Minute de la rédaction
Le 1er janvier 1804, date de la proclamation solennelle de l’indépendance d’Haïti, les Gonaïves incarnent le symbole durable de la souveraineté nationale et de la résistance à l’oppression. Pourtant, à l’approche de cette date hautement symbolique de 2025, le pays, pris dans l’étau de la violence et de l’instabilité institutionnelle, s’interroge sur la capacité de ses dirigeants à réaffirmer cette indépendance.
A l’heure où les civographes du Conseil Présidentiel de la Transition (CPT) hésitent à se rendre aux Gonaïves pour commémorer cet événement fondateur, la question de l’existence réelle de l’Etat de droit en Haïti se pose avec une nouvelle intensité. Ce moment peut constituer une rupture ou, au contraire, révéler l’ampleur de l’effritement des fondements républicains face à une gouvernance qui peine à assumer ses responsabilités régaliennes.
Lieu mythique de la naissance de l’État haïtien, la ville des Gonaïves n’est pas seulement un site historique, c’est l’incarnation même de la souveraineté populaire. L’absence de représentants de l’exécutif sur le site le 1er janvier serait un aveu cinglant de la fragilité de l’État haïtien. En effet, depuis la dissolution de structures fondamentales comme le Parlement et la paralysie de la Cour de Cassation, les institutions régaliennes ne sont plus que des mécanismes rudimentaires de gestion administrative, centrés sur le recouvrement des finances publiques. Cette centralisation financière, sans contrôle parlementaire ni justification transparente des dépenses, renforce l’image d’un pouvoir en mal de légitimité. L’absence du Président ou de ses représentants aux cérémonies des Gonaïves cristallise davantage cette crise de légitimité et renforce la perception d’une nation abandonnée à elle-même.
Paradoxe d’une indépendance célébrée à distance
Si le gouvernement en place se pose en défenseur de la souveraineté, notamment à travers des initiatives diplomatiques comme le soutien symbolique à l’autonomie du Kenya, son incapacité à sécuriser et à honorer les lieux où cette indépendance a justement été proclamée interroge au plus haut point. Comment un gouvernement qui revendique l’héritage de la liberté peut-il justifier son absence aux Gonaïves, cœur battant de cette émancipation ? Célébrer l’indépendance loin de ce sanctuaire, sous prétexte de menaces sécuritaires, serait une abdication de ses responsabilités face à des groupes armés qui dictent leur loi. Cela équivaudrait à une profonde déconnexion entre les paroles et les actes, trahissant l’esprit de 1804, qui appelait à la défense inébranlable de la dignité nationale.
Le 1er janvier 2025 pourrait devenir un test décisif pour le Conseil Présidentiel de la Transition. S’il choisit de braver les défis sécuritaires et de célébrer l’indépendance aux Gonaïves, il démontrera sa volonté de rétablir l’État de droit et de réaffirmer l’autorité de l’État face aux forces déstabilisatrices. Dans le cas contraire, son absence renforcerait l’idée d’un État en déclin, incapable de s’ancrer dans l’héritage de ses héros fondateurs.
Plus qu’une commémoration, cette journée du Mercredi Premier Janvier 2025, sera l’occasion de mesurer si les dirigeants actuels aspirent réellement à restaurer l’autorité républicaine, ou s’ils se contentent d’un pouvoir limité à des mécanismes administratifs sans aucun fondement politique ou symbolique. La réponse, attendue avant mercredi midi, révélera bien plus qu’une décision logistique : elle éclairera la trajectoire future d’un Etat en quête de rédemption.
