13 février 2025
1er Janvier 2025 | Gonaïves ou le Palais National ? Le dilemme géopolitique de Leslie Voltaire pour l’annonce des élections de 2025
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1er Janvier 2025 | Gonaïves ou le Palais National ? Le dilemme géopolitique de Leslie Voltaire pour l’annonce des élections de 2025

minute de la rédaction

Président du Conseil présidentiel de la transition (CPT), Leslie Voltaire est devenu, par accident, un personnage central au carrefour de la crise institutionnelle et des attentes pressantes de la société civile. À la veille de 2025, il se trouve devant une obligation à la fois historique et politique : annoncer que le retour aux urnes aura lieu cette année, dans un pays où l’absence d’élections depuis 2016 a laissé un vide institutionnel sans précédent. Ce dilemme ne se réduit pas à une simple déclaration protocolaire ; il renvoie à des enjeux très complexes, alliant symbolisme historique, impératifs sécuritaires et choix stratégiques décisifs.

Depuis plus de sept ans, Haïti sombre dans un abîme institutionnel qui la distingue tristement des autres nations caribéennes. Il n’y a pas d’élus et la légitimité démocratique a laissé place à une gouvernance ad hoc, où les factions et les alliances opportunistes se substituent aux politiques publiques. Cette anomalie institutionnelle a trouvé son expression la plus tragique dans la rhétorique répétée des promesses électorales non tenues. Chaque 1er janvier entre 2018 et 2021, Jovenel Moïse a insisté sur le fait que l’année à venir serait électorale. Ces déclarations, dépourvues de tout effet tangible, ont contribué à installer dans les esprits un cynisme qui pèse aujourd’hui sur les institutions haïtiennes.

Dans ce contexte, l’obligation faite à Leslie Voltaire de faire une annonce similaire pour 2025 résonne avec une singulière acuité. Mais un tel engagement ne peut se réduire à une formule. Le lieu choisi pour cette déclaration ajoute une couche supplémentaire de complexité à son dilemme. Les Gonaïves, berceau de l’indépendance nationale proclamée en 1804, demeure un lieu sacré dans la mémoire collective. C’est ici que Jean-Jacques Dessalines a été investi gouverneur général et cette localité, plus que toute autre, incarne la souveraineté et la fierté nationales. Cependant, le choix des Gonaïves achoppe sur une réalité poignante : l’insécurité qui sévit dans le pays et qui rend cette destination pratiquement inatteignable.

Le Palais National, autre site symbolique, pourrait être une alternative crédible, mais un tel choix risquerait de dénaturer le caractère profondément historique de l’annonce. Si ni les Gonaïves ni le Palais National ne peuvent être assurés d’accueillir la déclaration, le pays tout entier va devoir faire face au problème suivant : comment prétendre organiser des élections dans un contexte où même les bastions symboliques de l’autorité de l’Etat sont hors d’atteinte ? Ce point permet une réflexion plus profonde : l’impossibilité d’assurer une transition démocratique sans rétablir au préalable la sécurité nationale.

A cette restriction géographique s’ajoute un débat institutionnel majeur. Certains ont suggéré l’idée d’un référendum pour réformer la Constitution, ce qui serait juridiquement irrecevable dans le cadre de la Constitution de 1987, sauf par le biais d’un amendement parlementaire. Cependant, l’absence même d’un Parlement élu rend cette hypothèse caduque. D’autre part, les élections, bien qu’extrêmement difficiles à organiser dans les conditions actuelles, restent la seule voie légitime pour restaurer la légitimité et mettre fin à la crise institutionnelle.

En revanche, toute annonce électoraliste dépourvue de plan d’action concret ne fait que renforcer la méfiance populaire à l’égard d’une classe politique déjà discréditée. Il ne suffit plus de condamner la violence ou de dénoncer l’intolérable. Cette « rhétorique », le plus souvent perçue comme vide de substance, doit céder la place à des initiatives tangibles. Le rétablissement de la sécurité dans les zones stratégiques, la fixation d’un calendrier électoral réaliste et la mobilisation d’un consensus national autour de la transition démocratique sont autant de mesures nécessaires.

Le dilemme de Leslie Voltaire, même s’il est individuel dans sa portée immédiate, incarne la condition d’un État haïtien fragile, où le poids du passé et l’urgence du présent se heurtent à l’incertitude de l’avenir. Son enjeu ne se limite pas à l’annonce de l’année électorale 2025, mais concerne la survie même de la démocratie en Haïti. A travers cette décision, c’est tout un peuple qui attend la preuve que l’histoire n’est pas condamnée à se répéter indéfiniment et que l’avenir peut être réinventé.

Les conséquences de l’inaction seraient désastreuses. Trop de sang a été répandu en 2024, trop de discours ont été prononcés sans lendemain. Aujourd’hui, le temps n’est plus à la condamnation, mais à l’action concrète et coordonnée. Si l’histoire juge sévèrement les dirigeants qui ont échoué dans cette tâche, l’urgence exige aujourd’hui que nous agissions avec une lucidité et une détermination à la hauteur des enjeux. Car l’avenir d’Haïti ne peut plus attendre.

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