Un décret sans référence à la Constitution : dérive autoritaire du Conseil Présidentiel de Transition
Le décret référendaire publié par le Conseil Présidentiel de la Transition (CPT), sans pour autant fixer de date pour la tenue d’un scrutin pourtant interdit par l’article 284 de la Constitution en vigueur, marque une rupture inédite avec la tradition institutionnelle haïtienne. Même aux heures les plus sombres de la vie politique nationale – sous les régimes issus des coups d’État militaires de 1988, de 1991, ou encore durant les dictatures d’Henri Namphy, de Prosper Avril et de Raoul Cédras – les autorités putschistes prenaient soin de fonder leurs actes en se référant, au moins formellement, à la Constitution.
Ce que révèle ce décret Tèt Kale-KPT-BINUH-PNUD, dénoncent les patriotes, c’est une volonté délibérée de contourner non seulement les institutions, mais également les principes élémentaires de légalité et de légitimité. L’absence totale de référence à la Constitution de 1987 ne relève pas de l’omission mais d’une stratégie politique. À défaut de pouvoir s’appuyer sur un fondement juridique clair, le CPT évoque dans un geste symbolique l’Acte de l’indépendance de 1804 — une invocation qui, dans le contexte actuel, confine à l’absurde. Gouverner au nom de l’indépendance tout en bafouant l’ordre constitutionnel, c’est substituer le mythe à la règle de droit.
Plus préoccupants encore sont les dispositifs opérationnels prévus par les articles 40 et 46 du décret, qui témoignent d’une tentative manifeste de contrôle du vote. L’article 40 prévoit l’instauration d’« orienteurs » dans les bureaux de vote, chargés, selon le texte, d’« aider les citoyennes et citoyens à exercer leur droit de vote ». Or, ces agents, désignés par l’exécutif, auront pour effet pratique d’encadrer, voire d’influencer, les électeurs au moment du scrutin. Ce procédé viole le principe fondamental du vote libre et secret et installe une structure de pression institutionnalisée dans le processus référendaire.
L’article 46, pour sa part, codifie le bulletin de vote en deux options distinctes : la case « oui » identifiée en vert — couleur traditionnellement associée à la validation, à l’acceptation —, et la case « non », reléguée à une teinte blanche, neutre et sans visibilité. Ce choix n’est pas innocent : il constitue un mécanisme de persuasion visuelle destiné à induire une préférence implicite pour le vote favorable. En agissant ainsi, le CPT viole le principe d’impartialité dans la formulation du choix électoral et introduit un biais manifeste dans le dispositif du scrutin.
Ces deux articles, à eux seuls, suffisent à discréditer l’ensemble de la démarche référendaire engagée par le CPT. Derrière le vernis institutionnel d’un décret se dissimule une entreprise de légitimation autoritaire, étrangère à toute culture démocratique. Réminiscence du référendum de juin 1918, organisé sous occupation pour imposer une constitution étrangère aux intérêts nationaux, le projet actuel s’inscrit dans une même logique de dépossession du peuple haïtien de sa souveraineté. Le rejet de ce décret, et en particulier de ses articles 40 et 46, s’impose comme un devoir civique, intellectuel et patriotique.
cba

