L’Edito du Rezo
Laurent Saint-Cyr, avant son départ pour New York, va-t-il hisser le bicolore sur les mâts du Palais National pour y annoncer l’organisation d’un référendum à moins de trois mois de la fin de l’année 2025, conformément à un calendrier qu’il est tenu de respecter ?
En ce qui concerne les quatre présidents du CPT, chacun, à sa manière, a laissé une trace que le vent marin effacera vite du sable mouvant d’un pays englouti dans le chaos. Edgard Leblanc, à la tribune des Nations Unies, a prononcé le mot « réparation », audacieux certes, mais resté sans la moindre matérialisation même au-delà des comités constitués. Leslie Voltaire, pour sa part, a offert au pays un « troisième aéroport international », sans jamais rouvrir une seule route sous l’emprise des gangs à la circulation. Fritz Jean, lui, s’est illustré par un « budget de guerre » qui l’a fait passer pour un économiste ridicule, jouant avec des concepts qu’il n’a pas su maîtriser. Enfin, Laurent Saint-Cyr et Fils-Aimé ont trouvé la formule idéale : nier que les gangs occupent plus de 85 % de la capitale, en lançant depuis jeudi des opérations de propagande sur la prétendue « récupération » du centre-ville fantôme, tout en taisant soigneusement les tractations secrètes qui l’ont rendue possible.
À peine un mois après son installation à la tête de la Police nationale, le tandem formé par l’homme fort du Conseil présidentiel, Laurent Saint-Cyr, et son directeur général parachuté, Vladimir Paraison, est déjà associé à un nouveau carnage – le énième depuis l’instauration du CPT en avril 2024 : plus d’une vingtaine d’habitants exécutés par des gangs à Cabaret. Cette nomination, fruit d’un règlement de comptes entre le Premier ministre de facto Alix Didier Fils-Aimé et l’ex-directeur Normil Rameau, n’a pas consolidé l’institution. Elle confirme au contraire l’impuissance d’un État incapable d’assurer la protection de ses citoyens. Mais qui répondra du prix de ces vies fauchées ?
À Cabaret, alors que des familles enterrent en hâte leurs proches pour éviter que les chiens ne dévorent les cadavres, le pouvoir s’enlise dans une propagande sur la « reprise en main » du centre-ville de Port-au-Prince. Derrière ces annonces, des négociations discrètes pointées comme des tentatives d’amnistie des groupes armés. Les mêmes bandes qui ensanglantent la République sont courtisées sous couvert de « pacification » d’un centre-ville fantôme, déjà ravagé depuis le séisme de 2010. Sur ces ruines, le Premier ministre Fils-Aimé invite les habitants à revenir « très bientôt », sans annoncer le retour effectif de la Primature au Bicentenaire ni la reprise des activités judiciaires au Palais de Justice prévu à cet effet.
« Parler d’amnistier les gangs, est-ce une façon de les récompenser pour un travail si bien fait ? », s’interroge le Dr Josué Renaud, directeur de NEHRO. Son constat résonne comme un réquisitoire : loin d’imposer la loi, l’État valide par son inertie la légitimité des criminels.
Dans ce décor de sang et de ruines, entendre le Dr Louis Gérald Gilles vanter de prétendues « élections crédibles et honnêtes » tient du simulacre. Les urnes promises ne peuvent recouvrir les charniers ouverts par les gangs « Viv Ansanm », déjà convaincus que leur impunité sera bientôt scellée par des arrangements politiques. Haïti reste enfermée dans un cycle implacable : un nouveau chef, une même faillite, un pays livré à ses bourreaux. Quant aux mises en scène de la Primature sur le « nettoyage » du centre-ville, elles sentent le maquillage grossier, préparé pour offrir à Laurent Saint-Cyr, fin septembre à la tribune des Nations Unies, l’illusion d’un contrôle retrouvé. Une illusion qui rappelle la formule d’un ancien ministre des Affaires étrangères d’Ariel Henry, tristement entré dans l’histoire pour avoir théorisé que, dans le pays incluant les « territoires perdus », « tout était sous contrôle ».
