7 décembre 2025
L’avenir d’Haïti est sacré
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L’avenir d’Haïti est sacré

Par Ralf Dieudonné JN MARY 

Il y a longtemps, nos ancêtres ont brisé des chaînes que le monde croyait éternelles.

Ils ont construit, sur ce morceau de terre, le premier souffle de liberté noire.

Ils n’étaient pas parfaits. Ils avaient peur, ils doutaient, ils se disputaient… mais ils se sont levés ensemble.

Et c’est ensemble qu’ils ont fait naître Haïti.

Aujourd’hui, quand nous regardons autour de nous, nous voyons une autre réalité.

Des routes défoncées. Des écoles qui ferment. Des hôpitaux qui manquent de tout.

Des quartiers où l’on vit comme en prison derrière des murs et des barbelés.

Des familles séparées par l’exil.

Des jeunes qui rêvent d’avenir, mais dont le seul billet d’espoir est un passeport.

Et nous, que faisons-nous ?

Parfois, nous pointons du doigt : “C’est la faute des politiciens”, “C’est la faute des riches”, “C’est la faute des pauvres”, “C’est la faute de la diaspora”…

Mais en vérité, la faute, elle est partout.

Elle est dans le commerçant qui gonfle les prix quand la misère augmente.

Elle est dans l’élève qui triche parce qu’“il faut bien se débrouiller”.

Elle est dans le leader qui promet et qui oublie.

Elle est dans le silence de celui qui sait, mais qui ne dit rien. 

Elle est dans nous tous, moi, toi, chacun de nous.

Et il y a un domaine où cette responsabilité pèse particulièrement lourd : l’éducation.

En Haïti, on répète souvent à l’école que les enfants et les jeunes sont l’avenir.

On dit qu’il faut investir en eux parce que ce sont eux qui nous remplaceront.

Mais dans la pratique, la réalité est parfois tout autre.

Il arrive que certains professeurs voient les étudiants qu’ils forment comme des rivaux, et non comme ceux qui assureront la relève.

 Quels impacts réels sur la carrière et la vie des jeunes a le fait que les professeurs remettent les notes avec 10 ans de retard ? 

 Est-ce juste que des années d’efforts d’étudiants soient annulées par le retard des enseignants dans la remise des notes ? 

Comment avancer si, au lieu de préparer la génération suivante à faire mieux, on la prépare à rester derrière ?

Prenons un exemple concret : un étudiant passe des mois à travailler sur un mémoire ou un papier de recherche, sacrifiant son temps, ses économies, parfois même sa santé.

Son patron de recherche a la responsabilité de former le jury pour sa soutenance.

Parmi les membres du jury, il arrive qu’un professeur accepte d’y siéger alors qu’il sait pertinemment qu’il n’a pas lu le travail, ou qu’il n’aura pas le temps de le lire avant. Pourtant, lire le travail à l’avance est à la fois un devoir professionnel et un devoir éthique, une marque de respect pour l’étudiant et pour la rigueur académique. Sans ce respect, on juge à l’aveugle. Et malgré cela, certains viennent, donnent leur verdict et proposent même des améliorations sur un texte qu’ils ne connaissent pas.

Mais un élève en uniforme, tout comme un étudiant à l’université, est sacré.

Parce qu’il est l’avenir.

Et si nous ne respectons pas ceux qui sont l’avenir, que pouvons-nous espérer pour ce pays demain ?

Une société qui forme avec la peur que les formés dépassent les formateurs, ou qui considère ses étudiants comme des adversaires, est une société condamnée à stagner.

On ne bâtit pas l’avenir avec la jalousie. On le bâtit avec la transmission.

Nous avons laissé notre maison commune se fissurer.

Et quand la pluie tombe, elle tremble.

Quand le vent souffle, elle menace de s’écrouler.

Pourtant, chaque morceau de mur, chaque planche du toit, appartient à tous.

Haïti, c’est notre maison.

On ne quitte pas sa maison parce qu’elle est en désordre. On la répare.

Réparer Haïti, ce n’est pas seulement changer de gouvernement ou de lois.

C’est changer de réflexes, de mentalités, d’attitudes.

C’est accepter que la dignité d’un peuple ne se mesure pas à l’argent qu’il gagne, mais à la manière dont il se traite lui-même.

C’est comprendre que nous ne pouvons pas attendre que la paix vienne des armes, ni que le progrès vienne des poches pleines de quelques-uns.

C’est se dire : “Si je veux un pays sûr, je dois être un voisin sûr. Si je veux un pays honnête, je dois être honnête. Si je veux un pays qui m’accueille, je dois accueillir mon frère.

Peut-être que certains pensent : “Tout cela est trop beau pour être vrai.”

Et je leur réponds : “C’est vrai que ce sera difficile. Mais ce n’est pas impossible.”

Parce que nous avons déjà accompli l’impossible.

En 1804, nous étions esclaves hier et libres aujourd’hui.

En 2025, nous pouvons être divisés hier et unis demain.

Alors, que faisons-nous, dès aujourd’hui ?

Nous parlons différemment.

Nous agissons différemment.

Nous soutenons l’école du quartier, même si nos enfants vont ailleurs.

Nous achetons, quand c’est possible, le produit du paysan d’ici plutôt que celui qui vient de loin.

Nous apprenons à régler nos conflits par la parole et non par la violence.

Nous refusons de nourrir la haine dans nos conversations, sur nos réseaux, dans nos chants.

Nous nous traitons comme une famille… pas une famille parfaite, mais une famille qui sait qu’elle n’a qu’une seule maison.

Et le jour viendra où nos enfants diront :

Nos parents ont hérité d’un pays blessé, mais ils nous ont transmis un pays debout.”

Et ce jour-là, nous ne remercierons pas un seul homme, ni un seul groupe, mais tout un peuple.

Nous dirons ensemble :

Nous avons reconstruit notre maison.”

Et si cette reconstruction doit commencer quelque part… pourquoi pas ici ? Pourquoi pas maintenant ?

Ralf Dieudonné JN MARY

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