7 décembre 2025
Arrêtons de pleurer nos héros : protégeons-les de leur vivant
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Arrêtons de pleurer nos héros : protégeons-les de leur vivant

Par Ralf Dieudonné JN MARY 

En Haïti, on a trop souvent pris l’habitude de pleurer nos héros au lieu de les protéger. Comme si mourir pour une cause noble était le prix inévitable de la vérité. Ce texte est un appel à briser cette fatalité : il est temps de défendre la vie de ceux qui se lèvent, afin que leurs idées continuent d’éclairer l’avenir.

Parce que Haïti n’a pas besoin de martyrs : elle a besoin de vivants.

Parce qu’ils tombent trop vite.

Les hommes et les femmes qui osent dire « non ».

Non au vol.

Non à la corruption.

Non à la violence qui étouffe nos rues et nos rêves.

Et chaque fois, on répète la même phrase : “Il faisait un bon travail, mais regarde, il a fini assassiné.” Comme si parler signifiait forcément se condamner. Comme si défendre la vérité était une marche vers la mort.

On glorifie ceux qui tombent, et leur courage force le respect. Mais derrière chaque héros, il y avait une vie qui méritait de continuer. Une voix qui aurait pu enseigner encore, écrire encore, bâtir encore. Mourir pour une idée inspire un instant. Mais vivre pour elle transforme un peuple.

Aujourd’hui, les injustices sont partout : dans les familles déplacées par les hommes lourdement armés, dans les enfants privés d’école, dans les malades abandonnés faute de soins. Face à tout cela, se taire revient à consentir. Mais choisir de vivre pour ses idées, c’est refuser le silence tout en gardant la force de durer.

Vivre pour ses idées, c’est bâtir des espaces de parole, comme autrefois sous les arbres à palabres. C’est protéger la vérité par le nombre, comme dans un konbit où chacun donne sa main pour que la récolte soit abondante. Ce n’est pas fuir le danger : c’est durer pour mieux le combattre.

Et surtout, c’est comprendre que la lutte n’est pas individuelle. Celui qui parle pour les sans-voix ne devrait pas se sentir seul. Sa protection est notre responsabilité collective. Lorsqu’on touche l’un de nous, c’est à tous de se lever. Si le peuple veille, alors la peur changera de camp.

Imaginez un pays où chaque fois qu’une menace s’élève contre une voix libre, des centaines d’autres se lèvent pour sonner l’alarme. Un pays où la communauté s’organise en réseaux de veille, pour que plus jamais une menace ne reste dans l’ombre. Imaginez des chaînes de solidarité où, quand un journaliste, un militant ou un simple citoyen est visé, il sait qu’il peut compter sur la présence et le soutien des siens.

Pensons à des espaces de parole protégés, physiques ou numériques, où l’on peut dire la vérité sans craindre le bâillon ni les balles. Pensons à un peuple qui transforme chaque attaque en scandale public, chaque intimidation en un cri collectif qui résonne plus fort que la peur. Pensons enfin à une culture nouvelle, une culture de solidarité active, où protéger celui qui parle, c’est protéger la dignité de tous.

Haïti n’a pas besoin d’un cimetière de héros. Elle a besoin de vivants qui portent la vérité, jour après jour. Ne restez pas silencieux face aux injustices. Mais refusez de croire que mourir est l’unique preuve de courage. Le vrai courage, c’est de vivre, ensemble, pour nos idées.

Ralf Dieudonné JN MARY 

Auteur, conférencier, mentor et enseignant haïtien.

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