8 décembre 2025
Haïti – Insécurité : vers une communication sociale responsable!
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Haïti – Insécurité : vers une communication sociale responsable!

Dans un monde où l’information est devenue une arme stratégique, la gestion du discours public relève de la souveraineté. Ce que l’on dit, ce que l’on tait, comment on le dit et à quel moment — tout cela façonne les imaginaires collectifs, alimente ou apaise les tensions sociales, construit ou détruit une nation. En Haïti, ce pouvoir redoutable est exercé dans le désordre, souvent sans conscience des conséquences. Or, comme l’affirme la théorie des effets puissants (Lasswell, 1927), les médias peuvent influencer directement les opinions et les comportements — surtout en contexte de crise.

Dans les sociétés stables, l’État encadre les communications sensibles pour maintenir la paix sociale. En Haïti, certains médias et de nombreux blogueurs se livrent à une course effrénée au sensationnalisme. Des vidéos d’assassinats, des alertes non vérifiées, des rumeurs prennent d’assaut les écrans et les esprits. La peur devient virale. La fameuse spirale du silence de Noelle-Neumann (1974) se met en place : ceux qui refusent d’alimenter la panique se taisent, tandis que les voix les plus alarmistes dominent l’espace public.

Or, la communication n’est pas neutre. Elle structure la perception de la réalité. Dans les récents conflits entre l’Iran et Israël ou entre la Russie et l’Ukraine, les États ont clairement utilisé la théorie de la communication stratégique : masquer certaines pertes, insister sur des victoires symboliques, encadrer le récit médiatique pour ne pas perdre la guerre psychologique. Même aux États-Unis, face à des crises internes (crashs, fusillades, attaques), les médias appliquent une logique de gatekeeping (Lewin, 1947), filtrant l’information pour éviter le chaos.

Chez nous, c’est tout le contraire. Exemple dans la question de l’insécurité , une dizaine de morts en République dominicaine peut être gérée discrètement pour préserver l’image du pays. Mais trois morts à Port-au-Prince suffisent à créer une onde de choc internationale, alimentée par les réseaux sociaux et les reportages catastrophistes. Haïti n’a aucune politique publique de communication de crise, laissant le champ libre à une désinformation parfois plus destructrice que la réalité.

À force d’alerter sans structurer, de montrer sans contextualiser, de dénoncer sans éduquer, certains influenceurs et médias haïtiens contribuent à fragiliser davantage le tissu social. Pourtant, comme le rappelle la théorie des usages et gratifications (Katz, Blumler & Gurevitch, 1973), les citoyens ne consomment pas l’information de manière passive. Ils cherchent à se rassurer, à comprendre, à agir. Il faut donc leur offrir une information fiable, responsable, utile — et non toxique.

Informer, ce n’est pas terroriser. C’est transmettre les faits avec rigueur, contextualiser les événements, éviter les raccourcis émotionnels, et surtout, œuvrer pour la cohésion sociale. La liberté d’expression est un droit sacré, mais mal exercée, elle devient une arme de destruction. À nous de choisir : serons-nous les relais du chaos ou les gardiens d’un avenir possible ?

Alceus Dilson
Communicologue, juriste 
E-mail : Alceusdominique @gmail.com

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