L’Édito du Rezo
Ce n’est pas à force de répéter un mensonge que celui-ci devient une vérité
La publicité, par essence, est un acte subjectif. Elle cherche moins à informer qu’à convaincre, parfois au mépris de la pure vérité. Dans le champ commercial, cette subjectivité peut se justifier par la compétition des marques. Mais lorsqu’elle émane d’un Etat voyou corrompu, mobilisant des millions de fonds publics pour promouvoir un projet politique illégal, elle devient non seulement inappropriée mais dangereuse.
En Haïti, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) ex-nihilo, a engagé des sommes colossales pour médiatiser un avant-projet de Constitution illégal mort-né. L’opération prend les traits d’une vaste entreprise de communication : spots dans les médias traditionnels, visuels numériques, interviews calibrées. Objectif : convaincre l’opinion publique d’adhérer à un texte dont la légalité est pourtant nulle et sans avenue.
Car l’évidence est là, limpide : le référendum constitutionnel est interdit par la Constitution haïtienne elle-même, selon l’article 284-3. Le projet est donc, juridiquement parlant, un cadavre législatif : sans valeur, sans effet, sans issue. Ce que l’on présente comme une avancée démocratique est, en vérité, une violation méthodique du droit constitutionnel haïtien.
Dans ce contexte, parler de gaspillage devient un euphémisme. Il s’agit d’un détournement symbolique et matériel des ressources publiques. On dépense des millions dans la promotion d’un texte juridiquement mort-né, pendant que le pays manque de services essentiels, de médicaments, d’accès à la justice. Ce gaspillage n’est pas isolé : il s’inscrit dans une tradition de malgouvernance que Transparency International qualifie sans détour. En 2024, l’indice de perception de la corruption attribuait un score de 17/100 à Haïti — l’un des pires au monde. Cela signifie concrètement que les institutions de l’État sont gangrenées par la corruption, l’impunité, l’inefficacité.
Dans ces conditions, quelle crédibilité peut encore revendiquer un État qui finance une telle opération de désinformation ? La communication politique ne peut tenir lieu de légitimité juridique. Ce n’est pas à coups de campagnes médiatiques que l’on remplace le droit. Ce n’est pas à force de répéter un mensonge que celui-ci devient une vérité.
L’opacité, la manipulation et l’ignorance du cadre constitutionnel sont devenues les piliers d’une gouvernance hors sol. Pendant que les citoyens haïtiens se voient refuser des visas, pendant qu’ils sont humiliés aux frontières, leurs dirigeants investissent dans la mise en scène d’un projet qui viole leur souveraineté populaire. Ce projet, répétons-le, n’a aucun fondement légal, aucun support populaire, aucune utilité réelle.
Il est donc urgent de rappeler cette évidence démocratique : la loi ne se contourne pas à coups de slogans. La Constitution est la pierre angulaire du pacte républicain. La violer, c’est fragiliser davantage une société déjà minée par la défiance, la pauvreté et l’exil forcé.

