27 décembre 2025
Haïti peut nourrir, éclairer et exporter : le moment d’investir est venu
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Haïti peut nourrir, éclairer et exporter : le moment d’investir est venu

Par Ralf Dieudonné JN MARY 

Haïti n’est pas un pays pauvre. Haïti est un pays affaibli. Affaibli par des décennies de dépendance extérieure, par le manque d’infrastructures et d’investissements productifs. Pourtant, nous avons tout pour bâtir une économie solide : une terre fertile capable de nourrir la nation, un soleil qui pourrait nous éclairer jour et nuit, une jeunesse talentueuse, prête à innover et entreprendre.

Prenons un exemple simple : le riz. L’Artibonite a la capacité de produire jusqu’à 80 % du riz consommé par les Haïtiens, mais nous en importons encore près de 400 000 tonnes chaque année. Cette situation nous coûte des centaines de millions de dollars qui pourraient circuler dans notre économie, créer des emplois et renforcer nos familles.

Beaucoup se demandent : pourquoi notre bourgeoisie continue-t-elle d’acheter ailleurs pour revendre, plutôt que d’investir massivement chez nous ? La réponse est complexe. Le monde d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier. Les économies sont interconnectées, interdépendantes. Chaque pays vend, achète, échange. Quand nous importons du riz étranger, c’est notre propre production qui s’affaiblit. Mais si, du jour au lendemain, nous arrêtions d’acheter à l’étranger pour tout produire nous-mêmes, ce serait aussi l’économie d’un autre pays que nous fragiliserions. Nous nous exposerions à des pressions économiques que nous ne pourrions supporter. Et dans un monde où les alliances économiques sont stratégiques, on ne construit pas un avenir solide en se fermant aux autres.

Mais alors, devons-nous rester prisonniers de ce cercle vicieux ? Non.

Un chemin d’équilibre : produire localement et coopérer intelligemment.

Nous devons bâtir une transition stratégique, pas une rupture brutale. Plutôt que de fermer nos portes, nous devons ouvrir des partenariats gagnant-gagnant.

Prenons encore l’exemple du riz. Plutôt que d’arrêter d’acheter à l’étranger, pourquoi ne pas inviter nos partenaires actuels à co-investir dans la modernisation de nos rizières ? Une entreprise qui nous vend du riz aujourd’hui pourrait, par exemple, financer avec nous l’irrigation et la mécanisation de l’Artibonite. Ensemble, nous pourrions nourrir le pays et exporter vers la République Dominicaine.

De même pour l’énergie : plutôt que d’importer massivement des panneaux solaires déjà assemblés, pourquoi ne pas créer des usines en Haïti, en partenariat avec nos fournisseurs internationaux ? Les composants seraient importés, mais l’assemblage se ferait chez nous, créant des emplois locaux. Les panneaux produits pourraient ensuite être vendus chez nous et exportés vers les pays voisins.

Enfin, l’agro-industrie : des entreprises qui nous vendent aujourd’hui des jus et sauces transformés pourraient installer ici des unités de conditionnement, en utilisant les mangues, bananes et piments cultivés par nos producteurs. Elles gagneraient un accès au marché caribéen, nous gagnerions des emplois et de la valeur ajoutée.

Relancer Haïti ne signifie pas saboter d’autres économies. Cela signifie bâtir des ponts plutôt que des murs. Cela signifie faire grandir nos capacités locales tout en restant un partenaire fiable dans le concert des nations.

Oui, nous pouvons produire notre riz, avoir de l’énergie 24h/24, encourager nos jeunes innovateurs et dynamiser nos universités. Oui, nous pouvons réduire notre dépendance sans nous isoler. Mais pour y arriver, nous devons adopter une stratégie claire, ambitieuse, et collective.

« Haïti ne pourra jamais sortir durablement de sa fragilité économique sans un investissement massif et progressif de sa classe bourgeoise dans la production locale, soutenu par des alliances internationales équitables. »

Ce n’est pas un chemin facile. Mais c’est un chemin possible. Et c’est celui qui, demain, fera d’Haïti un pays respecté, debout, et prospère.

Un plan concret, une vision mesurable.

Voici ce que nous pouvons viser collectivement :

Créer 50 000 emplois en 5 ans en investissant dans l’agriculture, l’énergie et l’industrie légère.

Réduire nos importations de 20 % d’ici 2030, en produisant localement ce que nous pouvons produire nous-mêmes.

Attirer des partenaires étrangers en leur offrant des avantages clairs : réduction des coûts logistiques, accès au marché caribéen, diversification de leurs chaînes d’approvisionnement.

Pour y parvenir, nous devons lancer dès maintenant un Fonds national pour l’investissement productif, alimenté par nos entrepreneurs, notre diaspora et nos partenaires internationaux. Ce fonds pourrait financer des projets pilotes dans des secteurs clés, avec un suivi transparent et des objectifs clairs.

Un appel à notre élite économique et à nos partenaires étrangers.

Nous ne demandons pas l’impossible. Nous ne demandons pas à nos entrepreneurs de renoncer à leurs affaires ni à nos partenaires de sacrifier leurs intérêts. Nous leur demandons d’élargir leur vision.

Investir en Haïti, ce n’est pas seulement un devoir moral : c’est une opportunité économique réelle. Notre pays est une porte d’entrée vers la Caraïbe. Nos terres sont fertiles, nos jeunes talentueux, notre soleil constant. Chaque dollar investi ici peut générer des emplois, des revenus et un marché plus stable pour tous.

Nous devons sortir du cycle « acheter ailleurs pour revendre » et entrer dans un cycle vertueux : produire, transformer, exporter. Et nous pouvons le faire sans nous isoler du reste du monde.

Haïti le mérite. Et nous en sommes capables.

Le changement ne se fera pas en un jour. Mais il commence par une décision : croire en notre potentiel. Croire que nous pouvons bâtir une économie qui se tient debout, qui nourrit ses enfants et qui négocie d’égal à égal avec ses partenaires.

Nous appelons donc nos entrepreneurs, notre diaspora et nos alliés à se rassembler autour d’une idée simple mais puissante :

Investir chez nous, intelligemment, pour que chaque pas que nous faisons en avant soit un pas qui renforce Haïti sans affaiblir le monde.

Ce plan est exigeant, il demande du courage politique, de l’engagement privé, et de la cohérence collective. Mais c’est un chemin crédible. Ce sont des ponts que nous bâtissons, pas des murs. C’est la voie vers un Haïti plus sûr, plus prospère, plus digne, pour aujourd’hui et pour demain.

Si nous voulons qu’Haïti sorte enfin du sous-développement, nous devons accepter que chaque dollar investi chez nous ait plus de valeur que dix dollars dépensés ailleurs.

Ralf Dieudonné JN MARY 

Auteur, conférencier, mentor et enseignant haïtien. Ingénieur civil diplômé de la Faculté des Sciences de l’Université d’État D’Haïti.

jeanmaryralf@gmail.com 

Téléphone : (+509) 34520855

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