Par Reynoldson MOMPOINT
Port-au-Prince, 18 juin 2025
Voilà que les professionnels de l’aveuglement sélectif viennent encore réciter leur catéchisme : la CARICOM et l’OEA souhaitent une « transition plus crédible » en Haïti. À entendre ces institutions, on croirait que leur réveil est soudain, lucide, providentiel. Mais en réalité, c’est juste une autre étape dans la longue continuité du débâcle international orchestrée depuis Washington, Kingston et consorts.
Parce qu’il faut le dire sans fard, la crise haïtienne est devenue un produit régional, un feuilleton diplomatique sans fin où les acteurs principaux ne sont ni les Haïtiens, ni les victimes, ni les pauvres, mais bien les technocrates étrangers en quête de légitimité, les ambassadeurs en mission d’autopromotion, et les politiciens locaux qui vendent leur silence au plus offrant.
Depuis 1986, chaque crise haïtienne a été suivie d’un ballet diplomatique, d’une table de dialogue, d’un accord flou, d’une mission d’observation, et d’un financement douteux. Résultat ? Un État cadavérique, une société en lambeaux, un peuple transformé en figurant dans sa propre tragédie.
Aujourd’hui encore, la CARICOM et l’OEA veulent nous refaire le coup. Ils veulent une transition plus crédible, disent-ils.
Mais avec qui ? Avec les mêmes fossoyeurs ? Avec les mêmes figures recyclées de la débâcle nationale ? Crédibilité ? Où ça ? Dans quel recoin de cette mascarade peut-on encore trouver une once de crédibilité ?
2004 : L’OEA et la CARICOM avalisent, sous pression, le renversement de Jean-Bertrand Aristide. Premier acte de leur neutralité douteuse.
2006 : Soutien tiède à l’élection de René Préval, mais aucune pression réelle pour réformer les institutions corrompues.
2010 : Après le tremblement de terre, les deux institutions appuient les élections contestées organisées sous occupation internationale. Résultat : l’ascension de Michel Martelly, parrain du chaos à venir.
2015-2016 : L’OEA envoie une « mission d’évaluation » pour légitimer des élections truquées. Résultat : Jovenel Moïse, sans base solide, prend le pouvoir dans l’indifférence des peuples mais avec le sourire des diplomates.
2019-2021 : Face à la montée des gangs, l’assassinat du président Moïse, et l’effondrement de l’État, ni la CARICOM ni l’OEA ne proposent de rupture. Au contraire, elles appuient le statu quo.
2023-2025 : Dialogue après dialogue, sommet après sommet, elles soutiennent une transition sans élections, sans légitimité populaire, tout en prônant la « stabilité régionale ».
Quelques témoignages des membres de la société haïtien.
« Yo di y’ap chèche kredibilite, men se yo ki te mete nou nan sa nou ye la a. »
Yvrose, marchande de mangues à Croix-des-Bouquets, mère de 5 enfants.
(Ils disent chercher la crédibilité, mais ce sont eux qui nous ont mis dans cette situation).
Transition ankò ? Chak fwa nou tande mo sa a, se plis lanmò, plis grangou, plis gaspi. »
René, ancien professeur devenu motard à Delmas
(Encore une transition ? Chaque fois qu’on entend ce mot, c’est plus de mort, plus de faim, plus de gaspillage).
Mwen pa bezwen OEA. Mwen bezwen sekirite pou pitit mwen ka ale lekòl. »
Jenny, couturière à Carrefour-Feuilles
(Je n’ai pas besoin de l’OEA. J’ai besoin de sécurité pour que mes enfants puissent aller à l’école).
Si CARICOM te serye, yo pa t’ap ap pale ak menm kriminèl politik yo tout tan.
Frantz, jeune militant communautaire au Cap-Haïtien
(Si la CARICOM était sérieuse, elle ne parlerait pas tout le temps avec les mêmes criminels politiques.)
La vraie transition ne viendra pas de ceux qui ont cautionné le pourrissement. Elle viendra d’un peuple qui refuse désormais d’être représenté par des pantins, encadré par des diplomates cyniques, et sacrifié sur l’autel d’une stabilité internationale qui rime avec esclavage moderne.
La CARICOM et l’OEA peuvent continuer à signer des résolutions. Nous, peuple haïtien, signons notre dignité avec le sang, la rage et la mémoire.
La transition ne sera crédible que si elle est nationale, populaire, et sans compromis avec les bourreaux. Sinon, ce sera juste un autre chapitre du débâcle international.
Reynoldson MOMPOINT

