Par Leslie Péan
Économiste, historien, romancier
Maryland, le 11 décembre 2024
Robert Berrouët-Oriol a réussi son pari : la mise en évidence d’une forfaiture. Au nom de la norme, il a produit une critique scientifique appelée à faire date avec son étude intitulée « La fable de la « soup joumou », soi-disant « soupe de l’indépendance », dans le brouillard de la patrimonialisation et de l’arnaque identitaire ». Cette étude de 60 pages, amplement documentée, a d’abord été publiée en Haïti, le 9 décembre 2024, sur la plateforme du Forum national des enseignants haïtiens, le REPUH. Par la suite elle a été publiée aux États-Unis sur le site Rezonòdwès, le 10 décembre 2024, puis, le 11 décembre 2024, elle est parue en Martinique sur deux autres sites, Fondas kreyòl et Madinin’Art. Au cours de la journée du 11 décembre 2024 elle sera publiée en France sur le site Médiapart.
L’étude de Robert Berrouët-Oriol a pour but de démontrer que l’appellation « soupe de l’indépendance » pour désigner la « soupe joumou » n’est aucunement justifiée sur le plan historique. Pour cela, il a fait appel au Droit et à son archétype moderne, la Constitution. Entre autres : la Constitution haïtienne de 1987. Un discours de vérité qui va au-delà de la simple fierté.
Le regard analytique de Robert Berrouët-Oriol interroge avec rigueur le processus qui a conduit à l’inscription de la « soupe joumou » sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, a l’UNESCO. Ce faisant, l’auteur en présente la toile de fond. Et dans ce parcours, on découvre, avec lui, que l’obstination de/dans cette démarche ayant abouti à l’inscription de la « soup joumou » sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, à Paris, en 2021, relève autant d’une manœuvre politique de bas étage que de la légende qui entoure cette appellation véritablement non contrôlée. Le regard n‘est pas furtif et il livre une leçon de choses. Qui permet d’aller de la genèse de la constitution de l’Histoire comme science normée à la réflexion critique sur la problématique de l’identité avec, en creux, la réponse de la bande des Griots. Une tourbe de malheurs qui s’est abattue sur Haïti depuis l’Occupation américaine de 1915 et qui continue de noyer les jeunes et les moins jeunes cerveaux dans les fantasmes des dictatures.
Dans sa leçon de choses, Robert Berrouët-Oriol indique en clair la nécessité de réfléchir sur des problématiques qui n’ont pas reçu suffisamment d’attention jusqu’ici. Des problématiques qui affectent profondément notre État et qui en font le ridicule, en nous transformant en comédiens, même quand nous croyons être sérieux. Dans ce cheminement analytique-critique, Robert Berrouët-Oriol égratigne, avec la plume poétique qu’on lui connait, la belle bon chic bon genre BCBG qui s’est prêtée à cet exercice périlleux. Alors là, Robert Berrouët-Oriol lui chante une sérénade en lui présentant des roses avec toutes leurs épines. Tout ce qu’on peut faire de mieux, par amour. Pour son pays.
En approchant le sujet de la « Soup joumou » / « soupe de l’Indépendance » avec sagesse, clairvoyance et lucidité, Robert Berrouët-Oriol offre à ses lectrices et lecteurs les matériaux dont ils peuvent se prémunir pour se faire leur propre jugement. Sagesse dans le sens où l’entend Schopenhauer, c’est-à-dire « l’art de rendre la vie aussi agréable et aussi heureuse que possible », dans son ouvrage le plus lu « Aphorismes sur la sagesse dans la vie » publié en 1851. Après six ans de croissance négative et le refus des autorités de la Banque de la République d’Haïti (BRH) de terminer et publier l’audit de 2023, l’économie haïtienne a atteint un tel niveau de dégradation qu’aucune inscription d’un des produits de son agriculture, s’il ne l’a jamais été, ne puisse en cacher les souffrances. La fierté ne saurait être une fin en soi.
NDLR – Leslie Péan est économiste, historien et romancier. Il a publié de nombreux articles scientifiques ainsi que plusieurs ouvrages de référence, notamment « Haïti – Économie politique de la corruption » aux Éditions Maisonneuve et Larose (4 tomes, 2005, 2006, 2007), et « Entre savoir et démocratie. Les luttes de l’Union nationale des étudiants haïtiens (UNEH) sous le gouvernement de François Duvalier » (Éditions Mémoire d’encrier, 2013). Co-écrit avec la romancière Kettly Mars, le roman « Le prince noir de Lilian Russell » est paru aux Éditions Mercure de France en 2012.

