La crise en Haïti a atteint des niveaux catastrophiques, avec des groupes criminels alliés qui intensifient les attaques coordonnées à grande échelle contre la population et les infrastructures clés de l’État, paralysant presque la majeure partie du pays et aggravant la situation déjà désastreuse des droits humains et de l’aide humanitaire, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui dans son Rapport mondial 2025.
Pour ce rapport mondial de 546 pages, qui en est à sa 35e édition, Human Rights Watch a examiné les pratiques en matière de droits humains dans plus de 100 pays. Dans une grande partie du monde, écrit Tirana Hassan, directrice exécutive, dans son essai introductif, les gouvernements se sont montrés répressifs et ont arrêté et emprisonné à tort des opposants politiques, des militants et des journalistes. Des groupes armés et des forces gouvernementales ont tué illégalement des civils, chassé de nombreux habitants de leurs maisons et bloqué l’accès à l’aide humanitaire. Lors de la plupart des plus de 70 élections nationales organisées en 2024, les dirigeants autoritaires ont gagné du terrain grâce à leur rhétorique et à leurs politiques discriminatoires.
« Tout au long de l’année 2024, des groupes criminels ont tué, kidnappé et utilisé la violence sexuelle pour contrôler la population haïtienne, déjà accablée par la pauvreté croissante, la faim et le manque d’accès aux services essentiels », a déclaré Nathalye Cotrino, chercheuse principale pour les Amériques à Human Rights Watch. « La nomination d’un gouvernement de transition et le déploiement d’une mission multidimensionnelle d’appui à la sécurité autorisée par l’ONU pour soutenir la police nationale haïtienne n’ont pas encore permis d’améliorer la sécurité ou de rétablir l’État de droit. »
Fin février, les principaux groupes criminels, réunis au sein de la coalition Viv Ansam (Vivre ensemble en créole), ont lancé des attaques coordonnées contre les principales prisons, les commissariats de police, les bureaux du gouvernement et les infrastructures clés telles que les établissements de santé et d’éducation dans la capitale haïtienne, Port-au-Prince. Ces attaques ont pratiquement paralysé le pays et l’acheminement d’une aide humanitaire vitale pendant près de trois mois.
Les groupes criminels ont intensifié leur recrutement d’enfants, profitant de la faim et de la pauvreté généralisées. En octobre, au moins 30 % des membres des groupes criminels étaient des enfants. Ils ont participé à des extorsions, des pillages et des actes de violence graves, notamment des meurtres et des enlèvements, mais ils ont également été victimes d’abus au sein des groupes criminels. Le gouvernement de transition d’Haïti ne dispose pas d’une stratégie ni des ressources nécessaires pour garantir la protection de tous les enfants, notamment par l’accès à l’éducation et à la justice et par des voies légales pour sortir des groupes criminels.
Le recours à la violence sexuelle par les groupes criminels est désormais très répandu. Entre janvier – sous le règne du gouvernement defaitiste d’Ariel Henry et de ses alliés SDP, Inite – et octobre, avec l’arrivée de M. Alix Fils- Aimé…- près de 4 000 filles et femmes ont signalé des violences sexuelles, y compris des viols collectifs, commis pour la plupart par des membres de groupes criminels. Les survivants ont peu accès aux services de protection et de soins en raison des ressources institutionnelles limitées et de la perturbation par la violence des services essentiels, en particulier des soins de santé.
En juin, la mission multinationale d’appui à la sécurité (MSS) autorisée par les Nations unies et dirigée par le Kenya, durant l’administration CPT-Conille, a commencé ses opérations en Haïti avec environ 400 officiers, soit bien moins que les 2 500 prévus. Bien que la MSS ait soutenu les opérations de lutte contre la criminalité de la police nationale haïtienne et mis en place des garanties essentielles en matière de droits de l’homme, la mission est confrontée à d’importants défis financiers et logistiques.
Les groupes criminels ont intensifié leurs attaques coordonnées en octobre et contrôlent désormais environ 85 % de Port-au-Prince et de sa zone métropolitaine, et ont étendu leur contrôle aux départements de l’Ouest et de l’Artibonite. En 2024, les groupes criminels ont tué au moins 5 601 personnes, selon l’ONU. La moitié de la population haïtienne a du mal à se procurer de la nourriture, ce qui en fait l’un des pays du monde où l’insécurité alimentaire est la plus aiguë. Plus de 700 000 Haïtiens, dont 25 % d’enfants, sont déplacés à l’intérieur du pays.
La communauté internationale devrait soutenir d’urgence une réponse globale et fondée sur les droits à la crise haïtienne, axée sur le rétablissement de la sécurité, le respect de l’État de droit et le retour du pays à la démocratie, tout en répondant aux besoins immédiats de la population. Suite à la demande du gouvernement de transition de transformer la MSS en une mission des Nations Unies, le Conseil de Sécurité des Nations Unies devrait autoriser et déployer rapidement une mission des Nations Unies à part entière en Haïti. Cette mission devrait s’inscrire dans une stratégie plus large comprenant des garanties en matière de droits de l’homme, des mécanismes de suivi et des mesures de responsabilisation afin de prévenir les préjudices passés et de remédier à l’héritage des interventions antérieures.
