15 octobre 2025
Haïti – Préambule de la Constitution de 1987 : « le peuple haïtien proclame la présente Constitution », et non les Tèt Kale-CPT/Fils Aimé
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Haïti – Préambule de la Constitution de 1987 : « le peuple haïtien proclame la présente Constitution », et non les Tèt Kale-CPT/Fils Aimé

les pouvoirs constitués sont toujours liés par la Constitution. Ils n’en sont jamais les maîtres.

L’Edito du Rezo

Analyse juridique du Préambule de la Constitution haïtienne de 1987 : la souveraineté inaliénable du peuple

Le préambule de la Constitution de 1987 consacre un principe fondamental du droit constitutionnel moderne : la souveraineté populaire. En proclamant que « le peuple haïtien proclame la présente Constitution », le texte constitutionnel consacre une rupture explicite avec toute conception étatiste de la légitimité constitutionnelle. Ainsi, ce n’est ni l’État, ni le gouvernement, ni une autorité de fait, mais le peuple lui-même qui est constituant originaire.

L’utilisation de la formule « le peuple haïtien proclame » n’est pas d’apparence formelle sans particularité : elle engage une doctrine fondamentale en droit constitutionnel selon laquelle le pouvoir constituant originaire appartient exclusivement au peuple (cf. Hans Kelsen, Théorie pure du droit, 1934 ; Carl Schmitt, Théorie de la Constitution, 1928). En effet, cette formule signifie que le texte de 1987 ne tire pas sa légitimité d’un décret, d’un régime provisoire ou d’un exécutif transitoire, mais d’une volonté souveraine directement issue du peuple, qui a été exprimée notamment par voie référendaire le 29 mars 1987, le tout dernier referendum de notre histoire de peuple.

Ce fondement interdit par conséquent toute modification ou suppression unilatérale de la Constitution par un organe de l’État — que ce soit le gouvernement, un président, ou même un parlement agissant en dehors du cadre procédural prévu par la Constitution elle-même, encore moins un gouvernement de doublure collégial inconstitutionnel.

L’encadrement rigoureux du pouvoir de révision constitutionnelle

La Constitution de 1987 prévient toute dérive autoritaire en insérant en son sein des mécanismes explicites et contraignants d’amendement, détaillés notamment aux articles 282 à 284.1. Ces dispositions prévoient :

  • Une procédure en deux temps (vote par deux législatures consécutives) ;
  • L’interdiction de réviser certains principes fondamentaux, comme la forme républicaine du gouvernement ou la période électorale régulière ;
  • Et surtout, la réaffirmation que l’amendement n’est pas une création discrétionnaire du pouvoir exécutif ou d’un pouvoir législatif affaibli.

Cela signifie que tout processus de réforme constitutionnelle doit respecter non seulement la lettre du texte, mais aussi son esprit : celui d’un contrat social scellé par le peuple souverain.

Toute tentative d’abrogation ou de substitution de la Constitution en dehors de ces mécanismes constitue un acte de rupture de l’ordre constitutionnel, et donc un acte illégal au regard du droit constitutionnel interne. Le Conseil constitutionnel, s’il existait, aurait été chargé de sanctionner cette illégalité. En son absence, la doctrine, les juridictions ordinaires, et surtout la légitimité populaire elle-même, constituent les remparts juridiques et politiques contre toute tentative d’« évacuation » du texte fondamental.

Le gouvernement, le Premier ministre, le Président provisoire ou même une Assemblée Nationale reconstituée ne peuvent, ni ensemble ni séparément, se substituer au pouvoir constituant originaire, sauf à commettre une usurpation de souveraineté. En droit constitutionnel haïtien, comme en droit constitutionnel comparé (cf. Conseil Constitutionnel français, décision 2003-469 DC ; Cour suprême du Canada, Renvoi relatif à la sécession du Québec, 1998), les pouvoirs constitués sont toujours liés par la Constitution. Ils n’en sont jamais les maîtres.

Le préambule comme verrou républicain

Le préambule de la Constitution de 1987 n’est pas un simple ornement idéologique. Il constitue un véritable socle normatif, porteur de principes à valeur juridique contraignante, comme l’a confirmé une jurisprudence constitutionnelle constante dans plusieurs systèmes démocratiques.

En ce sens, toute prétention d’un gouvernement, d’un comité, d’un organe provisoire à « changer la Constitution » sans en référer au peuple, selon les formes prescrites, n’a aucune validité juridique. Elle engage au contraire une dérive inconstitutionnelle, voire une usurpation de souveraineté, sanctionnable politiquement et moralement.

Références doctrinales et comparées :

  • Kelsen, Hans. Théorie pure du droit, Dalloz, 1962.
  • Schmitt, Carl. Théorie de la Constitution, 1928.
  • Conseil Constitutionnel (France), décision n°2003-469 DC du 26 mars 2003.
  • Cour Suprême du Canada, Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217.
  • Constitution de la République d’Haïti, 1987, articles 282–284.

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