12 décembre 2025
3 avril 2025 : une journée des femmes haïtiennes au milieu du chaos pour nous rappeler l’égalité de genre à l’origine de l’histoire d’Haïti
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3 avril 2025 : une journée des femmes haïtiennes au milieu du chaos pour nous rappeler l’égalité de genre à l’origine de l’histoire d’Haïti


Ce jourd’hui 3 avril 2025 ramène les trente neuvièmes anniversaires de la journée nationale des femmes hattiennes. En cette période de troubles et d’errements de la société haïtienne, parler d’une journée consacrée aux femmes haïtiennes revêt un intérêt historique, culturel et politique. Alors que notre pays se meurt, se dissout littéralement de son essence nationale et culturelle, il est plus que nécessaire de s’investir dans la quête de mémoire pour nous rappeler les faits ayant marqué notre histoire dans l’articulation des questionnements que voici :

En quoi une journée nationale des femmes postule-t-elle comme une réflexion sur nous-mêmes comme Etat et société au milieu de nos déboires aujourd’hui ?

En quelle mesure le rapport de genre aujourd’hui en Haïti peut-il servir de socle d’une société juste pour un Etat fort ?

Dans les propos qui vont suivre, il s’agira de jeter un regard panoramique sur notre réalité de peuple dans un exercice d’auto-questionnèrent pote sur l’implication réelle des femmes haïtiennes dans la société.

En effet, Haïti est partie à plusieurs instruments de droit internationaux relatifs aux droits des femmes, entre autres la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, tout comme elle a légiféré pour établir des droits aux femmes et permettre à celles-ci leur émancipation .Ainsi, elles ont obtenu  leurs droits de vote et d’éligibilité en 1950 et leur égalité à l’égard de l’homme dans la gestion du ménage en 1982 .Cependant ,il est important de souligner que malgré  ces progrès, la situation des femmes en Haïti met en lumière un paradoxe riche en enseignement relatif a un Etat fonde à partir de l’égalité de genre et en même temps fonctionne au rythme d’un système phallocratique. A ce titre, nous proposons d’analyser ensemble certains traits de la société haïtienne du point de vue historique, culturel et politique. 

Du point de vue historique

L’histoire d’Haïti est le premier exemple parfait dans le monde de l’égalité de genre accomplie notamment au cours de la guerre pour l’indépendance où des femmes auprès des hommes se retrouvaient dans les tranchées pour bâtir le premier janvier 1804 un pays commun à tous et à toutes. La postérité retiendra toujours les noms des héroïnes comme Suzanne « Sanite » Belair (1781-1802), Marie-Claire Heureuse Bonheur et Victoria Montou, connue sous le nom de Tante Toya (dates inconnues – 1805), puis elles ont combattu la dictature des Duvalier aux cotes des hommes. On se rappelle entre autres Nicole Magloire, Liliane Pierre-Paul qui ont connu au même titre que les hommes les affres d’un régime totalitaire qui a duré trois décennies de règne.

On comprend alors que dès le début de son histoire et certaines périodes, Haïti soit en termes de société soit en termes de Etat n’est autre que le fruit de sacrifices et d’engagements communs d’hommes et de femmes mus pour une seule et même vision de société. Cette dynamique a mis en évidence la force d’une Nation, l’équilibre d’une société dans la culture de la complémentarité de genre entre l’individu homme et l’individu femme.

Du point de vue culturel et économique

Cette réalité donne crédit au statut de poto mitan que l’on attribue à la femme quant à son rôle au sein de la société haïtienne. Un statut qui prend forme dans la famille, dans les lakous, ou encore à travers d’autres formes d’organisation de travail comme le Kombit, l’un des creusets de cette mixité de genre productive qui définit la société haïtienne et qui représente d’ailleurs le socle des valeurs socioculturelles haïtiennes. Malgré les disparités sociales, il est pourtant difficile de ne pas apercevoir cette forme de complicité de genre entre les hommes et les femmes dans différents secteurs de la vie nationale. Les dames sara , l’un des piliers de l’économie et du commerce, est un symbole fort de l’implication de la femme dans le fonctionnement de la société haïtienne,

Du point de vue politique

On découvre cependant que sous cette forme d’interaction joyeuse apparente entre les hommes et les femmes, et malgré l’implication de celles-ci dans l’histoire, les femmes haïtiennes ont toujours été en butte à un machisme à la fois culturel et systémique aidé avec le temps de l’endoctrinement religieux et de féminisme étriqué. En plus, l’Etat s’est assuré que la femme soit moins éduquée. Car moins la femme est instruite, plus elle répond au mieux au profile de femme au foyer, c’est à dire au service de son mari et de ses enfants. Les seuls métiers dignes pour une femme c’était la cuisine et la couture. Selon le secrétaire général de la Ligue National des Enseignant, Yvel Admettre,« Il y a une préférence envers les garçons, quand il s’agit d’envoyer les enfants à l’école », pour qui « les tâches domestiques constituent l’un des éléments à la base de la déperdition scolaire des filles ».Et si la femme arrive à se tirer d’affaire pour devenir une femme professionnelle ou d’affaires, alors bonjour les harcèlements sexuels et stéréotypes sexistes auxquels elle est assujettie.

En définitive, célébrer une journée consacrée aux femmes haïtiennes en plein d’une société et d’un Etat désormais inexistants, se prenant davantage la forme de statut de no man’s land pourrait s’avérer être d’aucune utilité. Là où le genre humain tout court porte désormais un sens banal aux yeux de groupes armés qui disposent du droit de vie et de mort sur la population haïtienne, on ne peut plus réclamer le droit à la décence et à la raison, bref a l’humanisme. Cependant, se rappeler cette journée du 3 avril consacrée aux femmes haïtiennes nous efforce de nous regarder en face tant à la fois comme individus que comme communauté pour opérer un retour vers nos valeurs traditionnelles qui unissaient par le passé hommes et femmes autour d’un seul et même statut pour bâtir ensemble un pays, combattre ensemble la dictature, travailler ensemble pour le bien-être du genre humain.

Nadine Dorelus,Avocate

                        Spécialiste en genre

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