En l’absence d’une loi d’habilitation, le projet de 2025 est frappé d’inconstitutionnalité ab initio
En mars 1987, à l’issue d’une vaste mobilisation populaire contre la dictature des Duvalier, une Assemblée nationale constituante élue, composée de juristes, médecins, intellectuels, enseignants et représentants de divers secteurs de la société haïtienne, a donné naissance à une Constitution considérée comme l’une des plus progressistes du pays.
Cette assemblée, présidée par Me Emile Jonassaint, comptait 61 membres aux profils variés, souvent issus de mouvements citoyens, et portait une légitimité démocratique fondée sur une volonté de rupture avec l’autoritarisme. Le texte de 1987 affirmait la souveraineté populaire, le droit à la participation et à la reddition de comptes, et fut adopté par voie référendaire.
En contraste, l’avant-projet constitutionnel PHTK-CPT présenté le 21 mai 2025 par procuration par le Comité de Pilotage de la Conférence Nationale paraît issu d’un processus plus restreint, dépourvu d’assise élective ou de véritable consultation populaire nationale. Les onze membres signataires – dont Enex J. Jean-Charles, Edelyn Dorismond, Gédéon Charles et autres – agissent en qualité de technocrates désignés, sans que leurs parcours, affiliations ou mandats n’aient été clairement débattus dans l’espace public.
Le comité se distingue donc moins par une représentativité politique ou sociale que par une logique de pilotage administratif centralisé, accentuant les soupçons d’ingérence, voire de mercenariat intellectuel au service d’intérêts opaques. D’un point de vue procédural, ce comité ne tire sa légitimité ni d’un mandat électoral, ni d’un cadre constitutionnel préexistant. Composé de seulement onze personnes, il agit comme un organe ad hoc, sans encadrement juridique clair, sans publication d’un décret d’investiture ni mécanisme de reddition de comptes. En droit comparé, une telle approche serait considérée comme une forme de révision extraconstitutionnelle ou para-constitutionnelle, potentiellement sujette à contentieux en cas d’opposition institutionnelle ou populaire.
Alors que la Constitution de 1987 fut proclamée dans un contexte d’effervescence démocratique, celle de 2025 apparaît comme une initiative descendante, dans un climat d’insécurité institutionnelle, dominé par la méfiance envers les élites, la fragilité de l’État, et l’absence de Parlement fonctionnel. L’écart symbolique entre le Palais législatif de 1987 et les locaux opaques du comité de 2025 illustre le recul de la souveraineté populaire. En l’absence d’une loi d’habilitation, le projet de 2025 est frappé d’inconstitutionnalité ab initio. À cet égard, tout référendum organisé sur cette base serait vicié dans son principe, en vertu de la jurisprudence classique sur les vices de procédure constituante (cf. Decision C-551/03, Cour constitutionnelle de Colombie).


