16 février 2025
Les limites et les potentialités du multilatéralisme à l’ère de la mondialisation
Actualités Société

Les limites et les potentialités du multilatéralisme à l’ère de la mondialisation

Cette étude se propose d’approfondir les notions de multilatéralisme et de mondialisation, en examinant de manière critique leur interdépendance et leur évolution dans le contexte actuel de la gouvernance mondiale. L’objectif central, est d’évaluer la pertinence persistante du multilatéralisme comme mode d’action internationale. Pour ce faire, l’analyse se concentre sur le rôle et l’influence des États membres au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies, en mettant en évidence les forces et les faiblesses de ce mécanisme décisionnelle. De plus, l’article s’interroge sur la capacité de l’ONU à remplir efficacement ses fonctions de régulation et d’arbitrage dans un environnement international de plus en plus fragmenté et marqué par des tensions géopolitiques. Cette recherche vise donc à apporter un éclairage nuancé sur les enjeux du multilatéralisme à l’ère de la mondialisation, en questionnant la capacité des institutions internationales à répondre aux aspirations de la communauté internationale et à promouvoir un ordre mondial plus juste et plus durable.

1.- Mise en contexte

Depuis l’aube des relations internationales, la coopération entre États s’est avérée indispensable pour faire face aux défis complexes d’un monde en constante mutation. Le multilatéralisme, prônant la collaboration entre plusieurs acteurs étatiques au sein des organisations internationales, s’est imposé comme un pilier de la gouvernance mondiale. Cette approche, née de la nécessité de prévenir de nouvelles hostilités mondiales après les deux guerres du XXe siècle, a progressivement tissé un réseau complexe de règles, de normes et d’institutions destinées à réguler les interactions entre États. En parallèle, la mondialisation, caractérisée par l’intensification des échanges commerciaux, financiers et culturels à l’échelle planétaire, a profondément transformé les relations internationales. Dans ce regard, (i) les avancées technologiques (ii) la libéralisation des échanges et (iii) la mobilité des capitaux et des personnes, ont donc accéléré ce processus d’interdépendance. Face à cette complexité croissante, le multilatéralisme s’est révélé être un outil indispensable pour gérer les défis communs tels que : le changement climatique (1), les crises économiques (2), les pandémies (3) et les conflits armés (4). Les organisations internationales, avec l’ONU en tête, jouent en effet un rôle central dans la promotion de la coopération internationale et dans la résolution pacifique des différends. Toutefois, le système multilatéral actuel est confronté à de nombreux défis, parmi lesquels citons : (i) l’émergence de nouveaux acteurs (ii) la montée du nationalisme (iii) le protectionnisme ainsi que (iv) la difficulté à s’adapter à un monde en bouleversement fréquent. Il est donc nécessaire de repenser et de réformer le multilatéralisme. Ce,  afin de pouvoir le rendre plus efficace, plus représentatif et mieux adapté aux enjeux du XXIe siècle. Cette réflexion nous amènera à explorer les origines historiques du multilatéralisme, à savoir : le rôle central des Nations Unies dans ce système, les défis et les perspectives d’avenir pour un ordre mondial plus juste, plus équitable et plus durable.

2.- Le multilatéralisme, un socle indispensable à la gouvernance mondiale

Né de la volonté de construire un ordre international plus stable et plus équitable à l’issue des deux guerres mondiales, le multilatéralisme s’est incarné dans des institutions telles : les Nations Unies, l’Organisation mondiale du commerce et le Fonds Monétaire International (FMI). Ces Organisations Intergouvernementales, fondées sur les principes d’interdépendance et d’égalité souveraine des États, ont pour mission de promouvoir la Paix, le développement durable et un système commercial plus ouvert. Si elles ont indéniablement contribué à la résolution de nombreux conflits et à la coopération internationale, elles sont aujourd’hui confrontées à des défis sans précédent. Les divergences d’intérêts entre les États-membres, est donc la complexité croissante des enjeux mondiaux (changement climatique, pandémies, inégalités), et les limites inhérentes à l’action collective qui mettent à l’épreuve la capacité de ces institutions de telle sorte à trouver des solutions continues. 

