30 septembre 2025
L’écho de l’esclavage dans le chaos haïtien actuel : Parallèles et courage à l’ombre de Dessalines
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L’écho de l’esclavage dans le chaos haïtien actuel : Parallèles et courage à l’ombre de Dessalines

Par Patrick Prézeau Stephenson


Introduction : Les chaînes reforgées

PORT-AU-PRINCE — 30 septembre 2025. Au cœur délabré de Port-au-Prince, où les gangs règnent et où la peur est devenue l’air que respirent les Haïtiens, résonne un passé que beaucoup espéraient avoir dépassé. Aujourd’hui, alors que des factions armées découpent le pays en fiefs, le spectre de l’esclavage — ses blessures psychiques et ses fractures sociales — revient, non pas dans le fouet des surveillants, mais dans la tyrannie de la misère, de la violence et de la résignation.

Réalités parallèles : L’héritage de l’esclavage et la captivité moderne haïtienne

Il y a deux siècles, Jean-Jacques Dessalines, le farouche libérateur d’Haïti, tonnait devant ses soldats :

« Je ne veux garder avec moi que des braves. Que ceux qui veulent redevenir des esclaves français sortent du fort. Que ceux, au contraire, qui veulent mourir en hommes libres se rangent autour de moi. »

Les mots de Dessalines n’étaient pas seulement un appel aux armes, mais un examen psychologique — une exigence pour que les Haïtiens choisissent entre la sécurité de la servitude et la dignité périlleuse de la liberté. Aujourd’hui, le dilemme n’est pas moins urgent. Les chaînes de l’esclavage étaient faites de fer ; les chaînes de l’Haïti contemporaine sont forgées par la pauvreté, la trahison politique et l’ombre omniprésente des gangs armés. La différence n’est pas de substance, mais de forme.

La dictature des gangs : Une nouvelle plantation

Dans les rues de Cité Soleil, Bel Air et ailleurs, les gangs sont les maîtres là où l’État est absent. Ils dictent les déplacements, prélèvent des tributs, dispensent une justice arbitraire et maintiennent la population dans une peur permanente — faisant écho aux hiérarchies, à la violence et à la soumission psychologique des plantations. Le peuple haïtien, comme ses ancêtres esclaves, se retrouve à la merci de forces incontrôlables, forcé à des choix qui n’en sont pas vraiment.

Cette captivité moderne est aggravée par l’indifférence internationale et la corruption interne, un système où la seule loi est celle de la survie, et où le prix de la résistance est l’exil ou la mort. Les forteresses de la ville ne sont peut-être plus de pierre, mais les frontières entre vie et mort, liberté et servitude, subsistent.

Les braves et les résignés : Le défi de Dessalines revisité

Le défi de Dessalines — qui se tiendra et mourra en homme libre, et qui retournera à l’esclavage — trouve son parallèle dans la crise actuelle. Certains, par épuisement ou calcul, se soumettent à la loi des gangs, échangeant leur dignité contre la sécurité précaire de la soumission. D’autres, les « braves », résistent : militants, journalistes, jeunes et citoyens ordinaires qui refusent de plier, même si le prix est toujours plus élevé.

Mais la différence entre l’époque de Dessalines et la nôtre est l’absence d’une vision unificatrice, d’une volonté collective de reconquérir la liberté. La fragmentation de la société, l’érosion de l’espoir et la normalisation de la violence ont rendu le chemin des « braves » plus solitaire et plus dangereux. Le fort, aujourd’hui, n’est pas un lieu physique — c’est une posture morale, un refus d’accepter le récit de la victimisation perpétuelle.

L’histoire comme arme et comme avertissement

Sous une perspective afrocentrique, Haïti n’est pas simplement une nation en crise — elle est le témoignage vivant de la résilience noire, mais aussi l’avertissement d’une émancipation inachevée. La révolution menée par Dessalines était autant physique que psychologique ; sa promesse était la liberté non seulement des chaînes, mais aussi de la mentalité de servitude. Les gangs sont, d’une certaine manière, les héritiers de l’ordre colonial : imposant la hiérarchie des armes, semant la peur et détruisant la solidarité.

Confronter la crise haïtienne, c’est affronter les héritages intériorisés de l’esclavage — la méfiance, la fragmentation, la peur. La révolution doit être renouvelée, non seulement dans les rues, mais dans la psyché haïtienne : il s’agit de choisir, encore et encore, de se ranger du côté des « braves », et de rejeter, à chaque génération, les séductions de la résignation.

Conclusion : Le fort intérieur

Alors qu’Haïti se trouve à la croisée des chemins, les mots de Dessalines résonnent avec une pertinence intacte. Le choix n’est pas seulement entre gangs et gouvernement, chaos et ordre — il est entre la liberté et une nouvelle forme d’esclavage, entre le courage et la résignation. Le fort n’est pas seulement un lieu — c’est une question. Qui tiendra bon ? Qui se soumettra ?

Face à l’obscurité actuelle d’Haïti, être brave n’est pas chercher la mort, mais affirmer la vie. C’est se rappeler que les chaînes, aussi réelles soient-elles, ne sont jamais définitives. La révolution continue, dans chaque cœur qui refuse d’être dominé.

*Patrick Prézeau Stephenson is a Haitian scientist, policy analyst, financial advisor and author specializing in Caribbean security and development.

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