25 octobre 2025
Feuille de route d’Haïti : Un consortium guidé par le secteur privé peut-il assurer la sécurité, les élections et la réforme ?
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Feuille de route d’Haïti : Un consortium guidé par le secteur privé peut-il assurer la sécurité, les élections et la réforme ?

Par Patrick Prézeau Stephenson

PORT-AU-PRINCE — La feuille de route de transition d’Haïti, adoptée plus tôt cette année par le Conseil présidentiel, repose sur trois piliers : stabiliser la sécurité, organiser des élections crédibles et lancer une réforme constitutionnelle. Sur le papier, ce sont des fonctions régaliennes. En pratique, l’État haïtien est fragile, ses institutions minées par des années de crise, de corruption et de capture. Dans ce vide surgit un acteur inattendu : le secteur privé.

Au cœur de ce dispositif se trouve une alliance de chefs d’entreprise haïtiens qui se présentent comme une colonne vertébrale logistique et un moteur de coordination. La vraie question, toutefois, n’est pas seulement de savoir s’ils peuvent livrer, mais s’ils peuvent le faire avec légitimité, responsabilité et sans répéter les travers de la capture élitaire qui ont longtemps nourri l’échec de la gouvernance en Haïti.

Sécurité : des corridors, pas une souveraineté parallèle

La crise sécuritaire haïtienne est aiguë. Les gangs ont transformé Port-au-Prince en archipels armés, tandis que la vallée de l’Artibonite — le grenier rizicole du pays — vit sous la terreur des kidnappings et des déplacements forcés.

La contribution la plus concrète du secteur privé pourrait être la mise en place de « corridors de services protégés » : du port à l’hôpital, du port à l’école, ou encore du dépôt de carburant à la clinique. Gérés avec un suivi GPS, des scellés inviolables et des contrats de sécurité liés à la performance, ces corridors pourraient réduire les ruptures de médicaments, maintenir les écoles ouvertes et stabiliser certains prix en limitant l’extorsion.

Mais les dangers sont réels. Ces dispositifs pourraient se transformer en taxation privée, une souveraineté de l’ombre imposée par les affaires plutôt que par l’État. Pour l’éviter, une supervision radicale est nécessaire : tableaux de bord publics en créole et en français, lignes de plaintes accessibles, sièges pour la société civile dans les instances de contrôle et suspension immédiate en cas d’abus. L’objectif est de renforcer l’État, pas de le remplacer.

Élections : la logistique sans la politique

Le secteur privé haïtien peut transporter les bulletins, les générateurs et le carburant. Il peut entreposer des matériels sensibles et assurer l’alimentation des centres de tabulation. Dans un pays où les coupures d’électricité et les convois détournés sont la norme, ce n’est pas négligeable.

Mais une élection est une machine de légitimité. Si le secteur privé franchit la ligne — en filtrant les candidats, en gérant les résultats — il contaminera le processus. Ce qui est viable, c’est un rôle strictement logistique : livrer les kits à temps, publier les registres d’approvisionnement, et organiser des répétitions grandeur nature de la distribution nationale. Ce qui ne l’est pas, c’est toute perception de contrôle partisan.

Le test est simple : les bulletins arrivent-ils intacts et à temps dans 90 % des bureaux de vote ? Si oui, la machine électorale de l’État a une chance de fonctionner.

Réforme constitutionnelle : convoquer, pas rédiger

Le test peut sembler discret, mais il est peut-être le plus profond : la réforme constitutionnelle. Les think tanks et acteurs privés pourraient financer des forums de consultation neutres, couvrir les frais de déplacement des associations rurales et des groupes de femmes, et soutenir des guides citoyens non partisans expliquant les enjeux.

Mais ici, la neutralité est essentielle. Si les élites utilisent leur puissance financière pour pousser des clauses spécifiques — sur la terre, la fiscalité, ou les droits de la diaspora — elles discréditeront le processus. Des auditeurs indépendants, la divulgation en temps réel des donateurs, et un pare-feu strict entre financement et contenu sont indispensables.

Le critère n’est pas qu’un projet de texte soit produit, mais que des milliers d’Haïtiens se sentent entendus — grâce à des forums publics remplis, des transcriptions publiées et une synthèse transparente des consensus et désaccords.

La question structurelle

Le Manifeste Appel du Lambi avertit que l’avenir d’Haïti ne peut être confié aux élites qui ont contribué à la catastrophe actuelle. Le secteur privé haïtien incarne cette tension : il a des capacités réelles, mais il manque de confiance populaire.

La promesse de la feuille de route repose sur des victoires limitées mais visibles — des corridors fonctionnels, une répétition électorale réussie, une douzaine de forums inclusifs — qui pourraient lentement restaurer la crédibilité. Son danger, c’est la concentration des contrats, l’opacité dans l’exécution et des dispositifs sécuritaires qui ressemblent à des fiefs privatisés.

Conclusion

Le secteur privé haïtien n’est pas un sauveur. Au mieux, il est un exécutant temporaire — un transporteur de biens, un gestionnaire de corridors, un financeur d’espaces neutres. Son avantage comparatif est la discipline logistique, pas la légitimité politique.

S’il agit avec transparence — en publiant ses registres, en faisant tourner les prestataires, et en donnant à la société civile un vrai pouvoir de surveillance — il peut acheter du temps et de l’espace pour que l’État se reconstitue. Mais s’il glisse vers l’opacité et la capture, il renforcera les structures mêmes que le Manifeste dénonce : une gouvernance de l’ombre, pilotée par les élites, tandis que le peuple reste une fois de plus spectateur de sa propre démocratie.

La feuille de route d’Haïti est fragile. Que le secteur privé joue le rôle de pont ou de barrière définira si cette transition ouvre une possibilité — ou s’effondre dans un nouveau cycle de trahison.

Contact Médias Patrick Prézeau Stephenson: Éditeur manifeste1804@gmail.com

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Kilès nouye :  Manifeste L’Appel du Lambi – Unité et Action pour Haïti

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