30 septembre 2025
Haïti et ses 30 septembre : mémoire d’un putsch, actualité d’une occupation annoncée
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Haïti et ses 30 septembre : mémoire d’un putsch, actualité d’une occupation annoncée

L’Edito du Rezo

Comme un fait exprès ou l’ironie de l’histoire, le 30 septembre 2025, le Conseil de sécurité des Nations unies vote, à la demande même des autorités haïtiennes, l’arrivée d’une nouvelle mission internationale. Une force d’occupation qui ne dit pas son nom, et qui rappelle à s’y méprendre d’autres moments de tutelle étrangère. Trente-quatre ans après le putsch du 30 septembre 1991, la coïncidence interroge : combien de fois encore l’histoire devra-t-elle se répéter pour qu’Haïti parvienne à rompre le cycle?

Le 30 septembre 1991 reste en effet une date charnière. Ce jour-là, l’armée, héritière de décennies de compromissions, mit fin à l’expérience démocratique ouverte avec l’élection « libre » de Jean-Bertrand Aristide. Les officiers qui, sous Duvalier, avaient accepté sans mot dire l’exécution de leurs pairs, furent les mêmes qui, trois décennies plus tard, choisirent de confisquer le vote populaire. Le général Henri Namphy, témoin de l’époque duvaliériste, et Raoul Cédras, instigateur du putsch, incarnèrent cette continuité d’une armée incapable de protéger les institutions et prompte à les briser.

Cet événement ne peut se lire isolément. Le 30 septembre 1991 est l’héritier direct du massacre du 29 novembre 1987, rue Vaillant, lorsque les balles interrompirent dans le sang l’exercice du suffrage universel garanti par la nouvelle Constitution. Il s’inscrit également dans la continuité du coup d’État avorté de Roger Lafontant en janvier 1991, ultime tentative de restaurer un ordre autoritaire au moment même où Aristide incarnait l’espérance. De Namphy à Prosper Avril, en passant par l’épisode éphémère de Leslie Manigat en 1988, l’armée s’était déjà imposée comme un acteur de confiscation, promettant des élections qui ne vinrent jamais ou qui ne furent que mascarades – du genre que ce CPT ex nihilo promet.

Le renversement d’Aristide fut donc la cristallisation d’une trajectoire : celle d’une démocratie toujours fragilisée par la force armée. Aristide, malgré ses maladresses initiales, aurait-il pu évoluer en dirigeant capable de transformer son discours en action et de stabiliser les institutions? L’histoire ne le dira jamais. Mais la question demeure : si ce 30 septembre n’avait pas eu lieu, Haïti aurait-il pu consolider le suffrage de 1990, préparer des scrutins réguliers et crédibles, et s’inscrire dans la dynamique économique et politique de la région? Ou bien la pauvreté, la fragmentation sociale et l’ingérence auraient-elles fini, tôt ou tard, par rattraper l’élan de 1991?

Ainsi, les « 30 septembre » d’Haïti apparaissent comme des balises de la mémoire politique : de 1987 à 1991, puis jusqu’en 2025, ils rappellent à quel point la démocratie demeure une expérience fragile, toujours menacée de confiscation. Chaque tentative populaire a trouvé face à elle la violence des armes ou la dépendance à l’international. Et voilà que, trente-quatre ans plus tard, le même jour, – Jou pou Jou – l’ONU s’apprete a valider apres la Minustha, tristement celebre, l’entrée d’une force multinationale : un symbole supplémentaire du cycle sans fin où l’histoire d’Haïti s’écrit par répétition, plutôt que par rupture.

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