Auteur : Ralf Dieudonné JN MARY
Auteur, conférencier, mentor et enseignant haïtien. Ingénieur civil diplômé de la Faculté des Sciences de l’Université d’État D’Haïti.
Téléphone : (+509) 34520855
Ce ne sont pas les relations dont Haïti a besoin, mais de bonnes coopérations forgées par une maîtrise lucide de la géopolitique.
Je suis Haïtien. Je suis né ici, je vis ici, et comme beaucoup, j’aime ce pays avec une force mêlée d’espoir et d’épuisement. Haïti est un territoire à part, une terre marquée par la bravoure de ses ancêtres et par le poids de ses cicatrices. On nous dit souvent que ce pays est pauvre, qu’il n’a rien à offrir au monde. Pourtant, les grandes puissances ne cessent de s’y intéresser, d’y envoyer des délégations, d’y ériger des ambassades qui ressemblent parfois à des forteresses. Pourquoi tant d’efforts pour un pays qu’on prétend insignifiant ? Voilà la première question que la géopolitique nous aide à poser.
Ce ne sont pas les relations diplomatiques qui nous font défaut. Nous en avons à foison. Haïti parle avec tout le monde. Les ambassades sont là, les discours, les promesses, les poignées de main. Mais cela ne change rien. Parce que ce ne sont pas les relations qui développent un pays. Ce sont les bonnes coopérations.
Il est temps qu’on cesse de croire que c’est en allant à la recherche de nouveaux partenaires sur d’autres continents qu’on sortira Haïti de la misère. La vraie question n’est pas : avec qui peut-on parler ? Elle est : avec qui peut-on coopérer intelligemment, stratégiquement, durablement ?
L’histoire et la géographie nous ont donné les outils pour comprendre d’où nous venons et où nous sommes. Mais pour aller quelque part, il faut un outil de plus : la géopolitique. L’histoire nous rappelle que nous avons arraché notre liberté au prix du sang et de la dette. Elle nous rappelle le rêve inachevé de Dessalines, brisé dans le sang. Elle nous rappelle 1937, le massacre du persil. La géographie, elle, nous montre nos frontières, nos vulnérabilités, les convoitises de ceux qui nous entourent. Mais la géopolitique nous aide à penser nos relations dans l’intérêt stratégique du pays. Elle nous apprend à lire les intérêts des autres pour mieux défendre les nôtres.
Quand une grande puissance installe une immense ambassade chez nous, ce n’est pas pour faire du tourisme. C’est un acte géopolitique. Cela signifie qu’Haïti est un terrain d’intérêt, un maillon dans un jeu plus vaste. Et si nous ne maîtrisons pas ce jeu, nous en resterons les pions.
Ce n’est pas trahir son histoire que de vouloir dialoguer avec les puissants. Ce n’est pas renier ses racines que de chercher à renégocier intelligemment. Un président haïtien ne devrait pas, sans réflexion préalable, chercher de l’aide en Asie, en Europe ou en Afrique sans d’abord analyser les rapports de force qui structurent sa propre région, ni évaluer les intérêts géopolitiques des puissances déjà présentes autour de lui. Il doit se demander : quels sont les rapports entre ces pays et les puissants qui dominent déjà ma région ? Va-t-on m’autoriser à bâtir ces nouvelles alliances, ou vais-je en payer le prix ? Voilà ce que la géopolitique enseigne : à ne pas agir seul contre tous, mais à construire des ententes gagnantes dans le respect de notre souveraineté.
Car la géopolitique n’est pas une abstraction : elle est la boussole des nations qui veulent survivre et prospérer dans un monde complexe.
Ce n’est pas un crime de vouloir le bien-être de son peuple. C’est même la mission sacrée de tout chef d’État. Mais pour y parvenir, il faut arrêter de rêver en silence et commencer à négocier avec intelligence. La force, aujourd’hui, ne réside plus dans les armes ni même dans les discours, mais dans la capacité à anticiper, à comprendre les rapports de pouvoir et à s’y insérer sans s’y perdre.
Haïti peut sortir de son trou. Elle le mérite. Mais pour cela, il faudra plus qu’un Président ému par l’histoire ou inspiré par les cartes : il faudra un Président stratège, lucide, courageux. Un Président qui maîtrise la géopolitique, non pour impressionner, mais pour agir efficacement. Un Président qui comprend que derrière chaque ambassade, chaque aide, chaque veto, se cache une carte, un jeu, une logique.
Et cette logique, il est temps que ce soit nous, peuple haïtien, qui la comprenions, l’assumions et l’écrivions, ensemble.
Ralf Dieudonné JN MARY
Haïtien engagé, passionné par les questions de développement et de souveraineté, je suis convaincu que la compréhension des dynamiques géopolitiques est essentielle à l’avenir d’Haïti. Ce texte s’inscrit dans une série de réflexions citoyennes appelant à une gouvernance plus lucide et stratège.

