Depuis deux ans, l’essor fulgurant de l’intelligence artificielle (IA) générative bouleverse les fondements de la démocratie. Gratuitement accessible et simple à utiliser, cette technologie permet aujourd’hui de créer en quelques secondes des images ou des vidéos truquées d’une redoutable efficacité — souvent indétectables au premier regard. Résultat : des candidats sont diffamés, des électeurs manipulés, et des résultats électoraux remis en cause.
Les experts sont unanimes : l’IA est devenue un outil puissant de désinformation électorale. Selon l’IPIE, un regroupement scientifique indépendant, elle a été utilisée dans 80 % des scrutins tenus en 2024, parfois de manière légitime, mais bien souvent à des fins malveillantes. En Roumanie, une opération d’influence russe aurait favorisé un candidat nationaliste grâce à de fausses vidéos, forçant l’annulation du scrutin. En Pologne, des vidéos d’IA prétendaient que des Ukrainiens préparaient des attaques le jour de l’élection.
Plus troublant encore, l’IA ne cherche plus seulement à tromper ponctuellement : elle sape la confiance dans les institutions, alimentant le doute, la division et le cynisme. Des clips viraux ont fait dire à Kamala Harris des propos fictifs après l’attentat contre Donald Trump. En Argentine, un hypertrucage montrait Mauricio Macri soutenant un candidat rival.
Face à cette menace, les réseaux sociaux et les gouvernements tardent à réagir. Si quelques initiatives ont été prises, notamment par OpenAI pour neutraliser des campagnes étrangères, la prolifération massive et rapide des contenus générés par IA dépasse largement les capacités actuelles de régulation.
En brouillant les repères et en noyant la vérité dans un océan de simulacres, l’IA pourrait à terme détruire le socle de tout régime démocratique : la confiance citoyenne. Et selon plusieurs chercheurs, le plus inquiétant est que ce processus est déjà bien entamé.