In Haiti, Trump’s assault on foreign aid is ‘a gift to the gangs’
« Le chaos s’installe dans un État en déliquescence », écrit WP…men pou Ayisyen kosekan « se Kanaval, detounen lajan ki nant tèt yo, fè koripsyon, pwograme fo referandòm, bay manti vire tounen, yo panse ke yo avi…
Haïti, déjà en proie à une crise humanitaire et sécuritaire sans précédent, se retrouve une fois de plus au bord du gouffre. La décision de Donald Trump de geler l’aide étrangère américaine, sous prétexte de fraude et de mauvaise gestion, n’a fait qu’aggraver une situation déjà catastrophique. Avec 60 % de l’aide humanitaire provenant des États-Unis et une dépendance massive des infrastructures sanitaires aux fonds de l’USAID, l’arrêt brutal du financement laisse des millions d’Haïtiens dans une incertitude mortelle.
Les répercussions sont immédiates et dévastatrices. À Cap-Haïtien, une clinique spécialisée dans la santé maternelle et infantile a fermé ses portes, laissant 32 employés haïtiens sans emploi et des centaines de femmes sans accès aux soins. À Port-au-Prince, où les gangs règnent en maîtres, les centres d’accueil pour victimes de violences sexuelles se vident de leur personnel. Dans un pays où près de la moitié de la population souffre d’insécurité alimentaire, les programmes de prévention de la malnutrition sont suspendus. Les semences agricoles, essentielles à la survie de nombreuses familles rurales, restent enfermées dans des entrepôts, alors que la saison des plantations est en cours.
Le chaos s’installe dans un État en déliquescence. Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021, le pays fonctionne sans chef d’État élu, le Parlement est vide et les institutions se sont effondrées. Ce vide politique a été rapidement comblé par des gangs armés qui contrôlent désormais 85 % de la capitale et paralysent la distribution de l’aide humanitaire. L’ONU avait prévu une mission de police internationale menée par le Kenya pour tenter de rétablir l’ordre, mais le gel de 13 millions de dollars destinés à son financement laisse ce projet en suspens.
Cette nouvelle crise illustre une réalité paradoxale : si l’aide internationale est indispensable à la survie de la population, elle a aussi contribué, au fil des décennies, à ancrer Haïti dans une dépendance chronique. Après le séisme dévastateur de 2010, des milliards de dollars ont afflué vers le pays, mais les résultats sont restés mitigés. USAID a financé l’acheminement massif de riz américain, soutenant ainsi les agriculteurs des États-Unis au détriment des producteurs haïtiens, déjà affaiblis par des années de concurrence déloyale.
Mais pour beaucoup, la décision de Trump va bien au-delà d’une simple remise en question du modèle d’aide international. Elle risque de provoquer un effondrement total. « C’est un cadeau aux gangs », confie un travailleur humanitaire sous couvert d’anonymat, décrivant un scénario où les groupes criminels, principaux bénéficiaires du chaos, renforcent leur emprise sur la population. Avec plus de 5 600 assassinats recensés en 2023, des massacres de plus en plus fréquents et des hôpitaux attaqués, la situation semble hors de contrôle.
Le gel de l’aide américaine met également en péril l’organisation des élections générales annoncées pour novembre. Les fonds destinés à l’assistance technique du comité électoral haïtien sont suspendus, laissant planer le doute sur la possibilité d’un scrutin dans un pays en état de siège. Dans un contexte où les États-Unis ont toujours vu l’aide étrangère comme un outil de soft power pour contrer l’influence de la Chine et de la Russie, cette décision apparaît contradictoire.
Les ONG, quant à elles, tentent de sauver ce qui peut encore l’être. Certaines recherchent des solutions alternatives pour financer leurs programmes, mais le processus est lent et incertain. Pendant ce temps, les infrastructures sanitaires s’effondrent. La clinique Zanmi Lasante continue de fournir des traitements contre le VIH à 140 000 patients, mais les services de soutien social sont en pause. Le choléra menace de refaire surface avec la détérioration des systèmes d’eau potable. Les latrines des hôpitaux, faute d’entretien, deviennent des foyers de contamination.
Le débat sur l’efficacité de l’aide internationale en Haïti n’est pas nouveau. Jacky Lumarque, recteur de l’Université Quisqueya, se montre sceptique à l’égard de l’USAID mais reconnaît que certaines initiatives, comme la recherche sur l’adaptation au changement climatique, ont eu un impact positif. Il plaide pour une refonte complète du modèle d’assistance afin que le pays gagne en autonomie. Mais en attendant cette transformation hypothétique, c’est la survie immédiate de millions d’Haïtiens qui est en jeu.
Sans un revirement de la politique américaine, Haïti s’enfonce dans une spirale infernale où pauvreté, violence et instabilité politique s’alimentent mutuellement. L’arrêt de l’aide ne marque pas seulement la fin d’un soutien humanitaire, il scelle le sort d’un pays abandonné à lui-même, où seuls les groupes armés tirent profit du chaos.
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