minute de la rédaction
Savien en feu, le nombre des déplacés se multiplie, le CPT dans l’illusion d’un pouvoir, brûlant des fonds publics dans des forums sans lendemain, conçus uniquement pour la consommation médiatique.
A Savien, dans la plaine de l’Artibonite, le chaos règne. Depuis plusieurs mois, et plus intensément encore ces dernières semaines, le gang « Gran Grif » sème la terreur, enchaînant massacres ciblés, incendies criminels et déplacements forcés. Les forces de l’ordre, affaiblies, peinent à contenir cette violence endémique ; les groupes de résistance communautaires, eux, tentent de suppléer l’absence d’un Etat que l’on dit « souverain », mais dont la présence concrète est devenue presque fictive.
La petite rivière de Petite-Rivière-de-l’Artibonite ne sert plus de frontière naturelle, mais de dernier refuge pour ceux qui fuient à la nage, dans l’espoir de survivre à l’horreur.
Au même moment, à l’hôtel Montana, dans un décor feutré et détaché des convulsions du pays réel, le Dr Louis-Gérald Gilles, membre du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), inculpé de grave corruption, s’affiche lors d’un atelier dit de renforcement des capacités du Centre Ambulancier National.
M. GiIles y plaide pour davantage d’ambulances, de formations en secourisme et de ressources humaines. Ce tableau institutionnel, soigneusement mis en scène, tranche violemment avec les scènes de panique, de mort et de désertion que connaît l’Artibonite. Surtout, il intervient alors que le nom du Dr Gilles est cité dans une enquête judiciaire portant sur un vaste scandale de corruption lié à la Banque Nationale de Crédit, portant sur un montant estimé à plus de cent millions de gourdes.
Dans un effort désespéré pour sauver la façade, le CPT s’agite, multiplie les apparitions publiques, et s’échine à projeter une image d’unité, d’action, voire de légitimité autour de figures déjà discréditées. C’est une opération de cosmétique politique où l’on tente de réhabiliter un acteur déjà rejeté par l’opinion, dans l’espoir de faire croire à une dynamique de gouvernance. « Mais la population, elle, ne s’y trompe plus : elle n’accorde aucun crédit à un pouvoir qui, depuis des mois, accumule les reniements et les promesses non tenues« , tranche le Dr. Josué Renaud minimisant les sorties médiatiques de ce « braqueur de banque« .
La non-publication dans Le Moniteur de l’accord du 3 avril 2024 — pourtant présenté comme fondement du processus de transition — fait état de cet éloignement du réel. Plus grave encore, les échéances référendaires annoncées avec emphase à plusieurs reprises, d’abord pour février 2025 par Gary Conille, puis pour le 11 mai par Leslie Voltaire, n’ont jamais été concrétisées. L’agenda politique se délite, l’autorité s’effrite, et la parole institutionnelle perd tout poids.
Ainsi se dessine un contraste cruel : d’un côté, une population prise au piège d’une violence armée sans réponse ; de l’autre, une élite politique qui s’évertue à orchestrer des simulacres de gouvernance, au mépris de l’urgence sécuritaire et du désespoir social. Cette dissonance n’est pas simplement une erreur de stratégie : elle révèle une perte de contact structurelle entre l’État et le pays qu’il prétend représenter.
