L’Edito du Rezo
Toute réforme constitutionnelle conduite en violation de la norme suprême constitue un précédent dangereux
L’actuel pouvoir en place en Haïti, né d’un accord politique opaque, non publié au Moniteur, ne bénéficie d’aucune légitimité constitutionnelle. À défaut d’avoir été investi par une instance élue, ce gouvernement au sein duquel se renferment ouvertement trois (3) accusés de braquage de la BNC, ne peut légalement engager une réforme constitutionnelle, a fortiori par référendum, procédure explicitement proscrite par l’article 284.3 de la Constitution de 1987.
Pourtant, sous couvert d’une prétendue transition à sauver, il persiste à vouloir imposer un nouveau texte fondamental en dehors de tout cadre normatif, sans mandat populaire et sans assemblee constitutionnelle pour en débattre. Une telle initiative est une usurpation du pouvoir constituant, qui appartient exclusivement au peuple haïtien — non à un conseil présidentiel non élu, ni à un exécutif intérimaire infesté de corrupteurs corrompus, selon la clameur publique.
Face à cette entreprise de substitution du droit par la force politique, la question demeure : que reste-t-il à la communauté internationale pour reconnaître l’évidence d’une dérive autoritaire ? En effet, la non-publication des actes fondateurs, l’absence de contrôle juridictionnel, la marginalisation des institutions de contrepoids et la mise en œuvre d’un référendum sans fondement juridique sont autant de marqueurs d’un régime de fait, non d’un État de droit. Pourtant, le silence complice de la CARICOM, de l’ONU (BINUH) ou de l’OEA interroge. Aucune de ces entités n’a formellement condamné le processus, ni exigé le respect des normes constitutionnelles haïtiennes. Peut-on encore parler de soutien à l’État de droit quand l’on cautionne, par inaction ou par diplomatie sélective, des actes manifestement illégaux ? Simplement, c’est Haiti !
L’épisode du sommet de la CARICOM à Montego Bay, en Jamaique, en est une démonstration éclatante : trois jours de délibérations sur Haïti, et pas une mention explicite du caractère inconstitutionnel du projet de référendum que l’absentéiste-étudiant intgernational Laurent Saint-Cyr et les braqueurs de la BNC sont chargés de conduire. L’organe régional privilégie une logique de « solutions pratiques » fondées sur le compromis politique, fût-il en rupture avec les normes fondamentales. Or, sans légalité, il ne saurait y avoir de solution durable. Toute réforme constitutionnelle conduite en violation de la norme suprême constitue un précédent dangereux. Elle affaiblit les principes de souveraineté populaire et d’équilibre institutionnel déjà minés. Le droit cesse alors d’être une norme pour devenir un outil au service d’un pouvoir illégal.
À partir de là, le problème fondamental n’est plus seulement de savoir si Haïti se rapproche d’un régime dictatorial, mais si celui-ci n’est pas déjà en place, avec l’aval implicite de partenaires internationaux plus soucieux d’une stabilité apparente que de légitimité démocratique. En renonçant à exiger le respect strict de la Constitution haïtienne, l’international endosse une responsabilité historique : celle d’avoir soutenu, par omission ou par intérêt, un gouvernement de fait opérant une réforme de droit. La dérive autoritaire n’est plus hypothétique ; elle est en cours, et seuls des actes concrets — diplomatiques, juridiques, politiques — pourront enrayer la légalisation progressive d’un coup de force constitutionnel.