La politique haïtienne est enfermée dans un cercle vicieux où la quête de pouvoir supplante systématiquement l’intérêt collectif. Le cas de Claude Joseph incarne cette dynamique, où l’exécutant d’hier des ordres venus de l’extérieur, se pose désormais en donneur de leçons.
La politique haïtienne, secouée par d’incessantes turbulences, se présente comme une scène où les protagonistes se livrent à une compétition d’ambitions contradictoires et de discours ambigus. Parmi ces figures, le Docteur Claude Joseph, ancien ministre des Affaires étrangères et Premier ministre de facto, émerge comme un symbole de ces paradoxes qui caractérisent la gouvernance haïtienne. Tour à tour critique acerbe et acteur controversé, Joseph incarne une maxime empruntée au défunt-dictateur Dr François Duvalier : « La violence est intolérable, sauf lorsqu’il la pratique lui-même. »
Cette réflexion se révèle particulièrement pertinente à la lumière des dernières déclarations de Claude Joseph contre le Conseil Présidentiel de Transition (CPT). Dans un mémorandum publié en ce début d’année 2025, il s’est vivement opposé à la légitimité de cet organe, affirmant qu’il n’a « aucune crédibilité ni autorité » pour engager Haïti dans un processus de référendum ou d’élections. Une telle prise de position soulève toutefois une question troublante : lorsque Joseph occupait les rênes du pouvoir en 2021, sur quelle base juridique s’appuyait-il pour envisager un projet similaire de référendum constitutionnel ?
Les critiques de M. Joseph envers le CPT, bien que fondées sur des observations pertinentes – notamment le manque de crédibilité et les accusations de corruption visant certains de ses membres – résonnent néanmoins comme un écho ironique de ses propres pratiques politiques, qui ont contribué à affaiblir davantage les institutions du pays. Aujourd’hui, la nation continue d’en subir les lourdes conséquences.
Si le CPT fait face à des soupçons d’irrégularités, Claude Joseph n’est pas en reste. Les allégations de détournement de fonds de passeport à l’ambassade d’Haïti à Washington sous son administration continuent de planer, ternissant l’image d’un homme qui aspire à incarner une alternative crédible. À cela s’ajoute la trajectoire ambiguë de son parti, EDE, dont l’agenda politique reste flou, naviguant entre populisme et manque de propositions concrètes.
Le spectre du référendum : un débat récurrent et opaque
Claude Joseph fustige aujourd’hui le processus référendaire impulsé par le CPT, dénonçant son opacité. Mais ses propres tentatives de réforme constitutionnelle, tout aussi opaques, ne sauraient être ignorées. Son projet de 2021 avait suscité une levée de boucliers, notamment de la part de Me André Michel, qui l’avait qualifié de manœuvre unilatérale visant à imposer une nouvelle charte. L’implication de figures telles que Jerry Tardieu dans l’élaboration supposée de cette constitution, déjà rédigée selon certaines sources, n’a fait qu’alimenter la méfiance populaire.
Claude Joseph apparaît ainsi comme un acteur emblématique des paradoxes de la politique haïtienne, où principes et pratiques s’entrelacent dans une danse incohérente. En dénonçant la violence institutionnelle et les abus du CPT, il oublie carrément qu’il fut, lui aussi, un protagoniste de ce théâtre chaotique. Pour reprendre les mots du dicateur Duvalier, la question demeure : Claude Joseph déteste-t-il véritablement la violence, ou seulement celle qu’il ne maîtrise pas lui-même ?
cba