8 février 2025
Et nous, le peuple immigrant?
Actualités Société

Et nous, le peuple immigrant?

par Alexandre TELFORT Fils

Ce 20 janvier, une nouvelle administration a pris les rênes des États-Unis, et avec elle renaissent les inquiétudes qui hantent des millions d’immigrants, particulièrement les Haïtiens. Ces hommes et ces femmes, porteurs d’un courage sans pareil, vivent aujourd’hui dans une incertitude paralysante, marquée par la peur d’être arrachés à leur vie, à leurs familles, à leurs rêves. 

Des témoignages poignants : le poids de l’incertitude

Marie, 35 ans, est arrivée aux États-Unis il y a environ huit ans après le passage dévastateur de l’ouragan Matthew en Haïti. Aujourd’hui, elle travaille dans une maison de soins pour personnes âgées, offrant réconfort et dignité à ceux qui en ont besoin. Mais derrière son sourire chaleureux se cache une angoisse profonde.

« Chaque matin, je me lève avec la peur au ventre. Et si je ne rentrais pas chez moi ce soir ? Et si une simple erreur administrative faisait de moi une cible pour l’expulsion ? Je travaille dur, je paie mes impôts, je contribue. Mais parfois, je me sens invisible, comme si ma vie n’avait pas de valeur ici. »

Pierre, un père de famille, craint de voir ses deux enfants nés aux États-Unis grandir sans lui. « Je fais tout pour leur offrir une vie meilleure, mais cette épée de Damoclès qu’est la menace de déportation ne me quitte jamais. Ce pays m’a donné une chance, mais je ne sais pas si je pourrai rester pour la saisir pleinement. »

Ronald, bénéficiaire du programme « Humanitarian Parole » travaillait à Amazone dès son arrivé, maintenant planifie de laisser Springfield pour se rendre au Canada par peur d’être déporté en Haiti. 

Ces récits, parmi tant d’autres, illustrent une douleur collective que trop peu de gens comprennent. Il s’agit des personnes avec un statut légal, malgré tout l’Amérique leur fait peur. 

La peur de l’inconnu et les menaces de déportation

La communauté haïtienne vit sous l’ombre d’une menace constante : celle d’être jugée indésirable dans un pays où elle a pourtant contribué de manière significative. La peur de la déportation n’est pas une abstraction ; elle est une réalité palpable, amplifiée par des discours politiques souvent hostiles et des politiques migratoires annoncées depuis les élections.

Des programmes comme le Temporary Protected Status (TPS), qui ont permis à des milliers d’Haïtiens de rester légalement sur le sol américain, sont constamment menacés. Cette précarité juridique nourrit une anxiété qui va bien au-delà des questions administratives : elle touche au droit fondamental de vivre dans la dignité.

Mon plaidoyer : porter la voix des sans-voix

Depuis mon article du 7 mai 2024 sur la diaspora comme catalyseur de la renaissance nationale, j’ai insisté sur le fait qu’il fallait se préparer et ne pas laisser au hasard le destin de chaque immigrant. J’ai proposé la création d’une super organisation capable de rassembler toutes les organisations actives pour organiser une défense collective de tous nos immigrants ici et ailleurs. Défenseur des droits des immigrants, immigrant moi-même je connais la douleur de mes frères et sœurs. Je connais leurs sacrifices, leurs espoirs, et leur quête incessante de sécurité. Cette douleur, je la porte avec eux, car elle est devenue une partie intégrante de mon combat.Je travaille également avec des organisations locales pour sensibiliser et offrir un accompagnement pratique à ceux qui en ont besoin. Mais ce n’est pas suffisant. Ce combat nécessite une mobilisation collective, une prise de conscience nationale.

Je plaide pour une reconnaissance véritable des contributions des immigrants, qu’ils soient travailleurs essentiels, étudiants, ou parents. Mon engagement est de rappeler à la nouvelle administration que derrière chaque numéro de dossier se trouve une histoire humaine, une famille, un avenir en construction.

À travers mes écrits, mes discours et mes rencontres, je m’efforce de sensibiliser à la richesse que les immigrants apportent à ce pays. Mon livre, Consciences d’un immigrant, a été une plateforme pour raconter ces récits invisibles, pour montrer que nous ne sommes pas des statistiques, mais des êtres humains dotés d’une incroyable résilience.

Un appel à la compassion et à l’action

À la nouvelle administration, je dis ceci : l’immigrant n’est pas un problème à résoudre, mais une opportunité à embrasser. Chaque politique, chaque décision doit être prise avec humanité, en se souvenant que la grandeur de l’Amérique repose sur sa diversité et son ouverture.

Aux citoyens américains, je demande : regardez autour de vous. Ces immigrants que vous croisez chaque jour – à l’hôpital, à l’école, dans les champs – sont vos voisins, vos collègues, vos amis. Leur peur est réelle, mais elle peut être apaisée par votre soutien.

Et à mes frères et sœurs immigrants, je dis ceci : tenez bon. Votre courage, votre résilience, votre foi en un avenir meilleur sont des forces que personne ne pourra vous enlever. Ensemble, nous continuerons de nous battre, non seulement pour survivre, mais pour prospérer. Mais il faut pas oublier nos racines, un jour ou l’autre nous devons faire un grand retour. Cette peur qui nous transperce le coeur doit être une incitation à l’union pour travailler à la renaissance de notre terre natale. Jamais un immigrant ne sera perçu sans ses racines voyez entre immigrants Haïtiens et immigrants ukrainiens. Ailleurs ou en Haiti nous ne serons jamais en paix si nous ne brisons pas les chaines de la haine sociale, cette maladie congénitale qui nous ronge de l’intérieur ajouté à la pauvreté qui la ravive, qui détruit nos familles et qui humilient notre nation. Nous sommes une société construite pour ne pas s’aimer mais pour que constamment les va-nu-pieds se soulèvent contre les gens à chaussures et les gens à chaussures sont mises en état de s’entre-déchirer les uns les autres. 

Nous, le peuple immigrant, sommes bien plus que ce que l’on dit de nous. Nous sommes des bâtisseurs, des rêveurs, des porteurs d’espoir. Et malgré la peur, malgré les obstacles, nous continuerons d’avancer. Car notre place ici n’est pas un privilège, c’est une promesse : celle de contribuer à un monde meilleur, ensemble sachant que nous reviendrons chez nous un jour, Lakay se Lakay.

Alexandre TELFORT Fils

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.