A Monsieur Huguens PREVILON
Directeur général du Conseil National des Télécommunications (CONATEL)
Je viens par la présente vous adresser cette lettre qui, à mon avis revêt une importance capitale aussi bien pour le secteur des télécommunications, le plus juteux dans les affaires de par le monde que pour les consommateurs haïtiens en général, les plus faibles en particulier.
On veut toujours faire croire que le Conseil National des Télécommunications (CONATEL) dont vous êtes aujourd’hui le Directeur général est l’organe de régulation du système de télécommunications en Haïti. En effet, le décret du 12 octobre 1977, quoique en quadrature retard par rapport aux grandes avancées technologiques, confère à l’Etat haïtien le monopole exclusif du secteur des télécommunications et au CONATEL, son levier, l’instance chargée de la réglementation et du contrôle des services de télécommunications. Etes-vous sûr que le CONATEL joue aujourd’hui pleinement ce rôle, M. le Directeur général?
La libéralisation du secteur des Télécommunications en Haïti intervenue en 1999 est une initiative très louable. Elle était censée permettre à l’arrivée de nouveaux opérateurs et du coup favoriser une concurrence loyale dans l’intérêt des consommateurs. Cependant, tel n’a pas été le cas dans l’effectivité. Quant à la pluralité d’opérateurs, on était libre d’en parler, car à la fin des années 1990, soit en 1999, le pays a pu assister d’abord à l’arrivée de Haïtel – appels entrants et sortants facturés – en mars, puis Comcel en fin d’année rebaptisée peu de temps après Voilà, forçant ainsi le premier opérateur mobile à cesser cette pratique malhonnête voire inédite dans toute l’histoire des services de télécommunications en Haïti. Avec la Télécommunication d’Haïti S.A. communément appelée Téléco, la compagnie historique d’Haïti, utilisant la téléphonie filaire, le nombre d’opérateurs était désormais passé à 3. Si Haïtel utilisaient la technologie CDMA qui est une technique d’étalement de spectre, Comcel pour sa part s’était lancée dans le TDMA qui consiste à transmettre plusieurs flux de traffic sur un seul canal ou une seule bande de fréquence pour migrer plus tard vers le GSM ( Global System For Mobil Communication traduit en français par Système Global pour les Communications Mobiles) en vue d’offrir une bien meilleure couverture, la compatibilité internationale et des services plus modernes.
L’événement à la fois le plus marquant et le plus dévastateur dans ce secteur est l’arrivée spectaculaire de Digicel avec un rare fracas et une voracité sans pareil au milieu de l’année 2006. Je tiens ce discours en raison des pratiques déloyales adoptées par cet opérateur, lesquelles consistent à reprendre des consommateurs des cartes SIM de Voilà pour être broyées en échange d’une carte SIM gratuite de la Digicel. Cette sauvagerie doublée de grossièreté incroyable s’est déroulée au vu et au su de tout le monde, sauf le CONATEL. Comment expliquer de telle ignorance de la part du régulateur, M. le Directeur?
Mais, il y en a plus M. le Directeur! Une seule explication est plausible aujourd’hui. C’est que son arrivée fracassante peut être comparée à celle d’un éléphant dans une pièce de porcelaine. J’attends, bien sûr, qu’on me dise le contraire. Il s’en est suivi que les avis et recommandations de l’instance régulatrice n’ont jamais été pris en compte par elle, des tarifs à la hausse perpétuelle sans se soucier de quoique ce soit, un plan mensuel de la Natcom cinq fois moins cher que celui de la Digicel pour des services équivalents – minutes et données incluses -, l’installation de ses stations de base du réseau mobile (BTS), en veux-tu, en voilà – capables de donner du cancer de la peau et du sang à la population, tenant compte du non-respect probable des 41 V/m recommandés par la Commission Internationale de Protection contre les Rayonnements non Ionisants de l’anglais International Commission on Non Ionizing Radiation Protection (ICNIRP) -, un service, on ne peut plus médiocre sur l’ensemble du territoire national qui dérange et révolte à longueur de journée, l’arrogance démesurée de ses dirigeants locaux face aux consommateurs qui ne défendent que leurs droits, le refus d’accepter la » Portabilité du Numéro de Téléphone » en tant qu’un droit des consommateurs qui passent d’un opérateur à un autre; telles sont les caractéristiques de l’opérateur qui avait promis monts et merveilles au peuple naïf d’Haïti en 2006. Dans la mêlée, l’absorption de Voilà a eu lieu par la société Digicel et la non-opérationnalisation mystérieuse du premier opérateur mobile historique d’Haïti, Haïtel. Tout ceci aide à comprendre à quel point la société Digicel est gloutonne, vorace et ne tolère pas de concurrent. Avec Digicel, c’est comme un état dans un état. Quelle stupidité! En tout cas, vive la corruption à grande échelle! Qu’en pensez-vous, M. le Directeur général?
Face à cette calamité provoquée par cet opérateur à la fois vorace et coquin, imposée aussi bien aux consommateurs haïtiens qu’au régulateur, s’il en existe un aujourd’hui non complice et non prêt à recevoir des pots-de-vin, les consommateurs haïtiens rejettent sans appel la eSIM comme alternative selon certaine autorité défunte de régulation et imposent deux devoirs de l’heure au CONATEL à rédiger, s’il est bon élève:
-La Portabilité du Numéro de Téléphone, une nécessité de l’heure;
-Le fait de rendre le marché haïtien de télécommunications de plus en plus compétitif en accueillant de nouveaux opérateurs capables de jouer cartes sur table. Ces devoirs copieusement rédigés par un bon élève, respectueux de soi et des autres donneront aux consommateurs la possibilité de choisir cette fois librement.
Rassuré qu’il vous plaira de sauver l’honneur et la neutralité du Conseil National des Télécommunications, recevez, M. le Directeur général, mes patriotiques salutations.
Professeur Arold SAMSON
Coordonnateur général de l’Observatoire Haïtien des Produits de Communication (OHPROC)
Lathan, Croix-des-Bouquets, juin 2025

