Haïti, Défense nationale et déroute sécuritaire
Tandis que le ministère de la Défense en Haïti vante les efforts déployés depuis novembre 2024 pour revitaliser les Forces Armées d’Haïti (FAD’H), les groupes armés poursuivent sans relâche leur entreprise d’assujettissement territorial et de terreur généralisée. Le ministre Jean-Michel Moïse s’illustre par une communication intensive sur le « renforcement » des capacités militaires, mais sur le terrain, la dynamique sécuritaire échappe à tout contrôle institutionnel.
Cette fin de semaine, la commune de l’Estère, dans le département de l’Artibonite, a été le théâtre de nouveaux affrontements sanglants entre le gang « Kokorat san ras » et des groupes d’autodéfense. La population, en l’absence de réponse étatique efficace, s’est substituée à l’autorité publique, allant jusqu’à lyncher des assaillants présumés. Des maisons ont été incendiées, et des civils, pris entre deux feux, ont payé de leur vie. La police nationale, cantonnée au périmètre du commissariat, n’a offert qu’une couverture minimale, illustrant le retrait stratégique des forces régulières.
Loin de contenir l’expansion criminelle, la réponse officielle semble s’enliser dans une rhétorique institutionnelle déconnectée de la réalité. Le Commissariat de Dessalines reste hors service depuis son incendie, et l’Estère est désormais dans la ligne de mire du gang, qui poursuit méthodiquement son enracinement régional. Face à cette montée en puissance paramilitaire, la stratégie gouvernementale paraît davantage tournée vers la mise en scène d’un appareil de défense symbolique que vers une riposte coordonnée et dissuasive.
La rumeur de la mort du chef de gang « Meyer », abattu par des brigadiers civils, alimente une tension explosive. Des représailles sont redoutées. Dans ce contexte, la propagande ministérielle sur le renouveau militaire contraste cruellement avec l’anomie qui règne. Il ne s’agit pas simplement d’un écart de discours, mais d’une manifestation patente d’une impuissance systémique, où l’autorité constitutionnelle se désintègre face à la montée de pouvoirs armés parallèles.
