12 octobre 2025
Haïti à la croisée des chemins : peut-on tenir à la fois un référendum et des élections en 2025 ?
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Haïti à la croisée des chemins : peut-on tenir à la fois un référendum et des élections en 2025 ?

Haïti à la croisée des chemins : peut-on organiser en même temps un référendum et des élections en 2025 ?

minute de la rédaction

Alors que l’année 2024 s’achève dans un climat où les turbulences socio-politiques se succèdent en Haïti, il subsiste une interrogation de taille : le gouvernement haïtien sera-t-il en mesure d’organiser un référendum constitutionnel suivi d’élections générales d’ici décembre 2025 ?

Abordons directement le cœur du sujet. Cette question, qui comporte deux volets, s’inscrit dans une réflexion plus large sur la faisabilité technique et institutionnelle, ainsi que sur les implications sociales et politiques d’une telle entreprise dans un pays en proie à la violence des gangs criminels terroristes et à l’instabilité chronique. Concernant le référendum, la Constitution est explicite : les mécanismes d’amendement sont définis, et ce n’est pas un Jerry Tardieu qui prétendra le contraire.

La Commission de Venise et ses avertissements

La consultation de la Commission de Venise, réputée pour son expertise juridique et constitutionnelle, a été un signal fort. Ses conclusions, indiquant l’impossibilité d’organiser des élections en mars 2025, font apparaître l’absence des conditions nécessaires à la réalisation d’un tel processus. Il est évident que les exigences logistiques, juridiques et sécuritaires pour des élections libres et crédibles ne peuvent être remplies dans un délai aussi court. Dès lors, une grande question se pose : l’exécutif haïtien suivra-t-il ces recommandations ou préférera-t-il imposer un référendum par des moyens suspects, notamment via un Conseil électoral provisoire (CEP) aux fondements fragiles, n’ayant aucune provision constitutionnelle pour organiser ou amender la Constitution ?

Depuis 1957, les instances électorales haïtiennes ont été émaillées de multiples controverses, et l’actuel CEP-Voltaire et Fils-Aimé ne fait pas exception à la règle. La nomination de deux membres, sans processus électif préalable, est à l’origine de contestations légitimes. Ce CEP « anticonstitutionnel », aux dires de certains, est le reflet d’une gestion opaque qui alimente la crise de confiance envers les institutions.

Les obstacles techniques et structurels

Organiser un référendum ou des élections dans le contexte actuel est une entreprise presque utopique. Plusieurs obstacles majeurs doivent être surmontés :

  • Déplacements massifs de population et insécurité généralisée : Avec des milliers de personnes déplacées et une insécurité persistante causée par des bandes armées, l’établissement d’un fichier électoral fiable est compromis. Ces conditions logistiques sont aggravées par l’absence de stratégie de réhabilitation des « territoires perdus ».
  • Cadre juridique et institutionnel inexistant : La vacance d’institutions clés, notamment une Cour de cassation fragilisée et un Parlement légitime, fragilise juridiquement tout processus électoral. En l’absence d’un cadre constitutionnel fonctionnel, toute initiative est susceptible d’être perçue comme illégitime, ce qui exacerbe les tensions.
  • Temps nécessaire pour un référendum : L’organisation d’un référendum crédible nécessite des mois, voire des années de préparation dans les États fonctionnels. En Haïti, où l’infrastructure électorale et la confiance du public ont été minées, ces délais seraient encore plus longs.

Quelle alternative envisager ?

Face à ces réalités, le gouvernement haïtien pourrait envisager une stratégie différente. Plutôt que de précipiter un processus électoral ou référendaire voué à l’échec, il pourrait travailler à restaurer les conditions minimales de gouvernance. Cela passe par :

  • Reconstruire les institutions : Le rétablissement d’une Cour de Cassation réellement fonctionnelle devrait être une priorité, car le Dr Ariel Henry, en tant que Premier ministre, ne détient aucun pouvoir pour nommer des juges à cette haute instance judiciaire.
  • Un dialogue national inclusif : Réunir les parties prenantes autour d’une table pour définir une feuille de route consensuelle.
  • Amélioration de la sécurité : La reprise des zones contrôlées par les gangs est une condition sine qua non pour une transition politique viable.

Une stabilité illusoire

Dans ce contexte, le gouvernement pourrait tenter de créer l’illusion d’une stabilité retrouvée, en négociant notamment des accords tacites avec certains chefs de gangs. Cependant, cette stratégie, si elle se concrétise, ne serait qu’un palliatif temporaire, sans garantie d’une paix durable.

Haïti se trouve à un carrefour décisif. La possibilité d’organiser un référendum non prévu par les lois de la République et des élections en 2025 – en retard de plus de quatre ans – dépend non seulement de la volonté politique affichée, mais aussi de la capacité des autorités à faire face rapidement aux défis inhérents à la situation du pays. Sans un cadre institutionnel légitime et une sécurité retrouvée, ces ambitions risquent de rester des chimères. Le peuple haïtien, accablé par la misère et la peur, ne peut se permettre de voir son avenir politique hypothéqué par des stratégies improvisées. Plus que jamais, une approche réfléchie et concertée est essentielle pour qu’Haïti émerge enfin de l’état de « république de l’impossible ».

Engageons-nous résolument dans les préparatifs des élections générales, mais seulement lorsque la confiance du peuple, si longtemps érodée, aura été patiemment restaurée après un retour à la normalité. Ce n’est qu’ensuite que pourront être envisagés les amendements constitutionnels, en suivant scrupuleusement les mécanismes prévus par la Constitution elle-même. Si, comme l’a préconisé la Commission de Venise, la tenue d’un référendum en mars est irréaliste, pourquoi s’obstiner à précipiter l’inévitable ? Serait-ce pour céder à d’obscures injonctions ? Et même à l’horizon de l’été, rappelons-le avec insistance : une Constitution ne saurait être l’apanage d’une génération éphémère. Elle porte en elle la charge solennelle de tracer les contours de l’avenir d’une nation pour les décennies à venir. Cessez donc d’hypothéquer le destin d’un peuple accablé par des décennies de souffrance, tout cela pour satisfaire vos intérêts étriqués, dictés par l’appétit insatiable d’un maître tutélaire. Le peuple d’Haïti mérite mieux que de voir son sort livré aux caprices de l’égoïsme et de la servilité.

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