Le consensus international, en tant que socle de leur fonctionnement, est en effet fragilisé par les irrégularités de pouvoir au sein du système international, particulièrement au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies. C’est pourquoi la mondialisation, en intensifiant les interconnexions entre les économies et les sociétés, a favorisé l’intégration et le commerce. Mais elle a également excité les inégalités et les tensions géopolitiques. A ce ceci, il faut noter aussi l’émergence de nouvelles puissances économiques et politiques qui a modifié l’équilibre des forces et complexifié les négociations internationales. 

2.1.- Les origines du multilaterisme

Le multilatéralisme, en tant qu’un processus historique en constante évolution, trouve ses racines dans les interactions complexes entre les sociétés humaines depuis l’Antiquité. Des alliances entre cités-États grecques aux vastes empires romains, en passant par les croisades médiévales qui tissaient des liens entre des royaumes éloignés et les cités-États italiennes de la Renaissance qui rivalisaient tout en commerçant.  L’histoire regorge donc des exemples de coopération et d’interdépendance internationale. Si ces premières formes de multilatéralisme étaient souvent motivées par des intérêts économiques ou politiques spécifiques, elles témoignent en conséquence une compréhension intuitive de la nécessité de travailler ensemble pour assurer la stabilité et la prospérité. 

Dans cette ordre d’idée, il faut mentionner le traité de Westphalie qui, en consacrant le principe de souveraineté Étatique, a marqué un détour décisif dans l’histoire du multilatéralisme. En définissant les frontières entre les États et en reconnaissant leur droit à l’autodétermination, ce traité a jeté les bases du système international moderne. Cependant, il a également contribué à fragmenter le monde en États souverains. Ce qui signifie que chacun cherche à protéger ses intérêts nationaux. La Société des Nations (SDN), créée à l’issue de la Première Guerre mondiale, a représenté une tentative ambitieuse de dépasser les limites du système westphalien en instaurant un cadre de coopération multilatérale. Bien que ses efforts aient été entravés par les tensions entre les grandes puissances et son incapacité à prévenir la Seconde Guerre mondiale, elle a posé donc les fondements des organisations internationales modernes, telles que : les Nations Unies (UN).

Aujourd’hui, le multilatéralisme est confronté à des défis de taille. Ainsi donc, la montée des nationalismes, le protectionnisme économique, la fragmentation du système international et l’émergence de nouveaux acteurs, tels que : les entreprises multinationales et les organisations non- gouvernementales qui mettent à l’épreuve la pertinence et l’efficacité de ce modèle de gouvernance mondiale. Les enjeux globaux, à savoir : le changement climatique, les pandémies, les migrations et la prolifération des armes de destruction massive, exigent des solutions coordonnées et à long terme qui dépassent déjà les capacités d’action individuelle des États. Malgré ces difficultés, le multilatéralisme pourrait rester un outil nécessaire pour faire face à ces défis complexes. Il offre donc un cadre pour la négociation, la résolution des conflits et la construction d’un ordre international plus juste et plus durable. Si les motivations et les formes du multilatéralisme ont évolué au fil du temps, son essence demeure donc la reconnaissance de l’interconnexion des États et la nécessité de coopérer pour construire un avenir commun.

3.- L’ONU : ses responsabilités face au multilaterisme 

L’Organisation des Nations Unies, se trouve confrontée à des défis qui mettent à l’épreuve sa capacité à remplir son mandat. Si l’ONU a indéniablement joué un rôle décisif dans la préservation de la Paix et de la promotion du développement depuis sa création, elle se heurte aujourd’hui à des limites structurelles et politiques lesquelles entravent son action. Il  est à noter que le multilatéralisme comme principe fondateur de l’organisation, repose sur l’idée que les nations, en coopérant, peuvent mieux faire face aux enjeux globaux. Toutefois, ce modèle est régulièrement mis à mal par des divergences d’intérêts nationaux, des déséquilibres de pouvoir irrités par le droit de veto de certains membres permanents du Conseil de sécurité, et une fragmentation du système international. Les crises récentes, telles que : la guerre Russo-Ukrainienne, celle d’Israélo-Palestinienne, les luttes armées opposant la RDC et le Rwanda, ainsi que la crise sociopolitique en Haïti où les gangs armés sèment la terreur, ont mis en évidence l’incapacité de l’ONU à fournir des réponses rapides et efficaces aux crises humanitaires et sécuritaires complexes. Ces échecs sont en partie attribuables à un manque de volonté politique de la part des États membres, à une insuffisance de ressources financières et humaines ainsi qu’à des mécanismes décisionnels trop lents et souvent paralysés par des considérations et positionnements géopolitiques. Malgré ces difficultés, le multilatéralisme resterait la voie à suivre pour relever les défis mondiaux. Toutefois, il nécessite une réforme en profondeur pour pouvoir s’adapter aux réalités du XXIe siècle. 

