Par Reynoldson MOMPOINT
Gonaives le 23 juin 2025
Ils les ont nommés à la fanfare, ils les ont présentés comme des « technocrates », des « figures neutres », des « symboles de compétence »… et maintenant ils les étranglent à coup de mesquineries, de contradictions et de calculs mesquins. Bienvenue en Haïti, pays où les chefs d’orchestre cassent les instruments au milieu du concert.
Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), organe à sept têtes, est aujourd’hui victime de son propre délire de contrôle. Car ce qu’ils ne vous diront pas à la télévision, c’est que le gouvernement qu’ils ont mis en place est devenu un terrain de guerre froide entre les membres du CPT et les ministres qu’ils ont eux-mêmes choisis. Oui, les parrains se retournent contre leurs filleuls, comme si l’autonomie ministérielle était une trahison d’État.
D’un côté, les membres du CPT se battent publiquement pour l’image d’un gouvernement stable, collégial, responsable. De l’autre, ils s’écharpent dans l’ombre pour savoir quel ministre doit passer par qui pour prendre une décision, signer un contrat ou faire une nomination.
Certains conseillers s’arrogent des prérogatives dignes d’un Premier ministre. D’autres prétendent superviser les portefeuilles ministériels comme s’ils étaient les PDG d’un holding familial. Résultat : les ministres se retrouvent paralysés entre la peur de déplaire à leur parrain politique et la nécessité de faire leur travail. Le ridicule ne tue pas en Haïti, sinon le CPT serait déjà un mausolée.
Prenons un cas simple : un ministre tente de lancer un projet, initié depuis belle lurette par son prédécesseur. Il croit bien faire. Le lendemain, un conseiller présidentiel l’appelle pour lui dire que « ce n’est pas encore l’heure », qu’il faut « valider au niveau du conseil »… Traduction : tu n’as pas le droit de bouger sans notre feu vert.
Mais pourquoi alors les avoir nommés ? Pourquoi avoir mis en place des ministres si c’est pour leur dicter chaque geste, chaque parole, chaque respiration ? Haïti mérite-t-elle une transition basée sur la méfiance, la duplicité et la petitesse d’esprit ? L’impression qui se dégage est glaçante : les ministres ne sont pas là pour diriger, mais pour exécuter la volonté cachée de ceux qui veulent tout diriger sans assumer publiquement.
Alors que l’insécurité ravage les quartiers, que l’économie s’effondre comme un château de cartes et que la population mendie des miettes de gouvernance, les querelles de pouvoir entre le CPT et ses ministres deviennent un luxe aussi criminel qu’indécent. Au lieu de s’entendre pour sauver ce qui peut l’être encore, les membres du CPT cultivent une suspicion maladive : chaque ministre est perçu comme une menace potentielle, un concurrent masqué pour 2026, un pion qu’il faut contenir.
Pendant ce temps, les décisions urgentes restent suspendues dans l’air vicié des couloirs de l’administration. Aucun cap. Aucun projet d’envergure. Juste des jeux d’influence, des rendez-vous manqués et des rendez-vous annulés.
Ce désaccord n’est pas anodin. Il est le symptôme d’un mal plus profond : la transition haïtienne a été capturée par des hommes qui confondent « collégialité » et « compétition interne ». Le CPT ne gouverne pas, il régente. Il ne pilote pas, il freine. Il ne construit pas, il surveille.
Ministres, si vous n’êtes pas libres d’agir, alors ayez la dignité de partir. Conseillers, si vous voulez gouverner, alors assumez-le devant le peuple. Mais ce théâtre de marionnettes où les marionnettistes coupent les ficelles pour faire tomber leurs propres pantins, ça suffit.
Post-scriptum pour le peuple :
Ne vous laissez pas tromper par les communiqués mielleux, les conférences de presse bien huilées et les photos de groupe. Le pouvoir en Haïti ne se joue pas au grand jour, il se trame dans l’ombre, entre les couloirs du Conseil et les ambitions cachées de ceux qui veulent tout diriger… sans jamais se salir les mains.
Reynoldson MOMPOINT