.ht : Deux lettres, zéro buzz. .ht, un nom trop lourd pour une nation … si légère en bande passante ? .ht, c’est notre nom de domaine national. Mais qui l’utilise ? Qui le connaît ? Qui le veut ? Entre prix exorbitant, promotion absente et inertie numérique, le .ht est un trésor enterré sous nos propres pieds. Et si on arrêtait de marcher à côté ?
Il est court. Il est clair. Il est à nous. Et pourtant, il est presque vide.
Le .ht, notre domaine national, pourrait être un cri d’identité numérique. Il n’est aujourd’hui qu’un murmure étouffé.
Pourquoi ? Parce qu’il coûte cher. Parce qu’on ne le comprend pas. Parce qu’on ne nous le vend pas. Parce qu’il est là… mais sans présence.
Le .ht est un outil. Mais qui l’a entre les mains ?
Sa gestion revient au NIC Haïti, sous la tutelle de l’Université d’État. En soi, cela garantit une forme de souveraineté. Mais cela ne suffit pas. Car sur le terrain, le .ht n’est ni promu, ni valorisé.
Il est absent des campagnes publiques, ignoré dans les formations, marginal dans les pratiques numériques locales. Il n’est pas intégré aux usages, ni dans l’administration, ni chez les entrepreneurs, ni dans l’espace médiatique. Face à des extensions internationales comme le .com ou le .io, il n’est pas compétitif — ni en prix, ni en accessibilité, ni en notoriété.
Résultat : le .ht reste un symbole isolé, un outil exposé mais jamais utilisé. Un nom de domaine qui devrait être un levier d’identité numérique, mais qui n’est qu’un objet en vitrine. Pas un outil dans la poche.
Premier frein : le prix. Lourd comme un impôt.
Entre 50 et 80 dollars par an, selon le registrar. À comparer aux 10 à 15 dollars d’un domaine classique en .com.
Pour un pays où le salaire minimum mensuel plafonne sous les 100 USD, c’est un luxe numérique réservé à quelques-uns. Même pour les entrepreneurs, même pour les ONG, c’est souvent un choix économique rationnel : pourquoi payer plus pour moins ?
Deuxième frein : l’ignorance.
Beaucoup d’Haïtiens ne savent même pas que le .ht existe. Ni ce que cela signifie.
L’État n’en parle pas. Les écoles ne l’enseignent pas. Les plateformes ne l’affichent pas.
Dans un monde où l’on peut acheter un domaine depuis son téléphone, en deux clics, le .ht reste coincé dans un univers de paperasse, de lenteur, de jargon.
Il n’y a aucune pédagogie publique, aucun storytelling, aucun appel à l’imaginaire collectif. C’est un domaine sans voix.
Troisième frein : l’absence d’infrastructure moderne
Le .ht souffre d’un grave déficit en outils et services adaptés. Aucun tableau de bord intuitif pour gérer son domaine, aucun outil de configuration rapide, pas de support multilingue, pas de marketplace où acheter ou revendre des noms en .ht, et un service client quasi inexistant.
Dans un monde numérique qui valorise la simplicité et l’instantanéité, le .ht semble figé, comme s’il avait été lancé… puis abandonné. L’expérience utilisateur est dépassée, opaque, lente. Résultat : même ceux qui voudraient l’utiliser se découragent face aux complications.
Quatrième frein : l’effet miroir.
Regardez les sites des grandes entreprises locales. Combien utilisent le .ht ? Très peu.
Pourquoi la population croirait-elle à un domaine que ses propres élites ne jugent pas utile d’adopter ?
Et pourtant, le potentiel est immense.
Les faiblesses actuelles ne sont pas des fatalités, mais des chantiers en attente. Chaque problème identifié — prix élevé, manque de visibilité, absence d’outils — peut devenir une opportunité si l’on s’en donne les moyens.
On pourrait réduire le coût grâce à des subventions ou des partenariats, lancer une campagne nationale de sensibilisation comme “Ton identité, ton domaine”, et mobiliser les jeunes créateurs, influenceurs et développeurs pour porter ce message. L’État, de son côté, devrait montrer l’exemple en adoptant systématiquement le .gouv.ht pour ses sites officiels.
Mais rien de cela ne se fera sans une volonté claire, une stratégie cohérente, une vision. Le vrai problème n’est pas le domaine lui-même, mais le manque de conscience de son importance. Le .ht a de la valeur. Encore faut-il décider de la faire vivre.
Ainsi, il faut une volonté. Une stratégie. Et une vision.
Ce n’est pas le domaine qui est en crise.
Alors ? On s’en fout, ou on s’en sert ?
Le .ht n’a pas besoin d’un miracle. Il a besoin d’un plan. Et de gens pour le porter.
Ce territoire est là. Mais comme tout territoire, il ne vaut que s’il est habité.
Dans le prochain article, nous verrons comment réinventer le .ht : avec de la créativité, des usages innovants et un peu d’audace. Car parfois, deux lettres suffisent pour changer une perception.
Daniel Alouidor