21 septembre 2025
22 septembre 1957 – Des Tontons Macoutes aux gangs armés : la continuité de la violence électorale
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22 septembre 1957 – Des Tontons Macoutes aux gangs armés : la continuité de la violence électorale

Tandis que le Conseil électoral provisoire, incapable d’avancer depuis onze mois, se contente de changer de président sans redéfinir sa mission, l’histoire rejoue ses mêmes refrains. De l’élection de 1957 qui porta François Duvalier au pouvoir à ce présent marqué par un organisme électoral décrié comme instrument de soumission, Haïti s’enferme dans une répétition : les urnes promises à la souveraineté nationale deviennent le masque d’un chaos prolongé. À quoi peut-on réellement s’attendre d’un CEP réduit à l’apparence d’autorité, sinon à l’imprévisible ?

Haïti – De septembre 1957 à nos jours : une répétition sans fin

Le 22 septembre 1957 devait marquer le renouveau démocratique d’Haïti. Le pays sortait des convulsions de l’après-Magloire, balloté par des présidences éphémères, et cherchait une issue institutionnelle. L’élection de François Duvalier, adoubée par l’armée et légitimée par un scrutin contesté, inaugura pourtant une dictature héréditaire de près de trois décennies. Le processus électoral, loin d’ouvrir la voie à l’alternance, devint la matrice d’un pouvoir patrimonial, concentré et brutal.

L’expérience de 1957 aurait dû enseigner une évidence : sans institutions solides, les urnes deviennent simples façades. Les mécanismes de fraude, l’exclusion des concurrents, la confiscation de l’appareil d’État au profit d’un seul homme ont transformé le suffrage en instrument de domination. Mais cette démonstration n’a pas suffi à armer la conscience collective. Loin d’être retenue, la leçon a été enfouie dans un récit mythifié du « noirisme », tandis que l’appareil coercitif — Tontons Macoutes hier, gangs aujourd’hui — s’érigeait en garant de la continuité du pouvoir.

Depuis la chute de Jean-Claude Duvalier en 1986, la scène politique haïtienne n’a cessé de rejouer le même drame. Transitions interminables, présidences provisoires, scrutins sabotés ou reportés, recours à la communauté internationale comme arbitre : les acteurs politiques se meuvent dans un cycle de répétition. L’esprit de 1957 se prolonge dans l’incapacité à consolider un cadre électoral crédible et dans la tentation récurrente de substituer des arrangements ponctuels à un contrat institutionnel durable.

Attribuer cette impasse uniquement aux élites serait trop simple. La société haïtienne dans son ensemble — partis, organisations de la société civile, diaspora, électeurs — peine à s’approprier les leçons de son histoire. Chaque crise ravive la mémoire d’un peuple qui, depuis 1957, espère qu’un scrutin soit porteur de rédemption, mais se résigne devant sa perversion. L’oubli volontaire du précédent historique permet à la scène politique de réinventer les mêmes illusions, comme si l’échec de Duvalier père n’avait jamais été écrit en lettres de sang.

En voulant imposer un référendum constitutionnel rejeté par la majorité du peuple, le pouvoir actuel reproduit une logique plus grave encore que la violence électorale du 22 septembre 1957. Car au-delà de la manipulation des urnes, il s’agit cette fois de piétiner l’article 284-3 de la Constitution de 1987, qui interdit explicitement toute révision par voie référendaire. Le 22 septembre 1957 n’avait pas seulement consacré un président : il avait inscrit Haïti dans une mécanique de domination où l’élection servait moins à légitimer la souveraineté populaire qu’à consacrer la violence. Hier, l’ombre des Tontons Macoutes imposait la terreur comme instrument d’ordre ; aujourd’hui, les gangs héritent de ce rôle, transformant l’espace public en territoire de soumission. Entre ces deux moments historiques, un fil rouge demeure : l’incapacité à convertir le suffrage en pouvoir collectif et à arracher l’institution électorale à son statut de façade. Tant que cette mémoire demeure ignorée et que la Constitution est ainsi violée, les urnes haïtiennes resteront des réceptacles d’illusions. En 2025, Haïtiens et Haïtiennes sont confrontés à cette question lancinante : sont-ils condamnés à revivre, sous d’autres visages, la tragédie inaugurale de 1957 ?

cba

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