Ne dit-on pas que gouverner, c’est anticiper ?
Le gouvernement haïtien, toujours sous l’emprise de 3 conseillers-présidents accusés d’avoir braqué la BNC, annonce officiellement l’annulation du Carnaval 2025. Rarement la raison l’aura emporté sur le grotesque. Après avoir promis un budget de près de quatre millions de dollars pour financer les festivités dans un pays où la fête, comme le boire et le manger, la santé et la sécurité, est désormais un luxe que seuls quelques privilégiés et les « gangs à cravate “ peuvent s’offrir, les autorités de fait ont fini par reconnaître – à contrecœur – que l’heure n’était pas aux ” réjouissances populaires ». Comme s’il était soudain devenu évident que le fracas des tambours ne pouvait couvrir le bruit des balles, que les rues de Port-au-Prince, Kenskoff, Petite-Rivière de l’Artibonite… livrées à l’incertitude et au chaos, ne pouvaient se transformer en scènes de danse et de défilés multicolores.
Mais si le Carnaval « san konsyans pou detounen plis lajan Leta toujou », selon le Dr Josué Renaud de New England Humans Rights Organization (NEHRO), a finalement été sacrifié sur l’autel de la lucidité (ou de la contrainte), qu’en est-il du projet arpatheid de référendum-bidon que le gouvernement impopulaire s’obstine à imposer contre vents et marées ?
Cette consultation, déjà considérée comme une farce par la grande majorité des citoyens, est tout aussi contestable que le budget carnavalesque qui s’est évanoui de lui-même dans le labyrinthe d’une administration opaque. Notre histoire est jalonnée de tels référendums « téléguidés », dont les résultats sont toujours décidés avant même que le bulletin de vote ne soit déposé dans l’urne. Selon l’éminent professeur Victor Benoît, à l’exception du référendum du 29 mars 1987 qui a donné naissance à la Constitution actuelle, tous les autres n’ont été que des instruments de manipulation, accentuant les crises politiques au lieu de les résoudre.
Alors pourquoi persister dans ces illusions ? Après l’annulation du carnaval « san konsyans », le gouvernement va-t-il enfin se rendre à l’évidence et tirer les conclusions qui s’imposent ? L’annulation du référendum marque-t-elle le début d’une lucidité, ou faut-il attendre que l’échec soit patent pour admettre que cette consultation n’a ni base légale ni légitimité populaire, et que personne ne veut de ce produit pourri initié par Jovenel Moise et Claude Joseph ? Ironie du sort, ce projet de référendum devait se tenir le 11 mai, date hautement symbolique pour les partisans de Sweet Micky, en guise d’ultime hommage à l’accession au pouvoir de Michel Martelly en 2011. Coïncidence ? Ou expression suprême d’un pouvoir en quête d’un héritage à graver dans le marbre, même s’il est parfaitement chimérique ?
Le carnaval est annulé. Mais quand sera-t-il annoncé que le faux referendum n’aura pas lieu ? Car si l’annulation des festivités était la réponse évidente à la réalité du terrain, le bon sens voudrait que l’on prenne également acte de l’impasse du référendum « bouye vide », cette couleuvre à t tête difficile à avaler. Peut-être qu’un jour, de ars ou d’avril, l’équipe 16/100 à l’école de l’Indice de Perception de la Corruption comprendra que, comme le carnaval, la réforme constitutionnelle ne peut se faire ni sans le peuple, ni contre lui. Mais combien de millions devront encore être gaspillés avant que la leçon ne soit enfin apprise ?
cba

