Le mardi 11 février 2025, dans le cadre des « Mardis de la Nation » organisés par le gouvernement haïtien, le ministre de la Culture et de la Communication, M. Patrick Delatour, introduit par son secrétaire d’État à la Communication, s’est prêté au même exercice habituel : justifier l’injustifiable. Déconcerté, balbutiant, livrant un discours incohérent, il a tenté d’expliquer sans vraiment expliquer les véritables raisons du maintien de leur Carnaval National, véritable opération de pillage des deniers publics, prévu à Fort-Liberté les 2, 3 et 4 mars 2025. Ironiquement, le thème retenu cette année est : « Haïti Debout ! Ayiti Kanpe ! »
Sous couvert de décentralisation et de mise en valeur du patrimoine historique national, Fort-Liberté devient, une fois de plus, le terrain de jeu des affairistes. Le ministre a annoncé en grande pompe des travaux supposément ambitieux : réfection en bitume de la rue principale, amélioration des voies secondaires, réhabilitation du fort Saint-Joseph, renforcement des services hospitaliers, modernisation des infrastructures numériques… Une avalanche de promesses visant, soi-disant, à dynamiser l’économie locale et à positionner Fort-Liberté comme une destination touristique de premier plan.
Quelle farce ! Nous voilà replongés dans ces contes champêtres de Bouki et Malice, narrés jadis sous les manguiers par nos grands-parents ! Certains naïfs y verront une tentative de valorisation du patrimoine immatériel… Mais la supercherie est bien réelle.
Carnaval pour endormir, référendum pour entériner l’arnaque, élections pour sceller la farce
Comme un perroquet bien dressé, le ministre déroule son script : carnaval pour distraire la population, référendum constitutionnel pour légitimer l’arnaque, et élections télécommandées pour conclure la mascarade avec l’installation d’un président le 7 février 2026. Mais dites-nous, monsieur le ministre : le CPT des braqueurs a-t-il déjà désigné son président(e) et rédigé le décret officialisant son élection ?
Le ministre enfonce ensuite le clou en annonçant que, sous la pression de ses « détracteurs », il a dû revoir à la baisse le budget initial de 536 millions de gourdes. Sa bande de vautours devra se contenter de dépecer seulement 300 millions, dont 170 millions seront engloutis dans la magnifique baie de Fort-Liberté, désormais interdite aux plongeurs locaux et accessible uniquement aux « officiels mandatés ».
Comble du cynisme, dans son exaltation de la culture haïtienne, présentée comme incarnation de la résilience et de la liberté, le ministre fustige les « emmerdeurs professionnels » qui chercheraient à priver le peuple de sa joie en propageant un narratif négatif. Mais qui désigne-t-il réellement ? Pas les gangs instrumentalisés pour renverser Ariel Henry, mais bien les opposants au CPT.
Attention ! Derrière ces discours creux se cache une menace bien réelle : la stigmatisation des critiques comme Agents Comploteurs contre la Sûreté Intérieure de l’État. Voilà comment on prépare l’opinion publique à la répression.
Le carnaval d’un État en déliquescence
Au cœur des festivités à venir, les défenseurs du Kanaval Koutay rivalisent de discours lénifiants. Monsieur le ministre, le pays sous la gouverne du CPT est confronté à une réalité cruelle : la mainmise des gangs. Pourquoi votre gouvernement tarde-t-il à engager des actions décisives pour éradiquer cette menace intérieure ?
La rhétorique de la résilience ne ramène pas la paix.
Le fric que peut générer cette gabegie vous empêche-t-il de voir la réalité en face ?
Les véritables confiscateurs de la joie et de la liberté en Haïti sont les gangs. Alors commencez donc par rendre Port-au-Prince au peuple, avant de prétendre lui offrir Fort-Liberté en spectacle !
Antérieurement à cette annonce tonitruante, le ministre Patrick Delatour s’était rendu en visite de reconnaissance à Fort-Liberté… où il a préféré se terrer à l’Évêché. Sans doute pour solliciter une bénédiction du Très Saint Joseph sur le désastre à venir ! Il a soigneusement évité tout contact avec la mairie, dont le bâtiment vétuste menace de s’effondrer.
Incroyable mais vrai : à aucun moment de son programme, il n’a prévu de rencontrer l’agent exécutif intérimaire, pourtant principal concerné par cette mascarade. Celui-ci n’a eu droit à une existence que par supplication, accourant à la dernière minute avec son Comité Communal de Carnaval pour une rencontre improvisée avec le ministre.
Quant aux envoyés du ministre, ces bureaucrates parachutés, pour la plupart membres du Comité de Carnaval National, ce sont de véritables princes en mission dans un territoire d’outre-mer. Arrogance en bandoulière, ils traitent le Comité de Carnaval Communal comme une simple assemblée de sujets soumis, autorisés uniquement à hocher la tête en silence. Ce sont eux les « connaisseurs » qui décident et tranchent.
Osez remettre en question leur autorité divine, et vous serez immédiatement qualifié d’impertinent.
Fait divers troublant : pas un seul natif du Nord-Est ne siège au Comité de Carnaval National.
Après la fête, que restera-t-il ?
À l’approche du Mercredi des Cendres, les promesses de réhabilitation s’évaporent déjà. Pas un mètre de rue réhabilité, sinon les travaux de la DINEPA, commencés il y a plus d’un an. Le Fort Saint-Joseph demeure à l’abandon, et une simple visite sur place suffirait à révéler le gouffre entre les discours et la réalité.
Mais rassurez-vous : les organisateurs, eux, sont déjà passés maîtres dans l’art de faire disparaître les promesses plus vite qu’un magicien ne fait disparaître un objet sous son chapeau ! Véritable insulte à l’intelligence collective.
Même dans le mensonge, les 2, 3 et 4 mars seront suffisamment orchestrés pour justifier les millions engloutis. Mais une chose est sûre : les déhanchements lascifs, les costumes flamboyants et les musiques obscènes n’effaceront pas la vérité.
Haïti est sous la coupe des gangs, et son gouvernement n’est qu’une façade, incapable d’exercer la moindre souveraineté sur son propre territoire.
Le grand ménage arrive !
Grand Pré, 16 février 2025
Hugue CÉLESTIN
Membre de :
Federasyon Mouvman Demokratik Katye Moren (FEMODEK)
Efò ak Solidarite pou Konstriksyon Altènativ Nasyonal Popilè (ESKANP)
