Dans le clair-obscur des nuits sans lune,
Les ruelles chuchotent des noms funestes :
Barbecue, Lanmò Sanjou, Izo, Ti Lapli, Krisla
Leurs ombres étouffent les murmures du peuple.
La peur s’est faite reine,
Tissant ses fils dans les entrailles des quartiers,
Un royaume de cendres et de larmes,
Où les espoirs s’effondrent sous le poids des balles.
Mais écoutez, au loin, un tambour sourd,
Le cœur de ceux qu’on croyait vaincus bat encore.
Les déplacés, cœurs en exil, chantent « Bwa Kale »,
Un cri qui fend la nuit comme une lame.
Les crève-la-faim en ont assez des bandits à cravate,
Des chimès déguisés, des fillettes Lalo perchées sur talons.
Leurs regards, brûlants de faim et de révolte,
Se tournent vers l’horizon, prêts à mordre le silence.
Comme les macoutes d’antan, les attachés sanguinaires,
Les gangs goûteront au fer des sans-voix déchaînés.
Une marée monte, une marée de colère,
Et nul tyran ne saura contenir ce flot.
Les femmes enceintes, aux ventres lourds d’espoir,
Ne courent plus, elles avancent, poings serrés,
Portant en elles la promesse d’un demain
Où la terreur pliera sous la lumière.
Barbecue vacille, un titan aux pieds d’argile,
Lanmò Sanjou tremble comme une feuille flétrie,
Izo se dissout dans la clameur du peuple,
Et Ti Lapli s’évapore sous un soleil nouveau.
Les estropiés ne mendient plus leur survie,
Ils deviennent les architectes d’une revanche,
Un souffle venu du fond des âmes brisées,
Ravivant le feu des ancêtres révoltés.
Car le bâton doit changer de main,
Le vent tourne, il porte avec lui la colère des silencieux,
Les bourreaux deviendront des ombres fumantes,
Et la terre d’Haïti, enfin, pourra respirer.