18 novembre 2025
Le CEP-Voltaire/Fils Aimé rejoindra-t-il le cimetière déjà bien rempli des CEP éphémères, sans référendum ni élection ?
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Le CEP-Voltaire/Fils Aimé rejoindra-t-il le cimetière déjà bien rempli des CEP éphémères, sans référendum ni élection ?

L’Edito du Rezo

Le provisoire est devenu la norme, l’exception la règle, et l’échec une habitude institutionnelle.

Dans la longue liste des Conseils Electoraux provisoires (CEP) – ti zanmi pouvwa a – que le pays a produits depuis la chute de la dictature, rares sont ceux qui ont pu remplir leur mission. Plus rares encore sont ceux qui l’ont accomplie dans le respect des principes constitutionnels et démocratiques.

Le CEP nommé ou formé manu militari par Leslie Voltaire en 2024 sous l’égide du gouvernement de transition illégitime, s’inscrit dans la même logique d’impuissance institutionnelle que celui monté en 2020 par le président Jovenel Moïse, sous la direction du Premier ministre de facto Claude Joseph et de Mathias Pierre. Ce dernier, on s’en souvient, n’avait ni organisé d’élections, ni réussi à imposer son référendum constitutionnel — un projet pourtant martelé jusqu’à la fin comme la clef d’une prétendue refondation de l’État haïtien. Le même discours revient encore aujourd’hui.

Le contexte actuel est encore plus défavorable. A cinq mois de la fin de l’année 2025, aucune date électorale crédible n’a été annoncée, aucun registre électoral fiable mis à jour, aucune logistique en place. Ce mercredi même, les violences armées ont paralysé des zones pourtant situées hors des traditionnels foyers d’insécurité : à Mirebalais comme à Kenscoff, des actes de banditisme ont contraint à la suspension des examens officiels, des bandits entrent en possession d’un blindé de la police. Dans ces conditions, évoquer l’éventualité d’un scrutin avant décembre relève d’un optimisme déconnecté, voire d’un cynisme politique. Quant au référendum que certains membres du CEP évoquent encore à demi-mot, il ne suscite qu’indifférence ou rejet. Ce projet de réforme constitutionnelle, né dans l’illégalité, dépourvu de toute légitimité démocratique, n’est rien d’autre qu’un avant-projet mort-né.

La répétition de ce cycle — création d’un CEP, élaboration d’un projet politique, incapacité à organiser le vote, puis disparition sans bilan — révèle bien plus qu’un simple problème de gouvernance. Elle témoigne d’un déni collectif de la règle démocratique, d’un refus structurel d’installer un Conseil électoral permanent comme le prévoit pourtant la Constitution de 1987. Au lieu de cela, le provisoire est devenu la norme, l’exception la règle, et l’échec une habitude institutionnelle. Si la communauté internationale multiplie les initiatives et les résolutions, elle ne peut suppléer à ce déficit de volonté nationale. L’urgence est donc ailleurs : elle est dans la conscience civique des Haïtiens eux-mêmes.

Le respect ne se quémande pas à l’extérieur ; il se construit de l’intérieur. Pour sortir de cette spirale de CEP fantômes et de projets institutionnels sans ancrage, il faut que les Haïtiens apprennent enfin à se respecter collectivement. Se respecter, c’est refuser les procédures inconstitutionnelles. C’est admettre que nul pouvoir, aussi « transitoire » soit-il, ne peut prétendre à la souveraineté populaire sans le peuple. C’est reconnaître qu’aucune élection ne peut être crédible sans sécurité, sans transparence et sans légitimité. L’histoire a suffisamment montré que la répétition des erreurs passées ne produit ni stabilité, ni autorité, ni paix sociale. Il est temps de rompre avec ce cycle. Sans cela, le CEP-Voltaire rejoindra le cimetière déjà bien rempli des conseils électoraux haïtiens éphémères, sans urnes ni lendemain.

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