10 septembre 2025
Poésie – Robert Lodimus : ‘L’Exil’
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Poésie – Robert Lodimus : ‘L’Exil’

L’exil

L’exil

C’est la mort

On vieillit 

On maigrit

La famille

Les amis

Les souvenirs

Les rues de notre enfance

Tout se confond dans notre mémoire

Au fil du temps qui passe

L’exil

 C’est la feuille verte

Détachée de sa branche

Que le vent de la peur

Ou de la misère

Partout traîne rageusement

Et qui va sécher

Dans la savane

Les soirées de glace 

Démaillent les illusions

Et les fantasmes

Sur les joues creusées

À coups de nostalgie

Se déploient

Comme sur un tissu à rayures

Les stigmates indélébiles 

De l’exil tourmenté

Liberté

Ils ont assassiné

Notre « Soleil »

Tu n’existes plus

L’exil

C’est la fuite

On meurt sans mourir

Sur une terre inconnue

Je suis parti

Un soir de la Toussaint

Baluchon de peine sur l’épaule

J’étais au milieu de la vingtaine

Je suis encore triste

Triste d’avoir abandonné

Quisqueya

Sur son lit de trépassement

Je ne garde plus l’espoir

De revenir pour ses funérailles

Plus l’espoir

Dis-je

De contrarier la « veillée »

Et de déposer une couronne

De « Colère »

Sur le cercueil

De « Blasphème »

L’exil

C’est l’usine

Des travailleurs zombis

Empilés sur des machines

Qui broient la vie

On pâlit 

On vieillit

Comme le train du destin

Qui roule trop longtemps

J’ai enfin compris

Que « là-bas » 

Est encore « ici »

Lumières et ténèbres

Se partagent les humeurs du temps

L’exil

C’est le rêve dépecé

Du « Soleil » de Thrace à Senerchia [1]

L’espoir avorté

De 6000 âmes crucifiées

Sur la Via Appia [2]

Dans la nuit engourdissante

Où Crassus

Régna en maître

Sur la terreur

Liberté  

Nous t’avons attendue 

Jusqu’à l’aube naissante

Et tu n’es pas venue

Liberté 

Tu as trahi tes enfants

Ici et ailleurs

Nous desséchons

Comme l’herbe

Nous mourons

Dans les réserves de honte

De l’Amérique honteuse

Les cités de Paris 

Bande de Gaza 

Calcutta

Cité Soleil

Désert du Sahel

Et où encore

Mourir

Sans te prendre

Dans nos bras affaiblis  

Sans te serrer

Sur nos cœurs lassés

Et trompés

N’est-ce pas là 

Notre plus grand chagrin

Liberté

Nous mourons tellement

Que nous ne savons plus

Où mourir

L’exil

C’est la peur 

Additionnée à la honte

Pour obtenir

L’insécurité

La désespérance

Le chagrin

Le déshonneur

L’humiliation

L’exil

C’est le reniement de soi

Pour survivre

Comme des Bohèmes

Aux  tribulations

Qui défrichent l’âme

Et épandent

L’atonie

Dans les cœurs froissés

L’exil

C’est la mort de l’Être

Au milieu des vicissitudes

De sa prison 

Aux portes ouvertes

Sur le vide abyssal

De la « dépersonnalisation »

Douloureuse

Et suicidaire

___________________________

1.- Lieu de naissance de Spartacus.

2.- L’endroit où les 6 000 esclaves qui combattaient aux côtés de Spartacus furent crucifiés.

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