24 mars 2025
Lettre ouverte au Secrétaire d’État Américain, Me Marco Rubio
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Lettre ouverte au Secrétaire d’État Américain, Me Marco Rubio

(Mise à jour : 9 février 4:50 am)

Paul Gustave Raphaël MAGLOIRE

Un Autodidacte, un Entrepreneur et un Patriote

Courriel : paulgmagloire@gmail.com

Me le Secrétaire d’État, mon nom est Paul Gustave Raphaël Magloire. Je suis un citoyen haïtien et un résident des Etats-Unis depuis plus de quarante ans. À tous les niveaux où j’ai été appelé pour mes compétences, j’ai servi avec honneur et dignité. 

En 1990, après les élections du Président Jean Bertrand Aristide en Haiti, j’ai été appelé à rejoindre l’équipe de la Voix de l’Amérique à Washington, D.C., où j’ai fourni 7 années de loyaux services, mais tous mes collègues connaissaient mes bonnes relations avec les dirigeants du gouvernement Lavalas. En fait, j’avais connu Jean-Bertrand. Aristide, enfant, depuis l’école des Frères Salésiens. Nous étions dans la même classe. Mais, plus tard en politique, je m’étais engagé au côté de Thomas Désulmé, le leader du Parti National du Travail, l’un des plus grands entrepreneurs de la Caraïbe, étant donné que j’étais moi aussi un entrepreneur. 

En effet, j’ai créé et dirigé plusieurs entreprises dans ma vie. Par exemple, j’avais moins de 23 ans quand j’ai créé et dirigé la SAPAINCO, une entreprise agroindustrielle qui exploitait plus de 450 hectares de terre dans le Nord-Est d’Haïti. J’avais moins de 25 ans quand je suis devenu un membre du Conseil d’Administration de la SAFICO, l’une des plus grandes compagnies du pays. A 27 ans, j’ai été un conseiller en Haïti pour l’Initiative du Bassin des Caraïbes lancée par le Président Ronald Reagan pour relancer l’économie des Caraïbes. C’est dans le cadre de cette initiative que je suis venu pour la première fois aux Etats-Unis, sur l’invitation de producteurs d’agrumes de la Floride qui voulaient développer une plantation d’oranges sur une superficie de 16,000 hectares dans le Nord-Est d’Haïti. A mon retour, j’étais très persécuté, parce que le régime de Duvalier n’aimait pas l’expansion d’un Paul Magloire dans le Nord du pays. Car, le président qui avait précédé le régime des Duvalier était celui de Paul Eugene Magloire, un originaire du Nord d’Haïti. Et il arrivait aussi que je connaissais beaucoup de gens haut-placés dans le secteur des affaires, dans le secteur politique, mais aussi bien des haut-gradés dans les Forces Armées d’Haïti. Donc, j’ai dû laisser le pays pour les Etats-Unis où vivait ma famille.

En Haïti, j’ai reçu une formation en Sciences Sociales et en Philosophie á l’École Normale Supérieure de Port-au-Prince, et une kyrielle de cours en gestion et en informatique aux USA. Ainsi, j’avais créé aux États-Unis le Nexus Network System, tout en continuant mes études universitaires. Je travaillais aussi dans la promotion immobilière, avec la perspective de retourner en Haïti pour lancer d’autres entreprises.

Mais, Haïti était toujours restée très instable, et à la chute des Duvalier, les choses allaient empirées.

 Avec la transition de Madame Ertha Pascale Trouillot, Haïti a eu la première élection démocratique après la dictature des Duvalier. Président Jean-Bertrand Aristide a été voté massivement par la population le 16 décembre 1990, et il prêta serment le 7 février 1991 pour un mandat de 5 ans. Les États-Unis avaient salué son élection comme un espoir pour la démocratie en Haïti. Le Vice-Président Dan Quayle était allé à Port-au-Prince apporter son support au Gvt du Président Aristide. Même cette petite phrase lancée par le Vice-Président américain: « Pep ayisyen, mwen avek nou » avait été écrite par un de mes collègues à la VOA. Mais, le régime du Président Aristide se fit rapidement beaucoup d’ennemis puissants par sa façon de gouverner. Quelques 7 mois après avoir été installé au pouvoir, Président J.B. Aristide est renversé du pouvoir par un coup d’état militaire.

