minute de la rédaction
Sispann rele fèmen baryè lè kabrit finn pase ?
Incendie de l’Hôpital Mevs | Chronique d’une catastrophe annoncée : le règne de Fils-Aimé marqué par des mots plutôt que des actes ? Le 12 décembre, Fils-Aimé annonçait avoir « tracé la voie d’un plan d’action pour la sécurité et la justice ». Plus de 30 jours après son accession à la Primature, il est temps de prouver qu’il ne s’agissait pas de simples discours sans lendemain.
L’incendie criminel de l’hôpital Bernard Mevs, perpétré par des gangs armés fédérés par le régime PHTK, est une atteinte directe au droit fondamental à la santé et relance le débat sur la gestion de la sécurité en Haïti. Plus qu’un simple acte de barbarie, ce drame traduit l’incapacité tout aussi fondamentale de l’Etat à protéger ses infrastructures critiques et ses citoyens. En se contentant de condamner « fermement » cette attaque, le gouvernement du Premier ministre Didier Fils-Aimé, agit en réaction plutôt qu’en prévention, contribuant ainsi à la spirale de l’inefficacité institutionnelle.
Depuis plusieurs années, et bien avant le magnicide du 7 juillet 2021, la violence des gangs « en mission » s’intensifie, sous le regard complice des autorités. L’attaque d’un hôpital aussi emblématique que Bernard Mevs, pilier du système de santé haïtien doté d’une technologie de pointe, n’est donc pas une surprise. Situé dans une zone déjà tendue, l’hôpital était depuis longtemps vulnérable aux incursions des groupes armés. On peut donc se demander pourquoi aucune mesure préventive concrète n’a été mise en place pour sécuriser ce centre vital.
En multipliant les condamnations verbales sans suite tangible, le gouvernement s’enferme dans une rhétorique devenue trop familière. La répétition de ces déclarations, qualifiées de « fermes » mais rarement suivies d’effets, témoigne d’une incapacité à s’attaquer à la racine du problème structurel de l’insécurité.
Les mesures annoncées dans le communiqué de presse de la Primature – renforcement de la présence de la PNH, moyens supplémentaires et plans de sécurité déployés patati patata – sont des engagements qui n’ont été pris que tardivement. Leur mise en œuvre, si elle a lieu, questionne sur leur pérennité dans un Etat où les promesses officielles s’évaporent souvent avec le temps. Pourquoi faut-il attendre l’irréparable pour déclencher un semblant de mobilisation ? Cette réflexion fondamentale met en évidence le décalage permanent entre le discours politique et la réalité du terrain.
La tragédie de Bernard Mevs nous rappelle cruellement que les gangs ne s’attaquent plus seulement aux citoyens ou aux quartiers populaires : ils s’en prennent désormais aux symboles de l’accès à la dignité humaine. En sapant les quelques institutions qui fournissent encore un service essentiel, les groupes armés sapent les fondements mêmes de l’Etat haïtien. Face à cette guerre asymétrique, la réponse ne peut se limiter à des mots ou à des condamnations cosmétiques, elle nécessite des stratégies robustes et réfléchies, appliquées sur le long terme.
L’incendie de cet hôpital de référence nous rappelle que la responsabilité ne se limite pas aux détenteurs du pouvoir. Il interpelle aussi les élites politiques et économiques , témoins de cette lente dérive vers le chaos. Le silence, l’inaction et l’indifférence générale ont permis à ces bandes d’étendre leur emprise sur le territoire, au point de menacer la survie même d’institutions vitales.
L’attentat contre Bernard Mevs n’est pas seulement une tragédie humaine, c’est un signal d’alarme sur la profondeur de la crise sécuritaire en Haïti. Tant que l’Etat se contentera de condamner l’inacceptable sans en éradiquer les causes, ces événements continueront à se produire, marquant à chaque fois un pas de plus vers l’effondrement. La véritable urgence ne réside pas dans des promesses renouvelées, mais dans la capacité à rétablir, enfin, un climat où la sécurité n’est pas un luxe, mais un droit garanti pour tous.
Chronique d’une nation en sursis : le bal des condamnations
184 personnes âgées assassinées à Cité Soleil, victimes de l’indifférence et des balles : Fils-Aimé condamne fermement.
20 vies fauchées à Petite-Rivière de l’Artibonite, leurs noms effacés par l’exécution froide des gangs : Fils-Aimé condamne fermement.
Un bateau englouti au large de Petit-Goâve, car les gangs bloquent la Nationale 2 et réduisent la mer en unique échappatoire : Fils-Aimé déplore.
L’Hôpital Bernard Mevs, symbole d’un système de santé chancelant, incendié alors que le danger était déjà écrit trois jours plus tôt : Fils-Aimé condamne encore, fermement.
Et demain ? Quel sera le prochain communiqué ? Quel verbe fort sera choisi quand Monsieur Fils-Aimé se verra contraint de rebrousser chemin aux portes des Gonaïves, incapable de franchir la route pour honorer le 221ᵉ anniversaire de l’Indépendance ? Les mots, lourds de leur répétition, résonnent comme un écho vide, tandis que le pays s’effondre sous le poids de ses propres silences.
Car, face à l’histoire qui vacille, les condamnations ne suffisent plus. Changer de disque, monsieur le Premier ministre, trop de redondances!