L’Amérique entre en convulsion, Los Angeles flambe, et dans le tumulte incandescent des sirènes, des pancartes brandies et des blindés qui sillonnent les avenues de la Cité des Anges, deux figures se détachent – opposées, irréconciliables. Gavin Newsom et Donald Trump. Le progressiste californien et le président populiste. Le choc est frontal, total, symbolique. Et depuis cette semaine, il ne fait plus aucun doute : Newsom est devenu l’ennemi numéro un de Trump. Voici pourquoi.
Un déploiement militaire qui électrise le conflit
La scène s’est déroulée dans la plus grande confusion. Le 7 juin 2025, en réponse aux manifestations croissantes contre les raids de l’agence fédérale de l’immigration (ICE) à Los Angeles, Donald Trump signe un ordre exécutif autorisant le déploiement immédiat de 700 Marines et de 2 000 soldats de la Garde nationale sous statut fédéral. Une mesure prise sans consultation ni aval du gouverneur de Californie, Gavin Newsom. Du jamais vu depuis les émeutes de Watts en 1965.
Ce que Trump présente comme une « opération de restauration de l’ordre » est perçu à Sacramento comme un acte de guerre politique. Dans une allocution solennelle diffusée à l’échelle nationale, Gavin Newsom dénonce une « usurpation de pouvoir », une « militarisation inconstitutionnelle de l’espace public » et, surtout, « une attaque coordonnée contre l’esprit même de la démocratie américaine ».
« Ce n’est plus seulement la Californie que Trump veut soumettre. Ce sont nos libertés collectives qu’il veut écraser sous ses bottes », lâche Newsom dans un discours enflammé, debout devant les drapeaux de l’État et de la République.
Manifestations massives, tensions extrêmes
Depuis le début du mois de juin, les protestations n’ont cessé de croître dans les quartiers populaires de Los Angeles. À Boyle Heights, Compton, Inglewood, mais aussi à Santa Monica et Westlake, des dizaines de milliers de personnes descendent chaque soir dans la rue. À l’origine, il s’agissait de dénoncer les rafles de migrants sans papiers menées par l’ICE. Mais très vite, le mouvement a muté.
Les slogans « Let them live », « No Trump troops », « This is our city », ont remplacé les revendications spécifiques à l’immigration. C’est contre une vision autoritaire et militarisée du pouvoir que s’élèvent désormais les foules californiennes. Dans plusieurs quartiers, des couvre-feux ont été instaurés. Des gaz lacrymogènes ont embrumé les ruelles. On compte plus de 400 arrestations depuis le 8 juin.
Le théâtre d’un duel national
Depuis Washington, Donald Trump multiplie les invectives. Il accuse Newsom de « lâcheté face à l’anarchie », de « trahison constitutionnelle » et évoque même, dans un post sur Truth Social, la possibilité de « poursuites judiciaires » contre le gouverneur californien. Le président y compare Newsom à un « gouverneur confédéré », coupable d’entrave à l’autorité fédérale.
Newsom, de son côté, redouble d’adresse médiatique. D’un ton à la fois incisif et ironique, il cite Taylor Swift et Mark Twain pour railler Trump : « Il croit gouverner par la peur. Mais notre peuple a la mémoire longue. » Son image, déjà auréolée d’une popularité grandissante dans les États bleus, s’étoffe d’une posture de résistance morale, d’intégrité face à la dérive autoritaire.
La bataille se joue aussi devant les tribunaux : l’État de Californie a officiellement déposé une plainte fédérale contre le gouvernement, arguant que le déploiement des troupes viole le principe de subsidiarité et les droits constitutionnels des gouverneurs.
Une répétition générale pour 2028 ?
Derrière ce duel institutionnel et humain, se dessine en filigrane une lutte plus large : celle de 2028. Si Trump, malgré les controverses, est le seul maitre à bord du navire républicain, Newsom, lui, incarne de plus en plus, face à un ex-président Biden trop vieux et une ex-vice présidente Harris peu convaincante, une figure de relève crédible pour les démocrates.
Dans ce théâtre des confrontations, Los Angeles devient une scène nationale. L’affrontement entre Trump et Newsom dépasse les murs de la Cité des Anges : il incarne le duel des deux Amériques. Celle de la peur, du repli, de la répression. Et celle de la diversité, du droit et de la protestation civique.
« Ce qui se joue ici n’est pas une crise californienne. C’est un choix de civilisation », déclarait un manifestant à Echo Park.
Un adversaire à la hauteur
En érigeant Gavin Newsom en adversaire principal, Donald Trump prend un risque. Car face à son populisme martial, le gouverneur de Californie oppose une rhétorique institutionnelle, fédéraliste et progressiste d’une redoutable efficacité. Il parle aux villes, aux jeunes, aux militants, aux classes moyennes éduquées. Là où Trump galvanise par la peur, Newsom construit une contre-narration mobilisatrice.
La guerre des mots, des lois et des symboles ne fait que commencer. Mais une chose est sûre : Gavin Newsom ne sera pas un figurant dans l’Amérique de demain. Trump l’a désigné comme son ennemi. Il en a peut-être fait un rival incontournable pour le clan MAGA.
Vitaldi Rosier
À suivre.

