29 septembre 2025
Mémoire d’un basculement : le putsch militaire du 29 septembre 1991 et ses héritages durables
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Mémoire d’un basculement : le putsch militaire du 29 septembre 1991 et ses héritages durables

Le 29 septembre 1991, Haïti connaît un basculement majeur avec la rupture de l’ordre constitutionnel issue du renversement du président Jean-Bertrand Aristide, élu démocratiquement en décembre 1990 au suffrage universel direct. À peine huit mois après son investiture, le chef de l’État est déposé par une junte militaire dirigée par le général Raoul Cédras, assisté de l’état-major Philippe Biamby et du commandant Michel François. Cet événement marque le retour brutal de l’armée comme acteur dominant de la scène politique nationale, confirmant la fragilité de l’expérience démocratique inaugurée après la chute de la dictature des Duvalier.

Les heures qui suivent le putsch s’illustrent par une répression systématique. À Port-au-Prince, les quartiers populaires demeurés fidèles à Aristide deviennent la cible d’opérations militaires caractérisées par l’usage indiscriminé de la force. Les témoignages convergent sur l’ampleur des exécutions sommaires, disparitions forcées et violences généralisées. Les bilans établis par les organisations de défense des droits humains font état de centaines de victimes, tandis que l’exil forcé de milliers de citoyens par voie terrestre et maritime vers les côtes américaines traduit la désintégration immédiate du tissu social et la fuite des forces vives du pays.

Au plan international, le coup d’État entraîne une réaction ferme mais mesurée. L’Organisation des Nations unies et l’Organisation des États américains condamnent la prise de pouvoir anticonstitutionnelle et exigent le rétablissement de la légalité démocratique. Les États-Unis, après une phase d’ambiguïté liée à leurs rapports traditionnels avec l’armée haïtienne, optent pour une politique de sanctions et de suspension de l’aide bilatérale. Cependant, l’efficacité de ces mesures demeure limitée à court terme, permettant à la junte militaire de se maintenir malgré son isolement diplomatique croissant.

À l’échelle interne, les nouvelles autorités imposent un régime de terreur destiné à neutraliser les institutions démocratiques issues de la Constitution de 1987. L’appareil d’État est instrumentalisé au profit de l’armée, les médias indépendants sont réduits au silence, et l’opposition politique est contrainte soit à la clandestinité, soit à l’exil. La création et l’utilisation des « attachés », groupes paramilitaires voués à l’intimidation et à la violence, institutionnalisent la peur comme mode de régulation sociale et politique. L’idéal démocratique de 1990 est ainsi rapidement anéanti par une gouvernance répressive.

Enfin, en interrompant brutalement la dynamique démocratique initiée après 1986, l’événement du 29 septembre 1991 instaure une période de trois années de répression, d’instabilité et de crise humanitaire aiguë. Ce n’est qu’en octobre 1994, sous l’égide de l’opération multinationale « Uphold Democracy » conduite par les États-Unis, que Jean-Bertrand Aristide est rétabli dans ses fonctions présidentielles. Néanmoins, les séquelles institutionnelles et sociales du putsch — persistance de la méfiance envers l’État, fragilité des régimes civils, survivance de logiques militaro-clientélistes et culture de l’impunité — continuent de marquer la trajectoire politique haïtienne plus de trois décennies après.

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