Le Pdt. Aristide fut envoyé au Venezuela par les militaires. 

J’ai reçu le numéro de Pdt Aristide au Venezuela afin de l’appeler. Je lui ai demandé est-ce qu’il voudrait venir aux Etats-Unis ?  Il se mit à rire de la question, de façon sidérée. J’ai ajouté, Président, d’après ce que je comprends, c’est votre meilleure chance de retourner en Haïti et finir votre mandat. Un de ses conseillers, le Père Adrien, se montra très intéressé et me demanda de lui dire comment cela pourrait se faire. Je lui dis qu’il faut établir une procédure. Ils discutaient entre eux, ensuite Père Adrien prit la parole pour me dire que dans la première étape, Président Aristide devrait donner une entrevue à la Voix de l’Amérique pour expliquer qu’il est vivant et qu’il n’avait pas démissionné, et que la prise du pouvoir par les militaires est illégale. Il voulait aussi choisir son ambassadeur, si c’est possible. Ensuite il verra, etc…

Le jour où le Président JB Aristide a donné l’entrevue à la VOA, le Secrétaire d’État Américain, James Baker, déclara devant l’Assemblée Gnle de l’OEA à Washington, que le coup-d’état contre le Président Aristide ne passera pas. En fait, les Etats-Unis s’étaient déjà engagés dans une politique régionale de ne pas appuyer les coups-d’états militaires qui représentaient un grand problème pour le développement économique.

Président Aristide, par la suite, est entré à Washington, et a été reçu le 4 octobre 1991 par Président George H. W. Bush à la Maison Blanche. Il obtint les moyens et les possibilités d’avoir un gouvernement en exil. Les négociations avec les militaires à Port-au-Prince n’avançaient pas. Même avec l’arrivée du Président Bill Clinton à la Maison Blanche, partisan pour le retour de Président Aristide en Haïti, les négociations trainaient des pieds. Une très grande vague de boat-people haïtiens, en proie au désespoir, laissait Haiti pour les côtes sud des Etats-Unis. Un centre de réfugiés fut créé à Guantanamo de Cuba pour interner des dizaines de milliers de réfugiés haïtiens. J’étais descendu à Guantanamo pour couvrir la situation et interviewer le Gnl Wales qui commandait le détachement des marines sur place.

Président Aristide a été traité tout le long des trois années qu’il a passé dans la capitale américaine comme le représentant légitime du peuple haïtien. J’ai continué à offrir mes services de facilitateur non-officiel tout le long aussi. Finalement, un accord a été trouvé. Les militaires ont laissé le pouvoir et le Président Aristide est entré en Haïti, accompagné d’une troupe de 20,000 marines.

On m’avait offert un poste de ministre. J’avais décliné. Car, j’étais retourné au secteur privé, en créant ma propre entreprise.

Président Aristide a complété son mandat de 5 ans. Après lui, René Préval qui était considéré comme le frère jumeau de J.-B. Aristide, et était son Premier Ministre avant le coup-d’état militaire, est devenu Président pour un mandat de 5 années aussi. Pdt Aristide est revenu au pouvoir et une deuxième fois il est reparti pour l’exil, avant la fin de son mandat, où il est resté pendant environ 7 années.

Un gvt provisoire a été mis en place pour diriger une autre transition. Il était dirigé par le Pdt Boniface Alexandre, un juge de la Cour de Cassation. Et Gérard Latortue, un retraité des Nations Unis, était devenu Premier Ministre.