4.- Un ordre mondial à reconstruire

Lors de la première Journée internationale du multilatéralisme organisée en 2018, les défis auxquels est confronté ce modèle de coopération ont été mis en évidence. Maria Fernanda Espinosa Garcès, Présidente de l’Assemblée Générale des Nations Unies, a alerté sur la fragilisation du multilatéralisme, caractérisée par (i) une méfiance accrue entre États (ii) une polarisation internationale et (iii) une multiplication de crises. Maria Louisa Navarro, vice-ministre danoise, quant à elle, a souligné que la répartition inégale du pouvoir au sein des organisations internationales, entrave la recherche de solutions communes. Face à ces enjeux complexes, l’ONU exprime ses préoccupations quant à l’efficacité de son action. Pour répondre aux défis du XXIe siècle et pour préserver la Paix et la Sécurité internationale, une réforme en profondeur du multilatéralisme s’impose. Il est donc nécessaire de renforcer la coordination entre l’ONU, les Organisations Régionales et les Acteurs non-Étatiques, d’améliorer la capacité de l’Organisation de telle sorte à prévenir les conflits et à répondre aux crises de manière plus agile, et de promouvoir une gouvernance mondiale plus équitable et plus inclusive. Pour y parvenir, le rôle du Secrétaire Général devra être renforcé (1), le Conseil de sécurité doit être repensé (2) et l’ONU doit doter des ressources nécessaires pour mener à bien ses missions (3). De plus, les États doivent partager les responsabilités de manière plus équitable et de garantir une représentation plus inclusive de tous les intérêts au sein des institutions internationales. 

5.- Conclusion

L’Organisation des Nations Unies, est confrontée à des défis mondiaux sans précédent. Elle donc doit repenser son rôle et ses méthodes pour pouvoir assurer justement un avenir pacifique et prospère à la communauté internationale. Si l’ONU a indéniablement contribué à résoudre de nombreux conflits et à améliorer les conditions de vie de millions de personnes, elle doit désormais redoubler d’efforts pour faire face à une complexité croissante des défis mondiaux, tels que : l’insécurité alimentaire, le changement climatique, les pandémies et les inégalités. L’établissement d’une Paix stable, le renforcement du multilatéralisme et la promotion d’une gouvernance mondiale plus équitable, sont des impératifs absolus. Pour y parvenir, il est indispensable que l’ONU soit réformée en profondeur, (i) en privilégiant des actions concrètes et efficaces sur le terrain (ii) en mettant un terme aux discours bureaucratiques et (iii) en renforçant les mécanismes de suivi et de contrôle de l’application des accords internationaux. En effet, les grandes puissances doivent faire preuve de plus de solidarité et de responsabilité en soutenant les initiatives multilatérales et en respectant les principes de l’égalité entre les États. L’ONU a donc un rôle central à jouer dans la construction d’un monde plus juste, plus équitable et plus stable. Mais, cela exige une volonté politique renouvelée de la part de tous les États membres et une adaptation persévérante de l’Organisation aux réalités d’un monde en bouleversement.

Sitographie

. https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2002-1-page-73.htm

. https://doi.org/10.3917/ris.045.0073

. https://www.cairn.info/pour-une-nouvelle-philosophie-politique–9782130560302-page-205.htm

. https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/277531-la-crise-du-multilateralisme

. https://journals.openedition.org/conflits/969?lang=es

. https://journals.openedition.org/vertigo/19356

. https://reliefweb.int/report/world/assembl-e-g-n-rale-un-multilat-ralisme-quilibr-et-efficace-meilleur-moyen-de-lutter

Dr. Noël AGELUS., PhD., LLM., LL.L

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