Mission ONU 2025 : le prix d’une semaine de diplomatie haïtienne à New York
La participation d’Haïti à la 80e Assemblée générale des Nations Unies constitue, en principe, un exercice de souveraineté et de visibilité internationale. Le président de la délégation, Laurent Saint-Cyr, doit prendre la parole à la tribune onusienne le jeudi. Cependant, l’enjeu financier mérite d’être examiné avec rigueur. Car derrière la légitimité d’un tel déplacement se cache une dépense publique lourde, dont la pertinence reste discutable dans le contexte actuel de faillite de l’Etat d’Haiti.
Le périple logistique est révélateur. La délégation a quitté Port-au-Prince via le Cap-Haïtien, transitant par Miami avant de rejoindre New York. Elle comprend officiellement vingt-quatre personnes. Sur la base des barèmes de per diem fédéraux (GSA), des moyennes tarifaires aériennes (DOT/BTS) et des prix hôteliers constatés durant la session onusienne, le coût total pour six nuits se situe entre 120 000 et 300 000 dollars US, avec un scénario médian autour de 190 000 dollars US. Ce chiffre inclut l’aérien, l’hébergement new-yorkais à plus de 600 dollars la nuit en moyenne, les repas, les transports urbains, la sécurité rapprochée ainsi que l’organisation d’une rencontre « diaspora » à frais partagés entre salle, traiteur et logistique.
En termes concrets, chaque délégué coûte environ 7 900 dollars à l’État pour une semaine. Rapporté aux besoins du pays, ce montant révèle une fracture morale : il équivaut au financement annuel de dizaines de bourses universitaires locales, à l’achat de milliers de kits scolaires, ou encore à l’approvisionnement en médicaments de plusieurs dispensaires ruraux. L’image d’une élite politique voyageant en confort, pendant que des citoyens affrontent les flots sur des embarcations de fortune, symbolise la blessure profonde séparant les dirigeants du peuple.
L’ironie des faits s’accentue lorsque, la même semaine, un navire avec 103 migrants haïtiens a été arraisonné par les garde-côtes américains au large des Turks and Caicos. Loin d’être une simple coïncidence, cet épisode illustre l’exode désespéré d’une population sans protection ni horizon, pendant que l’État consacre ses maigres moyens à une représentation de prestige.La représentation internationale se justifie dans la mesure où elle ouvre des voies d’aide ou de coopération, mais son efficacité réelle reste à démontrer.
La problématique centrale réside dans l’évaluation de la pertinence d’une dépense publique avoisinant les 200 000 dollars pour un discours et une semaine de représentation, et dans l’examen de sa contribution réelle, voire mesurable, au processus de redressement national. Loin d’être un rejet de la diplomatie, ce questionnement relève de l’exigence démocratique de transparence et de hiérarchisation des priorités. Un pays en état d’urgence sécuritaire et humanitaire peut-il continuer à financer le prestige de ses représentants, au détriment d’actions directes en faveur de sa population ? L’analyse financière appelle ici une réflexion éthique et politique sur l’usage des deniers publics dans un État au bord de l’effondrement.
