous le contrôle de groupes armés. L’Artibonite représente quelque 15 % du corps électoral, tandis que les huit autres départements se partagent les 20 % restants, dans un climat d’instabilité et d’insécurité qui rend toute planification électorale aléatoire.
À cette crise sécuritaire s’ajoute un déficit grave de fiabilité des données électorales. Près de huit cent mille (800 000) cartes nationales d’identification seraient dupliquées dans la base de données de l’Office National d’Identification (ONI). L’audit prévu à cet effet, confié à la Satori Consulting Firm de New York et financé sous le gouvernement du Dr Ariel Henry, n’a jamais été réalisé depuis 2023. Cette carence technique compromet la crédibilité du registre électoral, socle de toute légitimité démocratique.
Dans cette perspective, il conviendrait que le CEP institue une procédure exceptionnelle de réinscription des déplacés internes dans les zones de refuge, avec la création de centres de vote de proximité. Parallèlement, l’adoption d’un système électoral électronique reposant sur la technologie blockchain offrirait des garanties accrues de transparence, d’intégrité et de traçabilité. La publication simultanée des résultats électoraux contribuerait à réduire les marges d’incertitude et à restaurer la confiance des citoyens.
En définitive, l’organisation d’élections libres, sûres et crédibles ne saurait se réduire à une simple échéance politique ; elle suppose un cadre institutionnel solide, un appareil administratif intègre et un système d’identification fiable. À ce prix seulement, Haïti pourra renouer avec la légitimité démocratique et la souveraineté populaire.
Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de ma très haute considération.
Alex St-Gardien Jecrois
Ingénieur – Citoyen engagé