13 juillet 2025
Cri de détresse du Clergé catholique de Port-de-Paix
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Cri de détresse du Clergé catholique de Port-de-Paix

Cri de détresse du Clergé catholique de Port-de-Paix aux autorités de l’État, à leures représentants dans le département du Nord’Ouest et aux hommes et femmes de bonne volonté

“Seigneur, au secours ! Il n’y a plus de fidèle ! La loyauté a disparu chez les hommes” (Ps 11, 2)

1. A la veille de la fête de notre Patronne bien-aimée, la Bienheureuse Vierge Marie, l’Immaculée Conception, Nous, Prêtres du diocèse de Port-de-Paix, à la suite de nos Pasteurs, les Évêques Catholiques d’Haïti dans leurs divers messages, élevons la voix, haut et fort, au nom de la population Nord-ouésienne pour exprimer notre sentiment de frustration, de détresse et même de révolte face à des situations dramatiques quotidiennes du peuple haïtien et particulièrement de la population du Nord-Ouest. Comme Eglise diocésaine appelée à apporter soutien et réconfort aux cœurs angoissés et désespérés (Gaudium et Spes, #1), les mauvaises conditions de vie de tous les jours vécues par nos frères et sœurs du département ne nous laissent pas indifférents.

2. En effet, depuis ces cinq dernières années, la réalité socio-politique, économique et environnementale du département est devenue de plus en plus catastrophique voire alarmante surtout en ces derniers jours. Les services fondamentaux auxquels la population a droit fonctionnent au ralenti pour ne pas dire même inexistants. Le département souffre énormément de cinq grandes formes d’insécurité :

* Insécurité politique : Manque de coordination entre les différents représentants de l’Etat dans le département. De ce fait, il n’existe donc pas de plan défini pour venir en aide aux besoins immédiats de la population. Absence récurrente de certains représentants de l’Etat. Après les départements de l’Ouest et de l’Artibonite, le Nord-Ouest possède un important réseau de gangs surtout dans les hauteurs de Bassin-Bleu, de Port-de-Paix et de Saint Louis du Nord. Même si certains d’entre eux ont été démantelés par la Police et la population, il n’en reste pas moins qu’ils continuent à terroriser la population surtout au niveau de Tibwadòm, localité située entre Gros-Morne et Bassin Bleu. De plus, ces réseaux de gangs bénéficient de l’impuissance et de la non-surveillance de l’Etat au niveau de quelques ports privés du littoral, de la présence de pistes d’atterrissage clandestins des petits avions facilitant l’entrée de la drogue, des armes et des munitions de tout calibre comme premières causes de l’insécurité.

* Insécurité sociale : Pas d’électricité de l’État depuis plus de trois ans dans le département. On a l’impression de retourner à l’âge de la pierre. La jeunesse est livrée à elle-même, sans cadre et sans repères. Ce qui aggrave encore davantage la délinquance juvénile. Beaucoup de jeunes filles non matures ont deux ou trois enfants. Au niveau éducatif, on assiste à la prolifération des écoles non structurées insérant des programmes de loisir et de détente pour attirer les jeunes. 

En plus de tout cela, il n’existe qu’une succursale par banque pour une population de plus d’un million d’habitants. Ce qui fait qu’il y a toujours une file d’attente interminable devant ces succursales, où parfois, très tôt le matin, des jeunes filles subissent des agressions de toutes sortes. Le système judiciaire demeure impuissant à réagir. L’Île de la Tortue, pour sa part, est sans Juge de paix depuis plus de six (6) mois et il n’y a que deux policiers pour servir une population de plus de trente mille habitants.

D’un autre côté, les routes sont quasiment impraticables. L’accès à l’intérieur quel que soit le lieu de destination ainsi que l’accès aux autres départements devient un casse-tête chinois. Le Nord-Ouest qui demeure un département vieux de la découverte de l’île d’Hispaniola par Christophe Colomb le 05 décembre 1492, n’a commencé à recevoir dans certains de ses tronçons une couche d’asphalte que tout récemment sous le mandat du président assassiné Jovenel Moïse.

* Insécurité alimentaire : A cause de la présence des gangs sur la route principale vers Port-de-Paix, la vie devient très chère, le coût des produits pétroliers (quand on les trouve) et des produits de première nécessité ne cesse de grimper. Les terres ne sont plus cultivées à cause de la déforestation surtout dans le bas-Nord-ouest si bien que la plupart des jeunes garçons et jeunes filles se ruent vers les grandes agglomérations particulièrement la ville de Port-de-Paix. Selon certaines ONG du milieu, le taux des habitants vivant en insécurité alimentaire a beaucoup augmenté dans le département depuis ces cinq dernières années. La population, dans sa majeure partie, fait face au chômage, à la malnutrition et à la misère accrue.

* Insécurité sanitaire. La question de la santé demeure un problème crucial dans le département. Malgré la récente ouverture de l’hôpital OFATMA en été dernier, le problème demeure loin d’être résolu. Car les services hospitaliers manquent de moyens adéquats et de ressources humaines qualifiées pour venir en aide aux besoins multiples des habitants. Il y en a qui sont obligés d’aller chercher du soin ailleurs avec tout le risque que cela comporte dans les déplacements. 

Dans les endroits reculés, les centres de santé sont quasiment inexistants, les gens sont livrés à eux-mêmes ne comptant parfois que sur la présence du prêtre de la paroisse pour servir d’ambulancier ou même de secouriste.

* Insécurité environnementale. Voilà le comble du département. L’environnement a connu une dégradation galopante et effrénée durant cette dernière décennie. Les espaces densément habités comme les villes et les bourgs sont en train d’être enlisés dans les détritus et la boue provenant, en majeure partie, des bassins versants où des maisons de fortune sont construites de manière anarchique. La nudité généralisée des sols causée par le déboisement massif a facilité la provocation d’avalanches mettant en danger la vie des personnes, des bêtes et des champs à l’occasion de n’importe quelle chute de pluie. Le littoral se remplit des immondices, des détritus domestiques de toutes sortes et des terres arables emportées par les inondations. Les conséquences graves sont la destruction accélérée de la flore, de la faune marine et des plages qui deviennent de plus en plus des amas de débris. Nous sommes donc à la merci de la nature. C’est une ville en agonie du point de vue environnemental.

3. Au nom de toute la population, au nom du respect de la dignité humaine, face à tout ce constat, Nous, prêtres catholiques du diocèse, réclamons aux autorités du pays et du département, en union avec le secteur privé et la diaspora, de faire quelque chose pour sauver le Nord-Ouest. 

Nous ne pouvons pas accepter l’inacceptable ni tolérer l’intolérable. Le Nord-Ouest comme département pionnier ne mérite pas ce traitement. Nous faisons appel à une prise de conscience individuelle et collective et à un engagement sérieux de nos autorités, quel que soit leur champ d’activités, pour le relèvement de ce département. Il est temps de sauver ce qui peut encore être sauvé avant qu’il ne soit trop tard. Donnons une nouvelle chance aux fils et filles nord-ouésiens de continuer à espérer en un lendemain meilleur.

4. Puisse la Bienheureuse Vierge Marie, l’Immaculée Conception, patronne de notre diocèse que nous célèbrerons sous peu, nous apporter soutien, réconfort et détermination pour un engagement citoyen efficace en faveur de notre département.

Donné à l’évêché de Port-de- Paix, ce 5 décembre 2024, jour de la découverte d’Haïti par Christophe Colomb au môle St Nicolas. (Port-de-Paix).

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