28 septembre 2025
Si une photo prête à soupçon, que vaudront les urnes sous Laurent Saint-Cyr ?
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Si une photo prête à soupçon, que vaudront les urnes sous Laurent Saint-Cyr ?

L’Edito du Rezo

La diffusion d’une photographie montrant Laurent Saint-Cyr en compagnie de Donald Trump et de son épouse a immédiatement suscité une avalanche de doutes. Sur les réseaux sociaux, certains commentateurs y voient une image artificiellement générée, d’autres assurent que le coordonnateur du Conseil Présidentiel de Transition n’a jamais mis les pieds ni à Washington ni à la Maison Blanche. La controverse excède la simple contingence : elle traduit le déficit de confiance qui entoure les autorités de facto d’Haïti abandonnant ses concitoyens à la merci des gangs. Ce qui, à première vue, relèverait d’une innocente chorégraphie diplomatique se mue en symptôme éclatant d’une défiance populaire, tant la parole institutionnelle que son imagerie officielle s’effritant sous le regard soupçonneux de l’opinion.

Transposée à l’échelle planétaire, l’affaire acquiert une intensité singulière. Le 23 septembre, Donald Trump a bien reçu plusieurs chefs d’État et de gouvernement dans un hôtel new-yorkais. Pourtant, il demeure incontestable que Gustavo Petro, président de la Colombie, en fut absent, son visa ayant été révoqué. Ce hiatus — l’absence imposée de Petro face à la présence revendiquée de Laurent Saint-Cyr — nourrit un faisceau de conjectures. Dans un univers saturé par les simulacres numériques et les artifices générés par l’intelligence artificielle, la possibilité d’une photographie fabriquée ne relève plus de la simple imagination, mais s’impose comme hypothèse crédible. Ce soupçon, en s’ajoutant au discrédit déjà pesant sur les élites haïtiennes, confère à l’épisode une gravité accrue : la crédibilité d’un pouvoir transitoire soupçonné d’abriter jusque dans ses rangs les « trois braqueurs de la BNC » se trouve désormais compromise par la seule circulation d’un cliché incertain.

Ce climat de doute est aggravé par le discours tenu par Laurent Saint-Cyr à la tribune des Nations Unies. En remerciant Donald Trump pour son initiative visant à transformer la mission kényane en une force plus robuste, il a affiché un alignement diplomatique qui contraste avec la réalité interne : les gangs, présentés comme l’ennemi à abattre, sont en réalité tolérés, parfois même instrumentalisés, pour faciliter des opérations de contrôle urbain. Cette duplicité rend difficile toute réconciliation entre l’image internationale du dirigeant et la perception domestique d’un système en faillite.

Derrière cette polémique photographique se profile un enjeu plus fondamental : la confiance dans les institutions électorales. Les Haïtiens se souviennent que le scrutin de décembre 1990 reste le seul véritablement reconnu comme transparent et équitable. Chaque annonce de nouvelles élections, chaque allusion à un référendum constitutionnel, suscite une méfiance immédiate. Si la population doute de l’authenticité d’un cliché diffusé dans la presse, et par le principal intéressé lui-même, comment pourrait-elle accorder foi à des résultats électoraux compilés sous l’égide d’institutions déjà discréditées ?

La crise qui se dessine ne saurait se réduire à l’authenticité d’un cliché : elle touche à la substance même de la légitimité politique. En Haïti, l’enjeu n’est pas seulement l’absence de résultats mesurables, mais l’incapacité persistante des dirigeants à incarner la confiance, matrice et fondement de toute démocratie. Dans ce contexte, une photographie contestée agit comme un révélateur implacable : elle dévoile un État pris dans un cycle de suspicion généralisée, où chaque geste officiel se heurte au soupçon. Or, un tel climat délétère mine les conditions mêmes d’un scrutin crédible et, par ricochet, compromet toute tentative de reconstruire un pacte social déjà fissuré. Ainsi, ce qui paraît dérisoire à l’échelle de l’image devient, à l’échelle de la cité, le symptôme d’un effondrement structurel de la confiance publique.

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