En mars 2004, le PM Gérard Latortue fit appel à moi comme Conseiller Spécial du gouvernement de transition qu’il dirigeait, pour aider à établir un cadre favorable à des élections générales libres et inclusives. À un moment donné, nous avons dû faire face à un mouvement armé  des partisans du Pdt Aristide qui voyaient dans les élections la fin de leur espoir du retour imminent de leur idole. Nous avons mis fin à ce mouvement tout en protégeant leur droit de participer à des élections libres et démocratiques sous une supervision internationale. La tâche ne fut pas facile. Je prends à témoin un ancien directeur de la police nationale, le Commandant. Mario Andrésol, aujourd’hui Secrétaire d’Etat a la Sécurité, qui était en charge pendant les derniers 18 mois de la transition. J’étais devenu le Ministre de l’Intérieur et à la fin le Premier Ministre par Intérim, quand PM Latortue passait plus de temps à l’étranger. Je travaillais sous la supervision du Pdt Boniface ALEXANDRE, un très grand leader.

En juin 2006 on avait atteint tous les objectifs fixés. En fait, des élections inclusives et libres ont eu lieu á tous les niveaux avec une forte participation. La presse internationale était venue en foule assistée à un massacre. Il n’y a pas eu pourtant de confrontation. Le Ministère de l’Intérieur, dont j’avais la charge, avait financé les partis politiques et les candidats afin que les élections puissent réussir sans la présence de l’argent sale, comme on dit. Le Gouverneur de la Floride à l’époque, Jeb Bush, frère du Président George Bush, avait conduit la délégation américaine qui était venue assister à l’installation du nouveau Président, René Gracia Préval. 

Tout ce qui a été dit plus haut est pour mettre en contexte l’environnement de la crise politique en Haïti qui dure, et la fragmentation des forces politiques. Ce qui explique cette instabilité et un grand risque que court le pays d’éclater en mille morceaux. Je n’ai pas de « Boule de Crystal » pour anticiper comment cette crise que traverse Haïti, va finir. Mais, j’avais écrit au début de cette crise que mon pays est en train de glisser vers l’enfer. Si la situation n’est pas gérée avec grand soin, c’est le sort de mes 12,000.000 compatriotes qui m’inquiète. 

Compte tenu des circonstances que vit Haïti, je prends ici l’initiative de solliciter un sursis pour mon pays. Si les mesures, que propose le Gvt des États-Unis, s’activent tout de suite, ce sera un vrai désastre en Haïti. Ce beau pays, en fait, est en train de vivre les pires moments de son histoire. L’économie haïtienne est en récession depuis l’année 2019 avec très peu de chance de remonter la pente cette année. Mais, les autorités haïtiennes ont promis de faire de leur mieux pour sortir le pays de l’impasse. Est-ce que leur « mieux » sera suffisant, si les mesures que veulent adopter les Etats-Unis à l’égard d’Haïti vont ajouter du pire aux pires que déjà nous vivons depuis 5 ans.

Plus de 40% de la population en âge de travailler ne travaille pas. Ceux qui travaillent ont des salaires dérisoires qui sont dévorés par un taux d’inflation qui dépasse par moment les 40%. Car, le pays ne produit presque plus rien ; presque tout est importé et nous avons la balance commerciale la plus déficitaire de la région, dans une économie déjà dérisoire. Le tourisme a été pendant longtemps une source importante de revenu pour le pays. Mais, de nos jours, ce secteur a presque disparu. Même les Haïtiens ne rentrent plus chez eux pour les vacances, car les risques de se faire tuer par des gangs équipés d’armes de guerre sont au coin d’une rue. 

Il faut dire qu’il y a de multiples causes naturelles et humaines qui tuent le pays à petit feu. Tels que :

– cataclysmes naturels

– instabilité politique

– Mauvaise gestion de l’État et de l’économie 

– Corruption

– le dégât des gangs et l’insécurité généralisée

– Etc…

Cependant grâce aux transferts des Haïtiens vivant à l’étranger, (la plus grande partie aux États-Unis), les Haïtiens du pays ont reçu plus de 3 milliards 600 millions dollars l’année précédente. Avec les 200,000 et plus d’haïtiens qui ont voyagé vers les USA ces deux dernières années, les projections les plus optimistes pensent que le montant des transferts pourrait atteindre 5.4 milliards de dollars d’ici 2 ans. En fait, les transferts apportent la plus grande contribution à notre économie, plus que tous les autres secteurs confondus. Donc, si les Haïtiens sont refoulés massivement des États-Unis vers leur pays, nous allons perdre l’opportunité d’utiliser une partie de ces transferts pour relancer l’économie du pays.

