Haïti : la banalisation de l’horreur et l’impunité des gouvernants
minute de la rédaction
Ce qui se passe aujourd’hui dans le Plateau Central dépasse l’entendement. Des groupes armés, désormais totalement affranchis de toute limite morale ou humaine, se livrent à des actes de cruauté extrême : ils décapitent des civils, puis utilisent les têtes humaines comme ballons de football. Il ne s’agit pas de simples anecdotes morbides, mais bien d’une nouvelle étape dans la descente aux enfers du pays, où l’inhumain devient spectacle et où la vie n’a plus aucune valeur. Ce basculement dans une forme radicale de barbarie signe la faillite absolue de l’Etat.
Face à cela, les instances dites de transition – en particulier le Conseil Présidentiel de transition (CPT) – gardent un mutisme complice. Dans un communiqué de jeudi soir, ce même Conseil évoque des considérations diplomatiques liées au retour des migrants haïtiens de la République Dominicaine, mais ne consacre pas un mot à la situation interne, pourtant marquée par un niveau de violence inédit. Ce silence sélectif interroge : à quoi bon prétendre gouverner si l’on refuse de nommer l’horreur ? Que vaut un pouvoir qui n’a même pas le courage de regarder la réalité en face ?
Il ne s’agit pas simplement d’un déficit de communication, mais d’un choix politique : celui de détourner les yeux, de contourner le réel, de gouverner par des textes désincarnés pendant que le pays saigne. Le Premier ministre de facto, Alix Didier Fils-Aimé, incarne cette posture de déni et d’irresponsabilité. Aucun plan d’urgence, aucune enquête, aucune parole forte n’a été formulée. Les Haïtiens sont livrés à eux-mêmes, pendant que leurs supposés dirigeants s’enferment dans la rhétorique creuse des communiqués.
Combien de fois faudra-t-il encore dénoncer cette absence de gouvernance réelle, cette complicité passive avec l’impunité et l’effondrement ? Haïti ne peut continuer à être un État spectral, où les fonctions républicaines ne sont plus que simulacres. L’histoire jugera sévèrement ceux qui, en pleine déflagration nationale, auront choisi de se taire, de se cacher, ou de fuir leurs responsabilités.