Les Haïtiens sont-ils réellement à ce point désespérés pour accepter un Laurent Saint-Cyr comme représentant ?
L’annonce tardive du déplacement du Conseiller-Président Laurent Saint-Cyr à Londres, diffusée deux jours après son départ, fait apparaitre un malaise plus profond au sein de l’appareil de gouvernance haïtien : celui d’un pouvoir qui s’active à l’extérieur pendant que le pays s’enfonce à l’intérieur. Si les déplacements officiels répondent à une logique de plaidoyer international — notamment en matière de sécurité —, leur prolifération tranche avec deux années de paralysie politique sous l’ancienne administration d’Ariel Henry, restée cloîtrée dans la capitale et totalement absente des dynamiques nationales.
Or, cette hyperactivité nouvelle ne suffit pas à masquer l’absence de résultats tangibles. Malgré les conférences, les promesses de soutien, et les appels à la solidarité multilatérale, la situation sécuritaire et sociale se détériore. Le contraste est d’autant plus choquant lorsqu’en pleine tournée diplomatique, le gouvernement reste silencieux face à une tragédie nationale : l’explosion d’un camion-citerne ayant coûté la vie à trois enfants haïtiens. Aucun communiqué, aucune prise de parole, aucun geste symbolique. Le deuil du peuple est solitaire.
Ce déséquilibre révèle une posture de gouvernance préoccupante : les élites politiques sont désormais plus engagées dans la production de discours pour l’extérieur que dans l’action concrète pour l’intérieur. L’enjeu n’est pas de remettre en cause la nécessité d’un dialogue international – il est stratégique. Mais encore faudrait-il qu’il s’accompagne d’une présence politique réelle sur le territoire, d’une parole de compassion dans les moments de détresse, et surtout, d’un cap de reconstruction institutionnelle cohérent.
La multiplication des voyages ne saurait pallier l’absence de politique publique. Elle risque, au contraire, de renforcer le sentiment d’abandon et de cynisme d’une population pour qui chaque départ officiel sonne comme un éloignement supplémentaire du réel. La transition, pour avoir un sens, doit d’abord commencer ici.