La misère et l’instabilité politique aidant, nous sommes retombés dans l’insécurité tous azimuts. Même le Président Jovenel Moise, un président élu démocratiquement, a été assassiné chez lui. Des gangs sont devenus des forces dominantes dans le pays. Les artères principales du pays sont actuellement sous le contrôle des gangs qui exigent des droits de passage, créant l’augmentation artificielle des prix des marchandises et la misère de la population.

Les gangs incendient des maisons, des écoles, des hôpitaux, et tuent des femmes et des enfants. Plusieurs milliers de personnes, sans considération pour l’âge et le sexe, sont tuées chaque année. Un million de personnes vivent comme des réfugiés dans des abris, dans des conditions malsaines ; et plus de la moitié de la population, environ 6 millions de personnes ne mangent pas tous les jours. Si cela n’est pas l’enfer, qu’est-ce que c’est alors ?

Mais, récemment, j’ai été content d’entendre un leader de l’Association Nationale des Industries d’Haïti (ADIH) raconter à la radio qu’à un moment donné tous les efforts de l’ADIH n’arrivaient pas à convaincre la Banque Internationale de Développement (la BID) de financer un parc industriel capable de créer 70,000 emplois dans le Département de l’Artibonite.  Mais la BID avait suggéré de choisir de préférence le Nord-Est pour le projet. Car, dans cette région, le Ministère de l’Intérieur avait déjà lancé, durant ma tenure, 4 projets d’importance infrastructurelle :

1. La route reliant le nord et le nord-est á la République Dominicaine.

2. Un complexe administratif départemental moderne au Cap-Haitien. 

3. La modernisation d’un aéroport international.

4. Et une université de niveau international.

Nous avons un projet maintenant aux fins de donner de l’espoir à ces milliers de jeunes qui, tenaillés par la misère et l’absence d’opportunité, ont laissé le pays par tous les moyens possibles, et, dans les pires cas, ont rejoint les centaines de gangs armés qui terrorisent la population du pays. Ce projet est capable de créer 250,000 emplois dans les prochaines années et dans les cinq grandes régions du pays avec une moyenne de 50,000 emplois par région. Ce projet mettra l’accent sur 4 secteurs : L’agriculture, la construction, le logement et le tourisme. Nous mettrons l’accent aussi sur les industries d’assemblage avec un principal focus d’encourager les jeunes à créer des petites entreprises dans des micro-parcs industriels. Nous comptons appeler les membres de la diaspora aussi à investir dans ces petites entreprises.

Durant la transition de 2004-2006 nous avons eu des investisseurs très renommés à visiter le pays pour voir la possibilité de prendre une chance avec Haïti. Ainsi, nous avons eu la visite de Michael Bloomberg. Et n’était-ce pas la crise de sécurité, nous aurions déjà eu la visite d’une délégation européenne conduite par Ingo Pyko. Me Pyko qui est dans le développement et la promotion touristique a déjà fait une première visite en Haïti. Mais, toute suite après, nous avons eu (malheureusement) le grand tremblement de terre qui a causé des centaines de milliers de morts.

Me le Secrétaire d’État nous avons toujours suivi avec respect le support que vous avez donné, en tant que Sénateur de la Floride, pour faire passer la loi Hope/Help qui a été d’une grande contribution pour la création de 70,000 emplois dans le pays. Et nous croyons que Haïti va profiter grandement de votre position de Secrétaire D’État pour la ratification de ce protocole à nouveau. Car, la situation du pays sous le plan d’emplois va continuer à décliner, si cet accord n’est pas renouvelé. Nous serons contents aussi que, la prochaine fois que vous serez en visite dans la région, Haïti fasse partie de votre itinéraire.

Permettez-moi, Me le Secrétaire d’État de vous présenter mes chaleureuses félicitations pour ce poste où beaucoup de grands défis vous attendent. Que Dieu vous bénisse !

Et que Dieu bénisse aussi Haïti !

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